L’UE (Union européenne), pour lutter contre le Covid-19, pourrait engager un plan de relance historique de 750 milliards d’euros. Le 27 mai, la présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen, a présenté le nouvel instrument Next Generation EU.
Le nouvel outil reprendra l’intégralité de l’accord franco-allemand de 500 milliards de dépenses budgétaires ou subventions, négocié précédemment par Emmanuel Macron et Angela Merkel. L’exécutif européen y ajoute, pour sa part, 250 milliards de prêts.
Ces 750 milliards vont s’additionner aux 540 milliards déjà dégagés par les ministres des Finances de l’Union européenne début avril : 200 milliards de prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI), 100 milliards consacrés au chômage partiel, 240 milliards de prêts du Mécanisme européen de stabilité (MES).
Selon la Commission européenne, « l’instrument Next Generation EU, doté d’une enveloppe de 750 milliards d’euros, ainsi que des renforcements ciblés du budget à long terme de l’Union pour la période 2021-2027 porteront à 1,85 billion d’euros la capacité financière totale du budget de l’Union ».
Une relance impossible sans l’accord des « frugaux »
S’exprimant à Paris au Sénat, le ministre français de l’Économie et des finances, Bruno Le Maire, s’est félicité que la Commission européenne se soit montrée « à la hauteur de la responsabilité historique qui est la sienne ». Reste qu’à ce jour il ne s’agit encore que d’une proposition, le plan de 750 milliards réclamant l’unanimité des États membres.
Or, quatre pays, dits « frugaux », Pays-Bas, Suède, Danemark, Autriche, refusent toute idée de mutualisation des dettes, qui se traduisait par le fait que les pays vertueux paieraient, selon eux, pour les États dépensiers. Deux nations se trouvent plus particulièrement dans leur viseur, l’Italie et l’Espagne, qui seraient les principaux bénéficiaires du grand plan de relance, avec respectivement 172 milliards d’euros et 140 milliards d’euros.
Si pour l’heure les frugaux se montrent plutôt discrets et modérés quant à leur réponse à l’initiative de Bruxelles, ils seront difficiles à convaincre. Aussi est-il improbable qu’un accord intervienne avant le Conseil européen des 18 et 19 juin. La chancelière allemande conçoit elle-même qu’il faille donner du temps aux organes législatifs des États membres et au Parlement européen pour se prononcer.
La France recevrait jusqu’à 40 milliards d’euros
Comme la France, l’Italie a approuvé le projet, ou encore la Belgique, en dépit du fait que le petit Royaume sur les 750 milliards ne recevrait que 5,48 milliards d’euros. « L’idée du plan est de soutenir les pays les plus fragiles, comme l’Italie, qui constituent d’importants débouchés pour notre commerce extérieur », a-t-on expliqué au cabinet du ministre belge des Affaires européennes, Koen Geens.
La France, pour sa part, percevrait environ 40 milliards d’euros. En réponse à une question du sénateur des Français à l’étranger EM (En Marche) Richard Yung, Bruno Le Maire indiquait que cet argent permettra de financer les différents plans sectoriels déjà présentés (tourisme, automobile) ou qui seront rendus publics dans les prochains jours (aéronautique), les dépenses de santé et la réforme hospitalière et, comme dans l’ensemble de l’UE, l’investissement et les technologies.
La mobilisation européenne, dont le ministre s’est aussi réjoui qu’elle se fasse « sur la base d’une plan de relance verte », devrait permettre de faciliter la reprise. La production devrait chuter dramatiquement cette année, de l’ordre de 7,4 %, et ne rebondir qu’en 2021, mais à seulement + 6,1 %.
Les mesures de relance présentées par la Commission européenne sont multiples, allant du soutien à l’investissement des États (facilité d’investissement et de réforme de 560 milliards, aides renforcées à la cohésion, la transition et à l’agriculture en zones rurales) à l’attraction des investissements privés (instrument de solvabilité et capacité et facilité d’investissements accrus), en passant par le programme « L’UE pour la santé » ou le renforcement du programme de recherche Horizon Europe.
B. Le Maire réjoui que la solidarité « ne soit plus seulement un mot, mais un acte »
En réponse au sénateur du Tarn-et-Garonne RDSE (Rassemblement démocrate et social européen) Ivon Collin, le ministre français de l’Économie et des finances a aussi rappelé que c’était « la première fois » qu’il y avait dans l’UE « une acceptation de la mutualisation des dettes ». Et prenant le contre-pied des frugaux, Bruno Le Maire s’est réjoui que la solidarité en Europe « ne soit plus seulement un mot, mais un acte ». L’Espagne et l’Italie « recevront le plus » et « les États rembourseront en fonction de leurs capacités financières, économiques ».
« Il y aura donc bien un transfert budgétaire », confirmait-il aux sénateurs dans un discours très politique, rappelant les grandes heures des avancées européennes. Les intentions sont ainsi claires à Bruxelles, à Berlin ou Paris. Reste encore à concrétiser.
François Pargny