Alors que la chef de la diplomatie européenne était cette semaine en visite officielle de deux jours au Canada, pour paver la voie à la signature finale de l’accord de libre-échange entre les deux blocs, le CETA (Canada-EU Trade Agreement), de nouveaux obstacles apparaissent au sein des États membres de l’Union européenne (UE), susceptibles de retarder encore sa ratification et son entrée en vigueur.
Vendredi 3 juin, l’ensemble des formations politiques francophones – hormis les libéraux – du Parlement belge, ont adopté une résolution exprimant leur opposition à accorder les pleins pouvoirs au gouvernement fédéral pour la signature, en l’état, du CETA. Motif principal de ce vote ? La réduction de la marge de manœuvre des gouvernements prévue par une clause du traité via le recours à des tribunaux d’arbitrage privés compétents pour régler les différends. En avril, le parlement wallon avait adopté un texte similaire qui préconisait, en outre, l’avis de la Cour européenne de justice pour vérifier la compatibilité du pacte commercial avec les traités européens.
Les deux assemblées belges réclament également – à l’instar d’autres élus des parlements nationaux- que le CETA soit reconnu comme un accord mixte, c’est-à-dire qu’il soit soumis, pour pouvoir entrer en vigueur, à la ratification des parlements, nationaux et/ou régionaux des 28 pays membres de l’UE.
De quoi contrer la stratégie de la Commission
De quoi contrer la stratégie de la Commission qui, dans un contexte de plus en plus défavorable aux accords de libre-échange, craint pour sa part qu’une telle procédure sonne l’arrêt de mort du CETA. Depuis plusieurs semaines, ses équipes de juriste tentent donc de faire reconnaître le pacte comme un accord européen qui se contenterait, pour être ratifié, de l’aval des États membres et du Parlement européen (PE).
Mais si la campagne anti-CETA bat son plein dans la partie francophone de la Belgique, elle est aussi largement relayée en France –dont le secrétaire d’État au Commerce extérieur Matthias Fekl ne perd pas une occasion d’affirmer que ce traité est « mixte »- et dans d’autres pays clés de l’UE.
Ainsi, le 3 juin, le parlement néerlandais s’est lui aussi opposé à une mise en oeuvre provisoire des volets de l’accord, reconnus comme des compétences exclusives de l’UE, tant que l’ensemble du processus de ratification n’est pas achevé. En début de semaine c’était au tour d’une coalition d’ONG allemande de menacer de saisir la Cour constitutionnelle de Karlsruhe pour démontrer que le pacte commercial était en violation avec les lois du pays.
Ce contexte n’aide pas les pourparlers avec les États-Unis pour le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership, ou TAFTA). « De nouveaux retards dans la mise en oeuvre du CETA risque de fragiliser encore les négociations transatlantiques », confie-t-on dans les coulisses de la Commission à Bruxelles. Toujours en Belgique, le parlement de la communauté germanophone a récemment plaidé pour une suspension des pourparlers en cours avec Washington. Certains députés bataves menacent de faire de même en convoquant un référendum sur la question.
« Pour être sérieux, nous ne pouvons pas avoir des référendums régionaux sur tous les accords de libre-échange », s’est inquiété Cecilia Malmström. « Si on fait ça nous devrons fermer boutique », a ajouté la commissaire au Commerce.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles