Occulté par le dossier brûlant de l’Iran, l’épineux problème des taxes américaines sur l’acier et l’aluminium n’en reste pas moins tout aussi chaud alors que se rapproche la fin du délai de suspension provisoire accordé aux Européens par Donald Trump, fixé 31 mai. Ou en est-on ? Un point s’impose.
Après la réunion des Vingt-huit chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne (UE) la semaine passée à Sofia, les ministres du Commerce se sont retrouvés à Bruxelles pour faire le point sur les discussions en cours avec Washington. Objectif des Européens : obtenir une exemption inconditionnelle et illimitée dans le temps des droits de douane de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium que Donald Trump menace d’imposer dès le 1er juin prochain. « Nous voulus être exclus des mesures », a insisté Cecilia Malmström, la commissaire en charge du Commerce. « Il ne peut y avoir de négociations sous la menace, mais nous proposons un agenda positif », a-t-elle tempérée.
Une proposition d’ accord en quatre points
A condition, donc, de ne plus « avoir un pistolet sur la tempe », les Européens se disent prêt à négocier un accord commercial restreint qui s’articulerait autour de quatre points.
-Premier point, l’amélioration de l’accès au marché de l’UE de divers produits industriels américains.
-Deuxième point, la levée de certains obstacles réglementaires, en particulier les normes de sécurité dans le secteur automobile, cible récurrente des critiques du président américain.
-Troisième point, les Etats-Unis pourraient aussi augmenter leurs exportations de gaz naturel en Europe, un domaine stratégique pour les Etats-Unis, qui cherche à concurrencer la Russie, principale fournisseur de l’UE sur le marché européen.
-Enfin dernier point, Bruxelles propose de discuter d’une éventuelle réforme de l’OMC dont les règles actuelles sont jugées dysfonctionnelles par Washington.
Vers une impasse le 1er juin ?
« Nos arguments pour la négociation, c’est de donner aux Etats-Unis des incitations pour nous exempter », résumait un diplomate au Conseil. Mais l’espoir d’aboutir à un compromis restait mince à l’issue des débats à huis clos. « Est-ce que l’offre de l’UE sera suffisante ? Franchement, je ne suis pas sûre », a avertit Cécilia Malmström lors de la conférence de presse qui a conclu les discussions à 28.
« Je pense que le 1er juin nous aurons une nouvelle impasse », a admis Jean Asselborn, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, connu pour son franc parler dans les arcanes bruxelloises ou la langue de bois reste généralement de mise. « Peut-être que nous ferons un pas en avant en ce qui concerne ce que nous pouvons proposer aux Américains. Peut-être que nous allons vers des quotas : tout est ouvert, mais c’est difficile », a-t-il déclaré.
J. B Lemoyne : « Nous sommes des alliés mais nous ne sommes pas des vassaux»
Différents scénarios sont donc sur la table si le refus de Washington venait à se confirmer, la France poussant à cet égard à la fermeté*.
La liste des produits américains à taxer, en manière de représailles, a ainsi été notifiée formellement à l’OMC le 18 mai. Déjà baptisée la liste « moto-Bourbons », elle vise des produits emblématiques comme le beurre de cacahuète, les jeans ou le bourbon, et pourrait légalement être mise en place à compter du 20 juin.
« Nous sommes des alliés mais nous ne sommes pas des vassaux. Il y a aujourd’hui un moment de vérité pour l’UE », a insisté le secrétaire d’Etat français aux Affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne. « Nous pouvons, nous devons commercer où nous voulons, quand nous voulons, avec qui nous voulons », a-t-il plaidé.
Quid de la position de l’Allemagne ?
Mais si les Français restent partisans de la plus grande dureté, à l’instar d’une majorité d’Etats membres, l’Allemagne, première puissance exportatrice de l’Union, se montre quant à elle plus réticente. « Nous risquons beaucoup plus que de simples répercussions économiques » a insisté Peter Altmaier, le ministre allemand de l’Economie, faisant écho aux déclarations de la chancelière. « Malgré toutes les difficultés que nous rencontrons ces jours-ci, les relations transatlantiques sont et resteront d’une importance capitale », avait déclaré Angela Merkel, lors du sommet de Sofia.
Une frilosité qui inquiète ses partenaires, car tant sur ce dossier que sur celui de l’Iran, l’unité des Vingt-huit sera nécessaire pour négocier d’égal à égal avec Washington. Evoquant les « tentatives américaines pour créer des fissures dans le bloc », Jean-Yves Le Drian, qui assistait le 22 mai au conseil affaires étrangères – organisé en parallèle de la réunion au format ‘Commerce’ – semblait lui aussi craindre l’attitude de l’Allemagne. Interrogé sur la question dès son arrivée à Bruxelles, il n’a pas souhaité répondre, insistant simplement sur la détermination des Européens à ne pas négocier sous la menace. Des signes de divergence qui « risquent d’éclater au grand jour une fois que Donald Trump aura pris sa décision », s’est inquiété une source européenne cité par l’AFP.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*UE/Iran : face à D. Trump, les Européens tentent un front uni
**UE / États-Unis : les Européens préparent leur réponse à l’unilatéralisme de Washington