À la tête de la commission du Commerce international (INTA) au Parlement européen (PE), Bernd Lange, ne cache plus son inquiétude alors que l’échéance de l’octroi du statut d’économie de marché à la Chine au sein de l’OMC approche. Car « le temps presse », reconnaît ce socio-démocrate allemand soucieux de protéger le marché européen contre l’arrivée massive de produits chinois à prix cassés, en particulier dans le secteur sidérurgique. Dans une missive adressée à Cecilia Malmström, la commissaire au Commerce, il fait écho aux préoccupations partagées par nombre de ses collègues au sein de l’hémicycle.
Le 29 juillet dernier, la Commission européenne a en effet décidé d’octroyer le statut d’économie de marché (SEM) à la Chine au sein de l’OMC, comme prévu lors de son adhésion en 2001. Pour rassurer les représentants de l’industrie, farouchement opposés à la mesure, l’exécutif européen s’est néanmoins engagé à renforcer, en parallèle, son système de défense commerciale pour contrer le dumping et les aides illégales de Pékin. « La Commission veut à la fois maintenir les droits antidumping et réviser leur méthode de calcul afin qu’ils ne soient plus définis en fonction des seuls mécanismes du marché », précise un expert français des questions commerciales au Conseil.
Une réforme bloquée faute de consensus au sein des 28
Cette règle dite du droit moindre, qui prévaut aujourd’hui, suppose l’application du taux minimal strictement nécessaire pour rétablir des conditions de concurrence équitables. Résultat ? L’UE impose des droits anti-dumping à la Chine largement inférieures à ceux fixée aux États-Unis, par exemple. Le marché européen reste donc très vulnérables face aux pratiques déloyales de la Chine », explique cette même source.
Mais cette proposition – inscrite dans le texte qui prévoit la refonte des instruments de défense commerciale de l’UE – est bloqué depuis près de trois ans faute d’un consensus entre les 28. « Nous avons atteint une situation où le co-législateur n’aura probablement pas assez de temps pour mener à bien une procédure législative », écrit Bernd Lange dans la lettre adressée à Cecilia Malmström.
Mêmes inquiétude au sein de la délégation française au Conseil qui défend bec et ongles l’adoption rapide d’un arsenal de défense renforcé à l’échelle de l’UE. « Nous attendons une communication de la Commission fin octobre qui devra être débattue par les ministres du Commerce lors de leur réunion en novembre », indique un diplomate. Interrogé sur la probabilité d’un feu vert du Conseil en décembre, il répond perplexe, « peut-être mais rien n’est sûr ».
D’ici là les partisans de la réforme continuent à batailler en coulisses pour convaincre les États les plus réticents. Et le rapport de force a évolué ces derniers mois, la Belgique et l’Autriche ayant récemment rallié le camp mené par la France. La position des Britanniques, fervents opposants à toute révision de la règle du droit moindre, est elle aussi appelée à changer. Outre la perspective du « Brexit », les dernières déclarations de la Première ministre, Theresa May, prônant la défense de l’industrie nationale, laisse envisager une position plus souple de Londres sur le dossier.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles