Malgré la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, l’Union européenne (UE) et le Mexique ont conclu, mardi 28 avril, les pourparlers commerciaux pour moderniser leur accord de libre-échange en vigueur depuis 2000. Un signe que le libre-échange fait toujours partie de l’agenda de la Commission européenne.
Entamées en 2016, les discussions butaient encore sur le volet consacré aux marchés publics. Un dernier point litigieux qui a été résolu à l’issue d’un entretien téléphonique entre Phil Hogan, le commissaire en charge du Commerce, et Graciela Márquez Colín, la ministre mexicaine de l’Économie.
Ouverture des marchés publics sous-fédéraux
Les deux négociateurs en chef se sont donc entendu « sur la portée exacte de l’ouverture réciproque des marchés publics et sur un niveau élevé de prévisibilité et de transparence des processus de passation des marchés publics », souligne un communiqué de la Commission européenne.
En clair, les entreprises européennes pourront ainsi accéder aux « marchés publics de 14 États mexicains qui représentent 64 % du PIB du Mexique », ont déclaré à l’AFP des sources à Bruxelles, soulignant que c’est la « première fois » que le Mexique ouvre son marché public sous-fédéral.
Accord de ‘nouvelle génération’
Outre ce volet, qui représente un intérêt offensif pour l’UE, cet accord de libre-échange (ALE), dit de « nouvelle génération » inclut également un certain nombre de nouveaux domaines « tels que l’énergie et les matières premières, le développement durable, les petites et moyennes entreprises, les bonnes pratiques réglementaires, la transparence et la lutte contre la corruption », a précisé le secrétariat mexicain de l’Économie dans un communiqué.
A terme, pratiquement tous les échanges de marchandises entre l’UE et le Mexique seront exemptés de droits de douane. La simplification des procédures douanières profitera également à l’industrie européenne, notamment dans des secteurs tels que les produits pharmaceutiques, les machines et les équipements de transport.
Ouverture dans le secteur agricole
Dans le domaine agricole, les exportations européennes de volailles, fromages, chocolat, pâtes et viandes de porc, seront les principales bénéficiaires du nouvel ALE.
A titre d’exemple, les négociateurs se sont entendus pour garantir un volume considérable pour les exportations de lait en poudre sur le marché mexicain, en commençant par 30 000 tonnes à partir de l’entrée en vigueur de l’accord, qui passeront à 50 000 tonnes après 5 ans.
Les droits de douane sur le chocolat (jusqu’à 30 % actuellement) et sur les pâtes alimentaires (jusqu’à 20 % actuellement) seront éliminés.
Une liste de 340 produits ‘made in EU’, disposant du label IG (Indications géographiques) – tels que le fromage Comté de France, le Queijo São Jorge du Portugal, le szegedi szalámi de Hongrie ou les prunes Magiun de prune Topoloveni de Roumanie – bénéficieront aussi d’une protection renforcée contre les copies et/ou contrefaçons sur le marché mexicain.
DPI, services, investissements : les autres volets de l’ALE
Dans les autres domaines, le pacte commercial prévoit également la protection des droits de propriété intellectuelle (DPI) ainsi que la libéralisation du secteur des services comme les services financiers, les transports, le commerce électronique et les télécommunications.
Le chapitre sur le commerce numérique doit permettre de supprimer les obstacles inutiles au e-commerce – comme la perception de droits de douane lors du téléchargement d’une application – et de mettre en place des règles claires pour protéger les consommateurs en ligne.
Enfin, en matière de protection des investissements, le traité bilatéral inclut le nouveau système de tribunaux d’investissement de l’UE, visant à garantir « la transparence et le droit des gouvernements à réglementer dans l’intérêt public », indique un communiqué de l’institution.
Les prochaines étapes
Cet accord politique va permettre aux deux camps de préparer les phases suivantes, conformément aux procédures en vigueur au Mexique et au sein de l’UE. Le parcours s’annonce donc encore long avant une éventuelle mise en œuvre du traité.
Côté européen, il suppose, d’abord, la mise en conformité juridique du texte consolidé – qui peut prendre de longs mois –, sa traduction, puis sa ratification, par les Etats membres et le Parlement européen.
Le libre-échange : un atout pour la reprise
Mais pour la Commission, dont les équipes sont essentiellement mobilisées sur le terrain de la crise sanitaire, ce nouveau pacte commercial va pouvoir s’inscrire dans l’arsenal des outils visant à relancer l’activité économique, une fois la pandémie passée.
« Alors que le gros de nos efforts se sont concentrés récemment sur la lutte contre la crise du coronavirus, nous nous sommes également efforcés de faire progresser notre programme de commerce ouvert et équitable, qui reste très important. L’ouverture, les partenariats et la coopération seront d’autant plus essentiels que nous devrons reconstruire nos économies après cette pandémie. », s’est félicité Phil Hogan.
Car pour le commissaire libéral irlandais, cet accord, une fois en vigueur « aidera l’UE et le Mexique à renforcer leurs économies respectives et à stimuler l’emploi ».
Alors que la crise du Covid-19 a relancé le débat sur la nécessité d’une démondialisation, la Commission, elle, compte bien maintenir son agenda de libre-échange. Dans une interview accordée au Financial Times le 23 avril, Phil Hogan avait d’ailleurs clairement affiché ses ambitions : « L’autonomie stratégique ne signifie pas que nous devons faire de l’auto-suffisance notre objectif. »
Ce nouvel ALE aura aussi une valeur de test alors que l’avenir du traité commercial UE-Mercosur, négocié depuis près de deux décennies, semble plus qu’incertain.
Le Mexique, premier partenaire de l’UE en Amérique latine
Le Mexique, qui compte 128 millions d’habitants, est le premier partenaire commercial de l’UE en Amérique latine avec un commerce bilatéral annuel d’une valeur de 66 milliards d’euros pour les marchandises et de 19 milliards d’euros pour les services.
Selon des données publiées par la Commission à Bruxelles, la valeur des exportations européennes vers le Mexique sont estimées à plus de 39 milliards d’euros par an. Depuis la mise en œuvre du premier accord commercial, les échanges auraient triplé entre les deux blocs.
Ce pays d’Amérique latine fut le premier de la région à signer, en 1997, un traité commercial global avec l’UE, entré en vigueur trois ans plus tard.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
* Plus de détails sur le site de la DG Commerce de la Commission européenne : https://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/eu-mexico-trade-agreement/