Le commerce figure bien en tête de liste des priorités de la Commission Juncker. Lors de son discours sur l’état de l’Union, le 13 septembre, au Parlement européen (PE) à Strasbourg, le président de l’institution a présenté son agenda pour les 12 prochains mois et le renforcement du programme commercial européen a été cité comme le premier des cinq chantiers majeurs de l’exécutif. Il a toutefois occulté l’épineux sujet de l’arsenal de défense antidumping, dont les négociations piétinent, bloquées par les divisions entre les Etats membres.
L’intégralité des mandats de négociation publiée
« Depuis l’an passé, les partenaires se pressent à notre porte », s’est félicité l’ancien Premier ministre luxembourgeois. Évoquant les succès récents de l’Union européenne (UE) en la matière – l’entrée en vigueur le 21 septembre du traité UE / Canada (le CETA / Comprehensive Economic and Trade Agreement) ou la conclusion d’un accord politique avec le Japon – il a rappelé les objectifs à atteindre d’ici fin 2017 : l’ouverture de pourparlers avec la Nouvelle-Zélande et l’Australie et la conclusion « probable » des accords en cours de discussion avec le Mexique et le Mercosur.
Et pour s’assurer d’un soutien plus vaste des citoyens à la politique commerciale de l’Union, Jean-Claude Juncker s’est également engagé à garantir une plus grande transparence au cours des pourparlers en cours ou à venir. « Dorénavant, la Commission publiera l’intégralité de ses mandats de négociation », a-t-il annoncé, rappelant que le Parlement gardera le « mot final », à l’issue des discussions.
« Nous sommes ouverts, mais il faut de la réciprocité. Nous devons recevoir autant que nous donnons », a également martelé le chef de l’exécutif. En ligne de mire ? Les pratiques déloyales de certains partenaires, en particulier de la Chine.
Échec des négociations sur l’arsenal de défense
Pas un mot, cependant, sur l’arsenal de défense commercial en cours de négociation entre les représentants des trois institutions communautaires (Parlement, Conseil, Commission) pour anticiper l’octroi à la Chine du statut d’économie de marché à l’OMC (Organisation mondiale du commerce ). Alors qu’il espérait annoncer, lors de son discours, un compromis sur ce texte, pierre angulaire de la nouvelle politique commerciale commune, les réticences du Parlement l’ont contraint à revoir son programme.
Réunis « en trilogue » la veille, à Strasbourg, les négociateurs n’ont en effet pas réussi à s’entendre sur une version commune. Et la présence exceptionnelle de Cecilia Malmström, la commissaire au Commerce – démontrant l’activisme de l’exécutif sur ce dossier sensible – n’aura pas suffi à convaincre les représentants du Parlement, qui refusent de céder aux pressions chinoises.
« Il vaut mieux un report du vote qu’un mauvais accord », s’est justifié Antonio Tajani, le président du PE. Ancien commissaire en charge de la politique industrielle, l’Italien est bien décidé à faire valoir à tout prix les intérêts des entreprises européennes. Et selon lui, les propositions de la Commission restent insuffisantes pour faire face aux menaces de dumping.
Principal pierre d’achoppement ? La charge de la preuve. Redoutant d’être sanctionné par l’OMC, l’exécutif européen propose que les industriels européens soient eux-mêmes chargés de mener l’enquête pour prouver le dumping d’un concurrent. Une exigence inacceptable pour le PE, qui souhaite que ce soit aux entreprises incriminées de réfuter les accusations.
Kattalin Landaburu, à Strasbourg
Pour prolonger :
–UE / Commerce : la politique commerciale, chantier prioritaire de la Commission
–France / libre-échange : la commission Schubert épingle le CETA sur l’environnement, la santé et le climat