C’est un grain de sable dans les négociations entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur (Mercado Común del Sur)* dont se seraient bien passés les négociateurs. Alors qu’un nouveau round de discussions pour la conclusion d’un accord commercial entre les deux blocs s’ouvrait à Buenos Aires, le 20 mars dernier, les révélations sur le scandale du bœuf avarié brésilien ternissaient brutalement la réputation du premier exportateur de viande bovine dans le monde. De quoi peser sur le volet agricole/agroalimentaire –sensible- du projet d’accord.
Si les négociateurs ont déclaré que la question n’était pas au menu des pourparlers, certains reconnaissaient en coulisses que l’affaire « compliquaient les discussions ». Brasilia n’a pourtant pas ménagé ses efforts pour minimiser l’impact du scandale qui éclabousse le secteur de viande bovine, dont les exportations représentent 7 % des échanges commerciaux du pays.
Retour sur les faits. Le 17 mars, la police fédérale révélait qu’une vingtaine d’abattoirs et d’usines – notamment ceux des géants du conditionnement JBS et BRF – auraient versé des pots de vin aux services d’hygiène pour autoriser la vente de viande avariée ou périmée. « L’affaire ne concerne que 0,5 % du bœuf produit dans le pays, soit 21 établissements sur les 4 800 recensés », s’est défendu le président brésilien Michel Temer pour s’opposer aux menaces d’embargo brandies par certains pays et immédiatement appliquées par d’autres, comme la Chine, le Chili ou l’Égypte.
Après le refus des autorités brésiliennes de suspendre volontairement leurs livraisons de viande vers l’Europe, Bruxelles a, de son côté, finalement obtenu que les sociétés incriminées se voient retirer leurs licences d’exportation. La Commission européenne a également indiqué que les contrôles seraient renforcés.
Les partisans d’une exclusion de la viande bovine en force
Mais les opposants à l’accord de libre échange UE / Mercosur n’ont pas manqué de saisir l’occasion pour remettre sur la table une ancienne revendication : l’exclusion de la viande bovine du pacte commercial en cours de négociations. « Ce hasard de calendrier illustre, malheureusement, les craintes que nous, professionnels de la viande bovine française, n’avons cessé d’exprimer face à l’attitude de la Commission européenne », avertit Interbev, l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes, dans une lettre adressée au secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, Matthias Fekl, entre-temps nommé au ministère de l’Intérieur.
Pas sûr que Harlem Désir, secrétaire d’État en charge des Affaires européennes, qui a repris ses dossiers du commerce extérieur, puisse vraiment avancer sur ce sujet d’ici la fin du quinquennat, dans six semaines.
Au Parlement européen, plusieurs groupes, à gauche de l’hémicycle, ont également exhorté l’exécutif européen « à mieux protéger les secteurs sensibles, en particulier la filière bovine », dans le cadre des pourparlers de libre-échange. Les Socialistes et Démocrates (S&D) français prônent de leur côté « l’exclusion totale, ferme et définitive » de la viande bovine du champ des discussions.
Autant d’obstacles qui n’auraient pas empêché, toutefois, les négociateurs de réaliser « des progrès significatifs », à l’issue d’une semaine de pourparlers dans la capitale argentine, selon un communiqué de la Commission européenne. Sur la partie commerciale, tous les volets du futur accord ont été abordés parmi lesquels les mesures sanitaires et phytosanitaires, les obstacles au commerce, les services, la protection des droits de propriété intellectuelle, les PME ou les marchés publics. « Dans tous les groupes nous avons désormais un texte consolidé, ce qui était l’objectif fixé en février dernier », détaillait un membre de l’équipe européenne.
Les deux camps sont par ailleurs parvenus à boucler le chapitre sur la politique de concurrence « où nous avons obtenu un accord équilibré ». La prochaine session officielle de pourparlers est prévue à Bruxelles en juillet prochain. Les membres des équipes techniques, chargés de la partie commerciale de l’accord, se retrouveront quant à eux à la fin du mois de mai, dans la capitale argentine.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
* Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Venezuela (à l’heure actuelle, suspendu)