Souhaitant profiter de ses succès récents, la Commission européenne s’est fixé un agenda commercial ambitieux. Outre l’ouverture de pourparlers avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, l’exécutif espère aussi conclure, avant la fin de l’année, les négociations engagées avec le Mexique et le Mercosur, comme l’a confirmé Jean-Claude Juncker le 13 septembre dans son discours sur l’état de l’Union au Parlement européen (PE) à Strasbourg. Mais si les discussions avec Mexico progressent, concrètement, celles avec le bloc sud-américain avancent bien plus lentement.
« La volonté politique est essentielle, mais elle ne suffit pas », analyse un diplomate au Conseil. « Lors des négociations avec le Japon, la Commission bénéficiait du soutien du puissant lobby agricole, qui voyait de nouveaux débouchés pour ses produits. A l’inverse, un accord avec les pays du Mercosur menacerait directement ses intérêts », ajoute cette même source.
Composé de superpuissances agricoles, le Paraguay, l’Uruguay mais surtout l’Argentine et le Brésil, le bloc sud-américain cherche de nouveaux débouchés en Europe. Mais l’ouverture prévue du marché de l’UE, en particulier au bœuf argentin ou brésilien, a provoqué une levée de boucliers au sein de la filière bovine européenne. Présentée par la Commission l’an passé, la proposition d’allouer un contingent tarifaire annuel de 78 000 tonnes au bœuf du Mercosur a été catégoriquement rejetée par plusieurs États membres, dont la France. Premiers exportateurs de bœuf en Europe, « les producteurs sud américains ont déjà un accès substantiel au marché européen et ils sont très compétitifs. De nouvelles concessions seraient catastrophiques », estime Pekka Pesonen, le secrétaire général de la Copa-Cogeca, principal syndicat agricole au sein de l’UE.
Les industriels dénoncent le « protectionnisme » des représentants du monde agricole
La Commission a néanmoins prévu de repartir à la charge, en présentant une nouvelle offre à ses partenaires, lors du prochain round de pourparlers prévu à Brasilia début octobre. « C’est le propre des négociations commerciales : il y a des perdants et des gagnants. Si certains accords étaient plutôt favorables aux agriculteurs, celui-ci bénéficiera à d’autres secteurs », analyse froidement un proche du dossier à Bruxelles.
Beaucoup plus discrets, les lobbies industriels soutiennent quant à eux les efforts de la Commission. Dénonçant le « protectionnisme » des représentants du monde agricole, ils bataillent en coulisses pour accélérer le rythme des négociations. L’accord prévoit « une ouverture limitée du marché agricole européen, pas le déclin de l’Occident », ironise Ulrich Ackermann, responsable du commerce extérieur à l’Association allemande des constructeurs de machines et d’équipements (VDMA). Au travers de son organisation, il défend bec et ongles l’accord de libre-échange UE/Mercosur qui offrira à son secteur des opportunités bien « plus grandes encore » que celles prévues dans le pacte commercial UE/Japon.
Même enthousiasme au sein de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA). Le pacte commercial laisse envisager « un réel potentiel de croissance », indique un communiqué, rappelant que le secteur exporte l’équivalent de 790 millions d’euros de véhicules chaque année dans les pays du Mercosur.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
Lire dans la Lettre confidentielle d’aujourd’hui : UE / Mexique : des accrocs à prévoir dans la phase finale des négociations
Et aussi :
–UE / Mercosur : le bloc sud-américain espère signer un accord de libre-échange en 2017
– UE / Mercosur : le scandale de la viande avariée brésilienne pèse sur les négociations