Les ajustements législatifs entamés il y a plus d’un an sont terminés. Le processus de ratification va pouvoir commencer. En annonçant le 29 février un nouvel accord entre Ottawa et Bruxelles sur la clause de protection des investissements, Cecilia Malmström peut désormais miser sur le feu vert de tous les Etats membres et d’une majorité d’eurodéputés pour permettre l’entrée en vigueur prochaine de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, mieux connu sous l’acronyme anglais CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement).
Le très controversé mécanisme de règlement investisseur/Etat (ISDS/Investor State Dispute Settlement) s’était attiré les foudres de l’opinion publique européenne dès le lancement des négociations de l’accord de libre échange UE/Etats-Unis (TTIP/Transatlantic Trade and Investment Partnership). La polémique risquait d’entraver la procédure du CETA conclu en septembre 2014. Certains pays comme l’Allemagne ou la France, ainsi que de nombreux élus au Parlement européen, menaçaient de voter contre le compromis final.
Pour contenter les détracteurs de l’ISDS, la commissaire au Commerce a donc négocié discrètement avec le nouveau gouvernement de Justin Trudeau pour qu’il accepte de modifier le texte en incluant les nouvelles dispositions présentées en septembre 2015 par l’exécutif européen. « Le CETA intègre notre nouvelle approche de l’investissement et du règlement des différends », s’est félicitée Cecilia Malmström. Celle-ci prévoit la création d’une cour des investissements dotée d’un tribunal de première instance, d’un tribunal d’appel, et constituée de juges professionnels.
Paris satisfait
La nouvelle a été immédiatement saluée par Paris où l’on estime que « la position française est devenue le consensus européen », selon un communiqué de Matthias Fekl, secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, qui n’a pas ménagé ses efforts pour faire pression sur Bruxelles.
Même enthousiasme au sein du Parti populaire européen (PPE), principal groupe politique au sein du PE. Artis Pabrik, rapporteur sur le texte demande désormais une ratification rapide. « C’est le sprint final qui mettra un terme à six ans de négociations marathon pour mettre en œuvre le plus vaste accord de libre-échange jamais conclu par l’UE », commente le député letton. Grâce à cet accord, ajoute l’eurodéputée libérale (ALDE) néerlandaise Marietje Schaake « les entreprises européennes auront accès aux marchés publics canadiens, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. L’économie canadienne est plus grande que celle de la Russie et représente un marché important pour nos compagnies ».
S’ils reconnaissent des avancées majeures, la délégation française du groupe des Socialistes et Démocrates (S&D) fait néanmoins part de ses nombreuses réserves. « En actant pour la première fois dans un accord commercial le principe de listes négatives, le risque d’empêcher les États de garder la main sur les secteurs qu’ils souhaitent ouvrir ou non à la libéralisation est grand. En établissant un Forum de coopération réglementaire, il crée un organe technocratique qui peut imposer un modèle d’uniformisation normative aux autorités démocratiquement élues », s’inquiètent les élus dans un communiqué. Mais pas de consigne de vote à ce stade. Il sera déterminé « par l’analyse des 1600 pages de l’accord et des conditions de garanties de la protection du modèle social européen », concluent-ils.
Quelle que soit leur décision finale, le CETA a aujourd’hui toutes ses chances d’être ratifié par le Parlement européen. Le feu vert du PPE, des libéraux et des conservateurs suffira à garantir son adoption en plénière.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles