Le programme du prochain sommet européen, qui se tiendra à Bruxelles les 28 et 29 juin, s’annonce particulièrement chargé. Outre les questions migratoires ou la réforme de la zone euro, les chefs d’État et de gouvernement discuteront aussi des questions commerciales, suite à la décision de Donald Trump d’imposer de nouvelles taxes à l’acier et l’aluminium importés d’Europe et au fiasco du G7*.
Dans un projet de conclusions, déjà partiellement rédigé par les représentants permanents des États membres en poste à Bruxelles – et qui servira de base de discussion lors du sommet -, les Vingt-huit pressent la Commission européenne de formuler rapidement des propositions visant à améliorer le fonctionnement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans une série de « domaines cruciaux afin de garantir une concurrence équitable », peut-on lire dans le document.
En écho aux proposition d’Emmanuel Macron
Parmi les volets identifiés, figurent notamment les nouvelles règles en matière de subventions, la mise en œuvre (enforcement) des normes édictées par l’OMC, les négociations et une « vision différente du développement ». Un appel qui fait bien sûr écho aux propositions d’Emmanuel Macron, présentées fin mai au siège de l’OCDE à Paris, pour réviser les règles du commerce mondial, cibles répétées des attaques du locataire de la Maison blanche.
Le président français souhaiterait mobiliser, autour de l’UE, ses principaux partenaires – les États-Unis, la Chine et le Japon. Objectif ? Élaborer une feuille de route commune qui serait présentée lors du prochain G20, en Argentine, le 30 novembre 2018. La dernière conférence ministérielle de l’OMC, en décembre dernier à Buenos Aires, s’était conclue sans accord après trois jours de discorde.
Alors que les décisions à l’OMC sont prises sur la base du consensus- les 164 membres de l’organisation de Genève disposant chacun d’un droit de veto – toute initiative de refonte des règles « devient souvent une monnaie d’échange dans le cadre d’une négociation plus large », observe un diplomate européen. Résultat : les négociations sur les sujets clés comme la réduction des subventions agricoles, l’élargissement de l’accès aux marchés, la libéralisation du commerce des services ou l’amélioration du système de règlement des différends, n’ont jamais abouti.
D. Trump bloque la nomination de trois juges à l’ORD
Et c’est justement sur ce dernier dossier que Donald Trump a concentré la majeure partie de ses critiques. Il préconise en effet de revoir le pouvoir attribué aux juges de l’organisation, accusant l’OMC de se concentrer trop sur les litiges au détriment des négociations commerciales.
Washington a d’ailleurs bloqué, en mars dernier, la désignation de trois nouveaux juges siégeant au sein de l’Organe de règlement des différends (ORD). Une décision dont le dessein final prend aujourd’hui tout son sens : composé de 7 magistrats au total, l’ORD n’en comptera plus que trois en septembre, un autre juge devant alors achever son mandat. Resteront à leur poste un Américain, un Indien et un Chinois.
Or, il faut au minimum trois juges pour trancher un litige sur un différend commercial, aucun ne pouvant être saisi sur un dossier impliquant son propre pays. Autrement dit, en cas de litige entre les États-Unis et la Chine, l’ORD ne sera donc bientôt plus en mesure de constituer un panel et de rendre son avis.
Une paralysie technique qui laissera bien sûr à Donald Trump les mains libres alors que la guerre commerciale entre Washington et Pékin a franchi, le 18 juin dernier, un nouveau cap. La Maison blanche a en effet annoncé son intention de taxer, cette fois, 200 milliards de dollars d’importations chinoises supplémentaires à hauteur de 10 %, si Pékin mettait en place les mesures de rétorsion annoncées la semaine précédente. Un match commercial planétaire à deux joueurs, qui risque de causer d’importants dommages aux économies des deux pays, et à l’économie mondiale dans son ensemble, craignent les analystes.
Déchirée par ses propres divisions, l’UE a donc peu de chance – pour ne pas dire aucune – d’imposer son agenda à son allié d’hier. Une situation qui désespère les experts commerciaux au sein de l’exécutif à Bruxelles. « Nous sommes pieds et poings liés, et complètement inaudibles », confiait au Moci un fonctionnaire européen, spécialiste des relations transatlantiques et ex-membre de l’équipe de la Commission en charge de négocier l’accord commercial UE / États-Unis (TTIP / TAFTA), mis au frigo depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison blanche.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
Lire au sommaire de la Lettre confidentielle d’aujourd’hui : Commerce mondial : Chine, UE, Canada, Mexique, Inde, Japon, Russie prêts à riposter à D. Trump