Cet article a fait l’objet d’une Alerte diffusée aux abonnés de la Lettre confidentielle dès le 4 juin à 11 H.
L’Union européenne (UE) est prête à riposter. De Berlin à Paris en passant par Bruxelles, c’est ce même message qui a été adressé à Washington suite à la décision des Etats-Unis de lever l’exemption accordée à l’UE jusqu’au 1er juin et d’imposer des taxes de 25% sur l’acier et de 10% sur l’aluminium importés d’Europe. « Ce qu’ils peuvent faire, nous sommes capables de faire exactement la même chose » a averti Jean-Claude Juncker le président de la Commission ajoutant : « Les États-Unis ne nous laissent pas d’autres choix que de porter ce conflit devant l’OMC ».
La saisie de l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) est le premier levier de la riposte européenne à la politique commerciale agressive du président Donald Trump. Deux autres leviers complètent le dispositif : taxation en retour d’une liste de produits américains ciblés et mise en œuvre de mesures de sauvegarde de la sidérurgie européenne.
Premier levier : une double plainte à l’OMC
Cette procédure devant l’ OMC, qui peut durer des années, a, de fait, été lancée dès le vendredi 1er juin. Parallèlement, une autre plainte a également été déposée contre la Chine pour protester contre le « transfert injuste de technologies » des entreprises européennes actives en Chine.
« Les Américains se trompent de cible en s’attaquant aux Européens, leurs alliés traditionnels, alors que le principal ennemi est la Chine », a argué Cecilia Malmström, la commissaire au Commerce. « Nous aussi nous avons souffert des surcapacités dues au dumping qui est principalement causé par la Chine », a-t-elle ajouté.
L’annonce simultanée de ces deux plaintes « démontre que l’UE ne choisit aucun camp », a-t-elle également estimé, soulignant que l’UE défendait un système multilatéral.
Deuxième levier : taxation de produits américains dès le 20 juin
Mais la riposte européenne ne se limitera pas à ça. Depuis plusieurs semaines déjà, la Commission prépare une liste dans laquelle figure un certain nombre de produits emblématiques américains* comme le bourbon, les motos Harley Davidson, les jeans, les cigarettes ou le jus d’orange. Bruxelles a promis qu’ils seraient eux aussi lourdement taxés, en guise de rétorsion, si Donald Trump mettait sa menace à exécution.
Ces taxes européennes pourraient entrer en vigueur dès le 20 juin. Elles portent sur un total de 2,8 milliards d’euros d’importations d’origine américaine, qui ne couvrent pas la totalité des dommages infligés à l’industrie européenne, mais permettent à l’Union de rester dans le cadre des règles établies par le gendarme du commerce mondial.
« Nous allons faire cela de façon proportionnée, calibrée », a précisé Jean-Baptiste Lemoyne le secrétaire d’Etat français auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Car si les Européens sont bien décidés à réagir, le mot d’ordre est d’éviter l’escalade, « les guerres commerciales ne connaissent jamais de vainqueur », a insisté de son côté le chef de la diplomatie allemand, Heiko Maas.
Troisième levier : sauvegarde de la sidérurgie européenne
Enfin – dernier élément de la contre-attaque européenne – l’UE prépare également des mesures dites de « sauvegarde », qui selon les règles de l’OMC, sont possibles si un afflux soudain d’importations perturbe « sérieusement » ou menace de perturber une industrie nationale.
« Notre préoccupation n’est pas tant de perdre des parts de marché aux États-Unis que les conséquences indirectes de ces taxes sur le marché européen », expliquait Philippe Darmayan, président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie et patron d’ArcelorMittal France, lors d’une interview accordée à Europe 1. Les sidérurgistes européens, réunis au sein de l’association Eurofer, craignent en effet que les 30 millions de tonnes d’acier, normalement destinées au marché américain ne soit déroutées vers l’UE.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*UE / Commerce : mode d’emploi de la riposte tarifaire sur les produits américains
Pour prolonger :
–États-Unis / Commerce : les patrons français condamnent la décision américaine sur les tarifs de l’acier et l’aluminium
–Etats-Unis / Commerce : les Européens enclenchent la riposte aux tarifs sur l’acier et l’aluminium
–UE / Etats-Unis : les Européens se préparent à un échec des négociations sur l’acier et l’aluminium