Si la politique de Donald Trump est loin de faire l’unanimité au Parlement européen (PE), « la relation UE-États-Unis constitue le gage essentiel de la stabilité mondiale », estiment les eurodéputés dans une résolution adoptée la semaine passée par 490 voix pour, 148 contre et 51 abstentions. Preuve que sur ce dossier, les représentants de l’Union européenne (UE), tant au PE qu’au Conseil ou à la Commission, partagent un objectif commun : apaiser les relations transatlantiques en maintenant les canaux de communication ouverts entre Bruxelles et Washington. Avec, en ligne de mire, l’idée d’accentuer la pression sur la Chine pour qu’elle réforme certaines de ses politiques et pratiques commerciales jugées agressives.
Sauver l’accord de juillet
Au sein de l’exécutif à Bruxelles, la priorité à ce stade est de sauver l’accord conclu fin juillet entre Donald Trump et Jean-Claude Juncker, à travers la déclaration commune publiée à l’issue d’une visite à Washington du chef de l’exécutif européen. Car en dépit des menaces et autres invectives proférées publiquement par le président américain à l’encontre des Européens, en coulisses, les négociations se poursuivent « de façon plus constructive et apaisée », ironise un proche du dossier à la Commission.
Le 10 septembre, la commissaire au Commerce, Cecilia Malmström, a ainsi rencontré son homologue américain Robert Lighthizer. « Nous espérons de premiers résultats sur les barrières techniques au commerce dès le mois de novembre », ont indiqué les deux parties dans un communiqué commun. « Le chemin à parcourir reste long », a toutefois reconnu la commissaire européenne sur son compte Twitter, se félicitant néanmoins des avancées réalisées à l’issue de cette première réunion. « Nous nous sommes demandés comment avancer et identifier les priorités de chaque côté et comment atteindre des résultats concrets à court et à moyen terme ».
Cecilia Malmström et le représentant américain au Commerce doivent à nouveau se retrouver fin septembre. Leurs équipes poursuivront ensuite les discussions techniques au cours du mois d’octobre, afin d’identifier les secteurs dans lesquels les barrières tarifaires et non tarifaires sont susceptibles d’être rapidement levées. Une réunion, en novembre, devrait permettre de finaliser les discussions.
Obtenir un résultat positif le plus rapidement possible
Le délai est très court mais il permettrait à Donald Trump d’afficher une nouvelle victoire avant les élections de mi-mandat, en novembre. Et c’est bien là le souhait de la Commission européenne : démontrer la bonne volonté de l’UE afin de convaincre Washington de lever rapidement les taxes à l’importation qui frappent l’acier et l’aluminium européens et d’abandonner ses menaces d’en imposer de nouvelles au secteur automobile.
« Bien sûr les entreprises voudraient un pacte plus ambitieux, qui inclut notamment les services. Mais l’objectif étant d’obtenir un résultat positif, le plus rapidement possible, il est donc nécessaire de limiter la portée de cet accord », analyse Luisa Santos, directrice en charge des Relations internationales au sein de Business Europe, la fédération patronale européenne. Même son de cloche à la Chambre américaine de Commerce auprès de l’UE (AmCham EU). « Quand il existe un élan politique, les gens commencent à y croire et c’est comme ça que les choses finissent par se faire », estime Susan Danger, Directrice générale de l’organisation à Bruxelles.
Permettre aux deux blocs d’unir leurs efforts face à la Chine
Soutenu par la communauté des affaires, de part et d’autre de l’Atlantique, cette démarche de négociation compte aussi des défenseurs dans l’entourage proche de Donald Trump. Selon le site d’information Politico, le représentant au Commerce, Robert Lighthizer ou le sénateur républicain Lindsay Graham, tenteraient de convaincre le président américain de modérer ses critiques envers l’UE. Ils estiment en effet qu’un dégel des relations permettrait aux deux blocs d’unir leurs efforts pour contrer un ennemi commun sur le front commercial : la Chine.
« Nous devons dépasser nos disputes commerciales pour résister, ensemble, aux pratiques agressives de la Chine », insiste également Gordon Sondland, le nouvel ambassadeur américain auprès de l’UE, par ailleurs entrepreneur fortuné du secteur de l’hôtellerie, dans un article consacré aux relations transatlantiques. De quoi donner du poids aux arguments de la Commission qui tente elle aussi, depuis la mise en œuvre des taxes américaines sur l’acier et l’aluminium européens, de créer un front commun face aux pratiques déloyales de Pékin. « Ce qui serait le mieux c’est de travailler avec nos amis américains et d’autres alliés sur la question au cœur de ce problème, la surcapacité », n’a cessé de rappeler Cecilia Malmström.
Un objectif largement partagé par les lobbys d’affaire européens qui préfèrent de loin une alliance avec les États-Unis et voient d’un très mauvais œil les tentatives de Pékin de courtiser l’Europe pour contrer le protectionnisme de Donald Trump. « Bien que l’escalade des taxes douanières par les États-Unis constitue une réponse franche et déconcertante aux lacunes du programme de réformes en Chine, elle se fonde sur des préoccupations communes à d’autres puissances économiques, dont l’UE », explique Mats Harborn, le président de la Chambre de commerce européenne –European Union Chamber of Commerce- à Pékin, cité par le quotidien Les Echos.
Dans son livre blanc rendu public le 18 septembre et accessible en ligne sur son site Internet www.europeanchamber.com.cn, cette instance de lobbying – qui représente 1 600 entreprises – estime largement insuffisants les efforts consentis jusqu’ici par la Chine pour assurer un meilleur environnement aux entreprises européennes sur son sol. À la question de savoir si les entreprises étrangères peuvent opérer en Chine sur un pied d’égalité, « la réponse est clairement ‘non’», déplorent sans détour les auteurs de ce rapport publié chaque année.
Dans ce contexte, la Commission maintient le cap et garde bon espoir de voir aboutir les pourparlers engagés avec Washington. « Malgré les déclarations de Donald Trump comparant l’UE et la Chine, on voit bien que son entourage proche est bien décidé à maintenir un partenariat étroit », confie un négociateur européen. Mais concrètement cela suppose « de reporter à plus tard les questions qui fâchent », ajoute-t-il. Avant d’espérer une levée des taxes américaines, Bruxelles préfère donc se concentrer, dans l’immédiat, sur l’alignement des certifications et normes de sécurité des produits chimiques, pharmaceutiques et des voitures. Des secteurs où une meilleure coopération réglementaire bénéficierait aux entreprises des deux blocs.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger, lire au sommaire de la Lettre confidentielle d’aujourd’hui : UE / Commerce : la stratégie européenne pour réformer l’OMC