La Commission européenne devrait rendre sa copie prochainement, « probablement en février », pronostique-t-on dans les coulisses de l’exécutif à Bruxelles. Et pour de nombreux acteurs européens et lobbyistes de tout poil, l’enjeu est de taille puisqu’il s’agit d’un avis juridique relatif à l’octroi – ou non – du statut d’économie de marché à la Chine.
Lors de son entrée au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en 2001, Pékin avait en effet obtenu le statut d’économie non marchande durant une période transitoire de 15 ans, qui prend fin cette année. Soumise à d’importantes pressions, Cecilia Malmström, la Commissaire au Commerce, a confirmé l’imminence de la présentation de son rapport lors d’une audition, mi-décembre dernier, au sein de la commission du Commerce international (INTA) du Parlement européen. « L’avis juridique sera publié début 2016 ainsi qu’un rapport mesurant l’impact économique de l’octroi du statut d’économie de marché à la Chine », a-t-elle annoncé.
Selon un membre de la commission INTA, Cecilia Malmström aurait également lié cet événement à la reprise des pourparlers entre les États membres sur la proposition de la Commission de moderniser les instruments de défense commerciale de l’UE. Présenté en 2013, le texte est bloqué depuis 2014 au Conseil du fait de l’opposition de plusieurs pays. Si une majorité semble favorable à la refonte du système actuel, d’autres préfèrent favoriser l’entrée de produits bons marchés au sein de l’UE. Les Pays-Bas, qui ont pris la présidence tournante de l’UE le 1er janvier 2016, se seraient engagés à relancer les discussions sur le texte, une fois que la Commissaire au Commerce aura présenté ses rapports concernant la Chine.
Patronats et syndicats sur la même ligne du « non »
Si la plupart des États membres, notamment la France, sont jusqu’ici restés muets sur le statut à accorder à Pékin au sein de l’OMC – préférant attendre l’avis juridique de la Commission pour entamer le débat au sein du Conseil – les lobbys industriels ont officiellement lancé leur campagne. C’est le cas notamment de Business Europe qui a largement diffusé, le mois passé, un communiqué mettant en garde contre l’impact d’une telle décision pour les entreprises européennes et leur compétitivité*. « La communauté européenne des affaires estime qu’il n’existe pas d’obligations légales à accorder à la Chine le statut d’économie de marché (…). Par conséquent l’UE devrait maintenir ses instruments de défense commerciale en prenant en compte la situation réelle sur le marché chinois », a avertit Markus Beyrer, directeur général de Business Europe.
Et pour une fois, l’organisation patronale est sur la même ligne du « non que la Confédération européenne des Syndicats (CES) qui s’est clairement positionnée contre une décision favorable à Pékin. « Reconnaître la Chine comme une économie de marché encouragerait un dumping sans limites d’importations chinoises bon marché et aurait un impact immédiat et dévastateur sur un grand nombre de secteurs manufacturiers de l’UE », a récemment déclaré Luca Visentini, secrétaire général de la CES.
Les eurodéputés commencent eux aussi à exprimer leurs craintes. Le 24 novembre dernier, lors d’une session plénière à Strasbourg, plusieurs élus de tous bords ont eux aussi affiché leur position. Fin décembre, le groupe des Socialistes et Démocrates, seconde famille politique au sein de l’hémicycle, a publié un communiqué marquant clairement son opposition à l’octroi d’un nouveau statut à Pékin. « Il y a presque 15 ans, la Chine a été accédé au sein de l’OMC dans l’espoir que le pays devienne une économie de marché. Il ne l’est pas devenu et ce serait une erreur de le traiter comme tel alors qu’il respecte si peu de critères pour être requalifié de la sorte », a indiqué David Martin, porte-parole du groupe pour les questions de commerce international.
A ce nombre croissant d’opposants s’ajoute un allié de taille : les États-Unis qui militent depuis des mois, en coulisses, pour influencer le rapport de la Commission, pourtant présenté à Bruxelles comme un simple avis juridique.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*Lire à ce sujet dans de précédentes éditions de la Lettre confidentielle : UE/OMC : Angela Merkel se déclare favorable à l’octroi du statut d’économie de marché à la Chine ; La pression monte à Bruxelles : la Chine mérite-t-elle le statut d’économie de marché ?