Cet article a fait l’objet d’une Alerte diffusée aux abonnés de la Lettre confidentielle à 10 H30 le 24 février
Le moment de vérité a sonné. Commencé lundi 22 février, le 12ème round de discussions pour la conclusion du Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI/TTIP-Transatlantic Trade and Investment Partnership) représente en effet une étape charnière dans ces pourparlers entamés en 2013. De part et d’autre de l’Atlantique, les responsables politiques se sont engagés à accélérer le rythme des négociations afin de conclure avant la fin de l’administration Obama. Un objectif confirmé par Cecilia Malsmtröm dans une interview accordé à un quotidien autrichien Der Standard, le 22 février. Mais cet optimisme affiché par la commissaire au Commerce est loin d’être partagé, que ce soit au sein même de la Commission ou à l’extérieur. En réalité, beaucoup d’observateurs doutent qu’une telle échéance puisse être respectée car, sur les sujets qui fâchent – comme l’harmonisation des normes ou l’ouverture des marchés publics américains -, les discussions entrent tout juste dans le vif du sujet.
Les propositions américaines attendues
Ainsi, plusieurs propositions sont attendues cette semaine, notamment de la part des Américains. Ces derniers devraient notamment mettre sur la table une offre visant à supprimer 97% des droits des douanes sur une grande gamme de produits européens. En octobre dernier, l’offre américaine était limitée à 87% des droits. En retour, les négociateurs américains insistent pour pouvoir exporter des produits agricoles en Europe. Sujet tabou de ce côté de l’Atlantique où les produits génétiquement modifiés, le poulet chloré ou le bœuf aux hormones continuent à alimenter les craintes de l’opinion publique.
L’UE attend également une autre offre relative à l’ouverture des marchés publics américains. Bruxelles tient particulièrement à ce chapitre, estimant que ses entreprises auront beaucoup à gagner en participant aux appels d’offres lancés par les autorités publiques tant au niveau fédéral qu’au niveau des Etats fédérés. « Nous avons besoin d’un accord qui donne aux deux parties un meilleur accès aux marchés publics », a rappelé, en début de semaine, la puissante organisation patronale européenne Business Europe, qui suit de très près l’évolution des pourparlers.
Autre exigence formulée par Markus Beyrer, directeur général de Business Europe : l’élimination des surcoûts générés par des régulations distinctes. Deux objectifs « qui sont à l’essence même de notre soutien au TTIP et les Etats-Unis le savent », ajoute le patron des patrons européens dans un communiqué. Sur ce chapitre de la réglementation, Washington n’a pas encore dévoilé toutes ses cartes. Ce round devrait ainsi être l’occasion, pour les Américains, de présenter leur proposition écrite sur la façon dont ils envisagent la coopération future entre les régulateurs des deux blocs.
Bruxelles mise également sur des avancées dans les neufs secteurs industriels – l’automobile, la pharmacie, la chimie, les cosmétiques, l’ingénierie, les pesticides, le textile, les appareils médicaux, les technologies de l’information et de la communication – identifiés lors du lancement des pourparlers.
Deux nouvelles rencontres suivront avant la pose estivale
« Nous espérons aboutir, à l’issue de cette nouvelle session de discussions, à une compréhension mutuelle, et une définition la plus claire possible, des objectifs de chacun – incluant les régulateurs des deux camps – dans ces neuf secteurs industriels », confiait cette semaine au Moci, une source au sein de l’exécutif européen. Le but étant d’entamer le travail sur base de propositions concrètes, idéalement au cours du prochain round. Dans le secteur pharmaceutique, par exemple, il s’agira notamment de définir les moyens pour réduire le nombre d’inspections. A l’heure actuelle, une entreprise qui vend ses produits des deux côtés de l’Atlantique doit se soumettre à des contrôles de la part des deux organes de régulation.
La Commission prévoit deux nouvelles rencontres entre négociateurs d’ici au mois de juillet. Avant la pause estivale, « nous souhaiterions disposer de textes consolidés sur les neuf secteurs, en limitant au maximum le nombre de crochets laissés vides », ajoute ce même fonctionnaire européen. Ces « crochets » dans les documents de négociations représentent les détails sur lesquels aucun compromis n’a encore été trouvé.
Un autre sujet sensible, cher aux Européens, a à nouveau été inscrit au menu des pourparlers du 12ème round. Elle concerne la demande de Bruxelles d’inclure un chapitre dédié à l’énergie dans le cadre du TTIP, qui donnerait à l’UE la possibilité d’importer du gaz naturel ou du pétrole brut américain sans que ces livraisons soient restreintes par des licences d’exportation. Jusqu’ici, Washington freinait. Mais la position américaine « pourrait évoluer », indique-t-on à la Commission.
Enfin, les deux camps entameront pour la première fois les discussions sur le mécanisme de règlement des différends investisseurs/Etats. Les Européens veulent remplacer l’ancien mécanisme ISDS, très controversé au sein de l’UE, par un nouveau système juridictionnel public des investissements rebaptisé l’Investment Court System (ICS).
Kattalin Landaburu, à Bruxelles