« 2016 sera l’année de la réforme de l’impôt sur les sociétés et de la transparence fiscale », a annoncé Pierre Moscovici, lors d’une audition au sein de la Commission ‘Taxe’ du Parlement européen (PE), lundi 11 janvier. Le jour même, Margrethe Vestager, la Commissaire à la concurrence, présentait les conclusions d’une enquête menée par ses services, jugeant illégal le système d’exonérations fiscales accordé à certaines entreprises basées en Belgique *. Preuve que l’optimisation fiscale et d’autres pratiques mises en place au sein de certains États membres pour attirer les multinationales sont bel et bien dans le viseur de la Commission Juncker.
Et c’est l’affaire « LuxLeaks » qui a servi de détonateur, après des années de laissez-faire. L’ampleur du système mis en place par le Luxembourg – pour offrir aux grands groupes des avantages fiscaux défiant toute concurrence – alors que Jean-Claude Juncker était Premier ministre du Grand-Duché, n’a pas manqué d’embarrasser le président de la Commission lors des premiers mois de son mandat fin 2014. Pour faire taire les critiques, il s’est alors engagé à lutter contre les abus de l’évasion et de la fraude fiscale. Promesse à laquelle il s’est tenu jusqu’ici, laissant à certains de ses commissaires les mains libres pour avancer sur plusieurs dossiers clés.
Pierre Moscovici a ainsi pu concocter une directive prévoyant l’échange automatique et obligatoire entre les 28 des accords passés entre les multinationales et leurs administrations fiscales (les ‘rulings’ ou rescrits fiscaux). Le texte a été adopté en octobre 2015, mais doit encore être transposé par les États membres. Même chose pour Magrethe Vestager, qui n’a pas hésité à s’attaquer aux accords passés par Fiat au Luxembourg ou par Starbucks aux Pays-Bas. D’autres enquêtes similaires sont d’ailleurs en cours, dont une visant les accords scellés entre Mc Donald et le Grand-Duché.
Les conclusions sévères de la Commission spéciale Taxe
Mais le PE a lui aussi joué un rôle pivot dans les réformes amorcées l’an passé. En créant la Commission spéciale Taxe, comme une réponse politique au scandale LuxLeaks, l’institution a participé à ce « changement d’état d’esprit », comme l’a souligné son président, le Français Alain Lamassoure (PPE). Née dans la douleur, cette commission spéciale avait pour mission d’enquêter sur les ’rulings’ à l’origine d’une concurrence fiscale déloyale entre les pays membres de l’UE.
Sur les 14 entreprises invitées à répondre aux questions de ses membres, seules quatre avaient initialement accepté la convocation. Menacées de voir leurs lobbyistes bannis de l’enceinte du Parlement et inscrits sur une « liste noire », toutes – sauf deux – ont finalement acceptées de se soumettre à l’interrogatoire des eurodéputés. Après six mois de travaux, ses conclusions sont sévères et pointent une grande inégalité de traitement entre les multinationales et les PME ou les citoyens, soumis à un taux de taxation bien plus élevé.
Cependant, l’aplomb de la Commission ou du Parlement sur ce dossier ne suffiront pas si certains Etats membres continuent à freiner des quatre fers. Comme l’a souligné Pierre Moscovici, « la règle contraignante de l’unanimité en matière fiscale » retarde l’adoption de certains dossiers au Conseil. C’est le cas notamment du plan d’action sur la fiscalité des entreprises qui prévoit un nouveau projet d’assiette commune consolidée d’impôt sur les sociétés (ACCIS). Le Commissaire français s’est engagé à relancer le débat cette année.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*UE / Fiscalité : la condamnation du dispositif belge en faveur des multinationales est une première