Après la mise en place de la Team france Export (TFE) en 2019, Business France multiplie les actions de mobilisation. C’est ainsi que l’agence publique réunit les 159 conseillers internationaux de la TFE en région le 6 février, soit quinze jours exactement après avoir rassemblé les opérateurs de la plateforme de solutions teamfrance.export.fr sur les quais du port de Grenelle, le 21 janvier.
L’agence publique est aujourd’hui le pilote incontesté du dispositif d’accompagnement à l’export. Le 21 janvier, elle avait demandé à différents acteurs et partenaires (Air France, Ania, C Discount, Cegos, Coface, Crédit Agricole, DG Trésor, EBay, Formatex, HSBC, ICC, Pôle Emploi, Société Générale, Syntec, Total…) de plancher sur des thématiques diverses, comme le modèle économique, les fonctionnalités, le contenu et la visibilité de la plateforme commune auprès du secteur privé.
Le modèle économique reste à peaufiner
Le 6 février, l’objectif sera plutôt de donner le coup d’envoi effectif de la TFE sur le terrain dans le cadre d’une opération de sensibilisation et de communication auprès des équipes constituées par Business France et le réseau des Chambres de commerce et d’industrie (CCI). Pour les CCI mises au pain sec par l’État et aux abois, le modèle économique des TFE en région sera essentiel pour assurer leur pérennité financière. Et, dans ce domaine, tout n’est pas réglé.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, la comptabilisation des prestations et leurs rémunérations dans le cadre des TFE ne font pas consensus. Rappelons que la ressource fiscale des CCI a chuté d’environ 1,3 milliard à 646 millions d’euros entre 2013 et 2019 et que l’État a encore imposé l’an dernier 400 millions d’économies supplémentaires sur quatre ans au réseau consulaire.
Dans un contexte d’extrême fragilisation, les CCI font valoir qu’elles jouent un rôle de préparation-sensibilisation indispensable. Du côté de Business France, en aparté, on reconnaît volontiers avoir accompagné par le passé à l’international des PME manquant de préparation, faute de coordination en amont avec les CCI.
Cela dit, il reste maintenant à valoriser l’activité de préparation-sensibilisation des entreprises. Et ce n’est pas simple. Par exemple, un événement d’entreprise sur l’international ou un contact entre un conseiller et une PME peuvent-ils-être comptabilisés ?
La question est d’autant plus cruciale pour le réseau consulaire que, selon un acteur de ce réseau, les pouvoirs publics ont tendance à braquer uniquement leurs regards sur les entreprises « projetées » par Business France. En jargon de l’écosystème du commerce extérieur, « projetée » signifie « les entreprises qui ont franchi les frontières de l’Hexagone », précise au Moci cet acteur.
2020, l’année du bilan pour TFE
Le sujet est d’autant plus sensible que les ministères de tutelle de la TFE, Bercy et le Quai d’Orsay, très satisfaits de la mise en œuvre de la réforme, demandent à présent des résultats concrets : un premier bilan de l’impact de la TFE sur le nombre d’entreprises accompagnées et leur performances à l’export a été demandé aux opérateurs pour cette année, et le directeur général de Business France, Christophe Lecourtier, ne manque pas une occasion, encore dernièrement à l’occasion de la journée Bercy France Export, d’annoncer que 2020 doit « être l’année des chiffres ».
Face à ce dynamisme affiché par l’agence publique, le réseau consulaire, représenté par sa maison mère à Levallois-Perret CCI France, a plutôt le moral en berne. Si les représentants des CCI sont conviés, le 6 février à Paris, à l’événement fédérateur TFE organisé par Business France, le doute s’installe sur leur influence réelle dans l’orientation générale du dispositif. « C’est plus pour la vitrine que par nécessité », confie au Moci un responsable en région. Le même estime que le dispositif s’oriente, « dans le prolongement naturel des TFE, vers la constitution d’un corps d’agents sous la seule autorité de l’agence publique et avec le même statut juridique ».
Questions sur l’avenir de CCI International
Du coup, se poserait la question de la survie, à terme, de l’association CCI International, pôle export mutualisé des CCI de l’Hexagone qu’abrite CCI France, dont la mission était jusqu’à présent de coordonner le réseau des conseillers en charge de l’international dans les CCI et de monter des actions communes. Son rôle est devenu moins évident à définir avec la TFE.
La question alimente d’autant plus les spéculations, dans le réseau consulaire, que l’installation dans chaque CCI de Région, d’au moins un coordinateur de Business France, cheville ouvrière de la relation client, a renforcer le rôle de l’agence publique en matière de coordination.
Statutairement, ce coordinateur dépend du directeur international de la CCI de région concernée, mais la réalité serait très différente. « Les coordinateurs réfèrent directement à la maison mère à Paris des progrès ou non et des ajustements à apporter dans leurs régions », nous indique un responsable consulaire. Dans la pratique aussi, il y a longtemps que Business France s’adresse directement aux directeurs de l’international dans les CCI de Région, sans passer par la structure fédérale CCI France.
L’association CCI International continue pour sa part à mener des actions collectives qui sont réalisées dans le cadre de la TFE. Pour cela, elle dispose d’une cagnotte alimentée par les CCI régionales. Dans la nouvelle logique d’action commune, son utilité fait donc désormais débat. Certains n’hésitent pas à prédire sa disparition, à terme. Quand précisément ? Peut-être d’ici la fin du mandat du président de CCI France,Pierre Goguet, en 2022.
François Pargny