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C’est autour d’un programme de travail chargé que les ministres européens du Commerce se sont retrouvés lundi 27 mai à Bruxelles pour un Conseil Commerce au lendemain d’un scrutin crucial pour l’avenir de l’Union européenne (UE). « Nous sommes au lendemain des élections européennes mais les échanges commerciaux ne connaissent pas de pause », a ironisé Cecilia Malmström, la commissaire au Commerce. Au menu de cette nouvelle réunion, les questions les plus sensibles telle que la réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les négociations UE / Etats-Unis mais aussi l’avancée des pourparlers de libre-échange actuellement en cours avec d’autres pays.
Aucune décision n’était attendue. La rencontre visait à faire le point, avec la Commission, sur l’état d’avancement de ces différents dossiers et de rappeler la position et les priorités défendues par les Etats membres.
Avec les Etats-Unis, divergences sur les « lignes rouges »
« La France va continuer à pousser de façon extrêmement offensive un certain nombre d’axes pour adapter notre politique commerciale, a déclaré Jean-Baptiste Lemoyne, le secrétaire d’Etat français auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères en charge du Commerce extérieur, dès son arrivée au Conseil. Et de ce point de vue là, la France a toujours été à l’avant garde, y compris en matière climatique, lorsque nous avons souhaité que l’accord de Paris puisse être clause essentielle dans les accords. Nous n’avons hélas pas toujours été suivis. Mais il y a aujourd’hui une urgence de repenser cette politique commerciale ».
Seul pays à avoir posé son veto contre le lancement des pourparlers commerciaux avec les Etats-Unis, la France s’est néanmoins félicité du consensus des Vingt-huit autour d’une autre ligne rouge défendue par Paris : le refus net d’inclure les produits agricoles dans ces négociations, malgré les pressions répétées de l’administration Trump en ce sens. « Nous avons décidé de négocier le plus rapidement possible mais ceci conformément à la déclaration conjointe des présidents Trump et Juncker en juillet dernier », a insisté Cecilia Malmström, reconnaissant l’existence de deux mandats différents de part et d’autre de l’Atlantique.
Si les Européens se disent disposés à entamer les négociations sur les droits de douane frappant les produits industriels, notamment l’automobile, « les Etats-Unis ne sont pas prêts » a confié la commissaire au Commerce. Faute d’une solution politique à ce stade, les discussions au niveau technique devraient bientôt débuter, selon elle, sur l’autre mandat relatif à l’évaluation de la conformité.
« Nous envisageons une coopération réglementaire différenciée », a précisé la libérale suédoise. Il ne s’agira donc pas de modifier les systèmes actuellement en vigueur au sein des deux blocs mais de faciliter une coopération régulière afin d’éviter les doublons en matière d’évaluation, « et là dessus nous avançons », s’est-elle félicitée.
Sauver l’organe d’appel de l’OMC
Mais les relations avec Washington restent « glaciales et les points de désaccord très nombreux », a indiqué un diplomate européen en référence, aussi, aux négociations en cours à Genève sur la réforme de l’OMC. « Nous sommes préoccupés par le sort de l’organe d’appel qui, si rien ne se passe, cessera d’exister d’ici la fin de l’année », a reconnu Cecilia Malmström devant la presse. « Avec plusieurs de nos partenaires, nous essayons de trouver une solution provisoire pour assurer nos arrières », a-t-elle indiqué, refusant pour l’instant de citer les pays engagés dans cette négociation.
L’idée envisagée serait de recourir à l’article 25 du mémorandum de l’OMC régissant le règlement des différends. Celui-ci prévoit un arbitrage rapide susceptible de « faciliter la solution de certains différends concernant des questions clairement définies par les deux parties ». Une solution imparfaite et qui ne pourrait être que provisoire, a insisté la commissaire suédoise, mais qui « permettrait quand même de présenter des appels à l’OMC ».
Quant à la question des subventions industrielles et des transferts forcés de technologie, autre priorité pour Bruxelles, les négociations se poursuivent mais aucune solution définitive ne semble se profiler à ce stade.
Avec le Mexique et le Vietnam, des points techniques en suspens
Même difficultés constatées dans le cadre des pourparlers de libre-échange en cours avec certains pays partenaires. Avec le bloc Mercosur d’abord, « nous avons beaucoup avancé récemment », a souligné Cecilia Malmström. Mais la dernière session de discussions qui s’est tenue il y a deux semaines n’aurait toujours pas permis de résoudre les questions épineuses en suspens depuis des mois.
Les négociations avec le Mexique seraient quant à elles sur le point d’aboutir mais butent encore sur le volet consacré aux marchés publics. « Les Mexicains y travaillent et j’espère que nous trouverons une solution avant la fin du mandat de cette commission », a détaillé la commissaire au Commerce.
Idem pour l’accord commercial UE / Vietnam. « D’un point de vue technique tout est bouclé, c’est au niveau politique que les débats se poursuivent », a expliqué Ștefan Radu Oprea, le ministre roumain du Commerce, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE jusqu’au 31 juillet.
Certains Etats membres insistent en effet pour que le Vietnam ratifie d’abord la convention de l’Organisation internationale du travail (OIT). Un engagement prévu dans l’accord mais qui pourrait rapidement se concrétiser. La présidente de l’Assemblée nationale vietnamienne a annoncé le 20 mai dernier que les législateurs allaient d’ici peu entamer une révision du code du travail afin de faire entrer des normes sociales de type européen dans le droit vietnamien.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles