‘Ouf’ de soulagement à Bruxelles. L’accord commercial sur les produits agricoles et de la pêche, conclu en 2012 entre l’Union européenne (UE) et le Maroc, pourra continuer à s’appliquer. C’est ce qu’a annoncé l’avocat général de la Cour de justice de l’UE (CJUE), le 21 décembre dernier. Une victoire pour le Conseil de l’UE qui faisait appel d’une décision du tribunal de première instance rendue le 10 décembre 2015.
Retour en arrière. Dans ce premier arrêt de décembre 2015, la justice européenne avait tranché en faveur des indépendantistes du Front Polisario, qui estimaient que l’application de cet accord au territoire contesté du Sahara occidental violait le droit international et les engagements de l’UE. Le tribunal expliquait considérer que les accords d’association et de libéralisation étaient applicables « au territoire du Royaume du Maroc », et que sans précision, cela incluait le Sahara occidental. Par conséquent, le Front Polisario était concerné par l’accord et qualifié pour en demander l’annulation.
Alors que Rabat et Bruxelles sont désormais engagés dans des négociations pour conclure un accord de libre-échange global, la décision de la CJUE, basée au Luxembourg, avait provoqué l’embarras des responsables européens et l’ire des autorités marocaines. « Nous ne pouvons accepter de voir nos relations prises en otage par des péripéties juridiques à forte connotation politique », avait alors déclaré Salaheddine Mezouar, le ministre des Affaires étrangères du Royaume. Il avait ensuite annoncé, sur instruction du Roi Mohammed VI, que les contacts avec les institutions européennes étaient suspendus jusqu’à nouvel ordre, provoquant un début de crise diplomatique entre les deux partenaires.
Vers un retour à la normale dans les relations entre l’UE et le Maroc
Ce nouveau rebondissement juridique devrait donc faciliter le retour à la normale dans les relations entre l’UE et le Maroc, considéré à Bruxelles comme un partenaire privilégié. Car outre l’annulation de l’arrêt rendu l’an passé, l’avocat général a également estimé que le recours du Polisario était irrecevable dans la mesure où l’organisation indépendantiste n’a aucune qualité ou légitimité pour représenter les intérêts économiques de la population du Sahara.
« Le Maroc n’est pas un allié ordinaire, c’est un allié de confiance, indispensable dans la lutte contre le terrorisme, dans la gestion des flux migratoires, et un partenaire privilégié pour établir une coopération refondée avec l’Afrique», a souligné l’eurodéputée française Rachida Dati, lors d’un échange de vues, lundi 9 janvier – au sein de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen (PE) – avec Nicholas Westcott, directeur général Afrique du Nord et Moyen-Orient du service d’action extérieure de l’UE. «Attention de ne pas scier la branche de la sécurité des Européens et du développement africain dont nous avons besoin grâce au Maroc », a-t-elle ajouté, exhortant la Commission à renouer le plus rapidement possible « cette relation de confiance que nous avons nous même fragilisée ».
Reste à savoir si les futurs accords pourront inclure le Sahara occidental revendiqué par le Maroc, qui en contrôle 80 %, et par le Front Polisario, qui réclame l’indépendance du territoire. Dans son arrêt, la CJUE explique que ces derniers peuvent être conclus à condition que le territoire sahraoui soit ajouté d’une façon distincte et que sa population accepte l’application de ces accords. Des conclusions qui risquent donc de compliquer les négociations à venir, comme le souligne Nadia Lamlili, spécialiste du Maroc pour Jeune Afrique : « Les ministres européens vont-ils carrément supprimer le Sahara des prochains accords, au risque de mettre en danger leurs relations avec l’un de leurs premiers partenaires commerciaux en Afrique ? Ou vont-ils choisir d’inclure ce territoire, mais en soulignant son caractère « distinct », comme le préconise la Cour, ce qui risque de ne pas plaire non plus au Maroc ? ».
C’est donc un ballet diplomatique qui s’annonce. Car s’il n’est pas question pour les Européens de s’aliéner un partenaire incontournable dans une région à hauts risques, ils seront néanmoins tenus de respecter l’ensemble des conclusions rendues par la justice européenne.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*Le Maroc suspend tout contact avec Bruxelles et, dans la LC n° 175 du 14/01/2016 : UE / Maroc : Rabat menace de suspendre ses relations avec l’UE