Nouveau couac dans l’agenda commercial de la Commission européenne ? Alors qu’elle espérait achever cette année la procédure de ratification de l’accord de libre-échange, conclu politiquement avec le Vietnam en décembre 2015, le Parlement européen (PE) menace de bloquer son entrée en vigueur faute d’améliorations notables sur le volet du droit du travail. Une déconvenue de taille pour Cecilia Malmström, la commissaire au Commerce à Bruxelles, qui a fait de l’ouverture des marchés asiatiques l’une des priorités de son mandat.
Une position en accord avec celle prônée par Emmanuel Macron
« Nous voulons constater de véritables progrès sur le chapitre des droits de l’homme, en particulier sur les dispositions liées à la protection des travailleurs, sinon l’accord ne pourra pas être ratifié par cette assemblée », a averti Bernd Lange, le président de la Commission commerce international (INTA) au PE. Pour ce socialiste allemand, il est injuste que des grandes entreprises puissent utiliser le Vietnam comme base de fabrication à bas coûts – du fait de normes environnementales et sociales moins contraignantes – et profiter ensuite de l’accord commercial pour exporter leurs marchandises vers l’UE sans droits de douane.
Une position qui se justifie d’autant plus, estime l’eurodéputé, que le pays ne se limite plus à la fabrication d’habits et de vêtements de sport bons marché. En quelques années, le Vietnam a diversifié sa production vers des articles à plus haute valeur ajoutée, tels que les smartphone ou les tablettes, qui représentent désormais 21 % de ses exportations vers l’Europe. « On ne peut pas abandonner les taxes sur ces marchandises et faire ainsi baisser leur coût au profit des consommateurs européens, sans exiger des améliorations du traitement des travailleurs au Vietnam », souligne-t-il.
Il se trouve que cette position est en accord avec celle prônée par Emmanuel Macron à Bruxelles. Pour promouvoir une Europe « plus protectrice », et défendre ses travailleurs face à la concurrence déloyale des usines asiatiques, le président français propose d’inclure des sanctions dans les accords commerciaux conclus avec des partenaires qui ne respecteraient pas les normes définies par l’Organisation internationale du travail (OIT).
Cecilia Malmström, « trop douce ? »
Cecilia Malmström privilégie, quant à elle, « une approche plus diplomatique dans laquelle les sanctions ne sont pas envisagées », confie l’un de ses proches collaborateurs. La semaine passée, elle aurait ainsi envoyé une lettre à Hanoï demandant des « progrès significatifs » sur la liberté d’association et le droit à la négociation collective en indiquant qu’elle porterait une attention particulière à la réforme du droit du travail. « Elle souhaite obtenir un calendrier précis et des engagements clairs de la part des autorités vietnamiennes », précise cette même source. Car si le pacte a été scellé fin 2015, il n’a pas encore été envoyé au Conseil et au Parlement en vue de sa ratification. Des modifications peuvent donc encore être apportées au texte, explique-t-on à Bruxelles.
Reste à savoir si la stratégie choisie par la dirigeante libérale suédoise portera ses fruits. « Elle privilégie une approche trop douce, et sans l’aide de Washington, elle a peu de chance d’obtenir les avancées qu’elle appelle de ses vœux dans la sphère sociale et politique », estime un diplomate français au Conseil.
Car Donald Trump n’est pas Barack Obama. En négociant le partenariat trans-pacifique, abandonné ensuite par son successeur, l’ex-président américain avait en effet conditionné la participation du Vietnam et de la Malaisie à la mise en place de réformes visant à améliorer les conditions de travail dans ces deux pays du sud-est asiatique. Des sanctions étaient d’ailleurs prévues en cas de non-respect de ces exigences. C’est aussi ce que réclament Emmanuel Macron et les sociaux-démocrates au PE. « Mais rien n’indique qu’il existe un consensus sur la question au Conseil », l’organe de représentation des États membres, s’est justifiée Cecilia Malsmtröm.
La Corée du Sud n’a toujours pas ratifié les conventions de l’OIT…
La méthode prônée par la commissaire au Commerce peine néanmoins à convaincre dans les rangs du Parlement. Depuis l’entrée en vigueur de l’accord UE / Corée du Sud en 2011, Séoul n’a toujours pas ratifié les conventions de l’OIT malgré les engagements inscrits dans le marbre du traité commercial. Et les molles pressions exercées sur le Vietnam risquent d’avoir des effets similaires, même si le respect des droits sociaux figure aussi dans l’accord scellé entre Bruxelles et Hanoï.
Pour conquérir de nouveaux partenaires sur le continent asiatique, la Commission devra donc clarifier sa stratégie. Le problème pourrait en effet freiner les pourparlers en cours avec l’Indonésie. La question des droits de l’homme est également la raison principale à l’origine du gel des négociations, officiellement lancées en novembre 2015 avec les Philippines.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
–Vietnam / UE : un accord de libre-échange prometteur pour les exportateurs
–UE / Commerce : les chantiers prioritaires de la Commission en 2018
–UE / Mexique : Bruxelles devient prudente sur l’issue des négociations de libre-échange
–UE / Mercosur : l’optimisme européen douché par les « chiffons rouges » du libre-échange