La réforme du commerce extérieur et la Team France Export était au menu du Comité stratégique de l’export (CSE) qui s’est tenu le 12 décembre au Quai d’Orsay, en présence de Jean-Yves Le Drian, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, de Jean-Baptiste Lemoyne, son secrétaire d’État, et d’Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des finances.
Y participaient des députés (Marie Lebec, Buon Tan), des représentants des ministères, des régions, des opérateurs et organisations publics et privés, jusqu’à certains présidents des familles de produits prioritaires à l’export ou de comités stratégiques de filière (CSF). L’écosystème français du commerce extérieur était ainsi largement représenté.
Ce 2e CSE du quinquennat était précédé d’une réunion avec les présidents de Région – du moins ceux qui avaient pu se déplacer, malgré le mouvement national de grèves – avec deux objectifs : faire le point sur la gouvernance des exécutifs régionaux en matière de dispositifs d’accompagnement des ETI et PME locales et discuter de l’attractivité de leurs territoires en matière de tourisme.
Team France Export : les 13 Régions ont signé
Le constat est plutôt positif. Selon le Quai d’Orsay, le nombre d’entreprises exportatrices a progressé de 3 % entre 2017 et juillet 2018-juin 2019 pour atteindre le chiffre exact de 127 281. Pour sa part, sans pour autant l’attribuer à la seule réforme, le président de la Région Normandie, Hervé Morin, a rapporté que le nombre d’exportateurs dans sa région a augmenté de 200.
Le bilan est d’autant plus positif aux yeux du gouvernement que le premier volet de la réforme, l’accompagnement des PME et ETI (les deux autres volets étant le financement et la formation) a bien avancé. Les Team France export -ou Équipes de France export- autour de Business France, des CCI, de Bpifrance, sont constituées et sous l’égide de l’État et la responsabilité des Régions. Ces TFE ont fait l’objet, avec récemment l’Occitanie, de signatures de conventions dans toutes les régions métropolitaines et à Mayotte et La Réunion. Le réseau ultramarin devrait être complété en 2020.
Seule la Nouvelle-Calédonie ne semble pas devoir – du moins à court terme – être dotée d’une TFE. Après la tenue du CSE, on précisait, toutefois, chez Business France qu’une convention « de partenariat » avec le gouvernement de Nouvelle Calédonie, « portant sur les dimensions export et Invest », pourrait être signée « avant la fin d’année ».
Les TFE devront faire leur preuve en 2020
Pour les TFE, un objectif national de 30 000 entreprises accompagnées sur cinq ans (2018-2022) a été fixé. Aujourd’hui, explique-t-on au Quai d’Orsay, « des équipes conjointes, composées de 235 conseillers internationaux, réparties sur l’ensemble du territoire national, sont en place pour détecter et préparer les entreprises à l’international. Elles s’appuient notamment sur des outils numériques innovants déployés en 2019 pour faciliter l’accès des PME aux solutions d’accompagnement offertes dans chaque région ».
Si les guichets uniques, qui doivent offrir à chaque entreprise un référent unique, sont en place, 2020 sera l’année de la mise en œuvre du dispositif et du premier test de son efficacité auprès des entreprises.
Pour y voir plus clair, Business France, Ipsos et les Douanes devront présenter à la fin du premier semestre une étude d’impact à l’échelle de chaque région. La méthodologie retenue devra permettre de déterminer le nombre de créations d’entreprises avec le nombre d’emplois et les chiffres d’affaires générés. Un indicateur très attendu sera la comparaison entre les sociétés passées par les TFE et les non bénéficiaires.
Lors du CSE, il a été clairement indiqué que l’écosystème du commerce extérieur ne se limitait pas au noyau dur Région-Business France-CCI-Bpifrance. En fonction des territoires, d’autres acteurs seront intégrés, par exemple, les Chambres d’agriculture et d’artisanat dans les Hauts-de-France. D’autres acteurs ont vocation à être agrégés, comme l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), les Douanes ou les conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF).
Quelle place pour les opérateurs privés ?
Un des enjeux va être la communication auprès des tissus d’entreprises. Pour faire connaître la réforme, les organisations patronales, comme Medef, ou les CCEF ont, pour ses promoteurs, un rôle majeur à jouer. La place du secteur privé dans le dispositif public d’accompagnement est centrale. Et sans doute pas tout à fait réglée. « La réforme bouscule les habitudes de chacun. Il faut donc que chacun se réorganise », cherche-t-on à minimiser au Quai d’Orsay.
Le président de l’OSCI, Étienne Vauchez, a critiqué à de nombreuses reprises le peu de place laissée, selon lui, au secteur privé dans le nouveau dispositif d’accompagnement. Cette fédération des sociétés d’accompagnement à l’international (SAI) et des sociétés de commerce international (SCI) était largement représentée lors du CSE, avec non seulement Étienne Vauchez, mais aussi son prédécesseur, Gilles Rémy, président de Cifal, et celle qui vient d’être élue pour le remplacer à compter du 10 janvier 2020, Chloé Berndt, directrice associée de VVR International, qui co-présidera la fédération avec Hervé Druart, président de Salvéo.
S’agissant de l’OSCI, on affirme au Quai d’Orsay que Chloé Berndt est ouverte à « l’idée de s’intégrer au dispositif d’accompagnement ». Pour sa part, à l’issue du CSE, Gilles Rémy s’est félicité d’avoir pu « témoigner du dispositif Team France Export dont Cifal est en Russie le correspondant unique pour l’industrie ».
Une allusion au fait que dans neuf pays, dont la Russie, Business France s’est désengagé, confiant l’accompagnement à des opérateurs privés comme Cifal, mais le plus souvent des Chambres de commerce françaises à l’étranger. Cette réorganisation, menée pour l’instant à titre d’expérimentation, a vocation à être poursuivie, de façon à accompagner au mieux PME et ETI dans 100 pays d’ici 2020.
Un dispositif de financement musclé
S’agissant du deuxième volet de la réforme, le financement, depuis l’annonce de la réforme de la stratégie nationale en matière de commerce extérieur par le Premier ministre, Édouard Philippe, en février 2018 à Roubaix, plusieurs instruments ont été mis en place ou améliorés.
A Roubaix, Chantiers Piriou a été la première société à conclure un Pass Export, un contrat de confiance entre l’État et une ETI pour faciliter l’accès de l’entreprise aux garanties d’État et aux financements de l’exportation. Dans ce système, l’entreprise s’engage à ce que ses sous-traitants français comptent pour plus de 20 % de ses produits ou services exportés. Jugé trop compliqué, le Pass Export aurait été simplifié et huit entreprises en bénéficieraient aujourd’hui, à l’instar de Fonroche Lighting.
Autres instruments, l’assurance prospection et l’assurance crédit. Le premier est plus simple et plus attractif, ce qui expliquerait que leur nombre ait augmenté de 17 % en un an. Pour l’assurance crédit, le nombre de bénéficiaires est encore modeste, une centaine de sociétés, mais son utilisation a augmenté de 30 % en 2019. Aujourd’hui une réflexion serait menée pour assurer les petits prêts qui ne sont pas couverts par les banques, c’est-à-dire au-dessous de 25 millions d’euros.
Enfin, la réforme a touché aussi les systèmes de garantie. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a ainsi rappelé que « la garantie de change a été étendue à de nouvelles devises et de nouvelles garanties ont été instituées pour couvrir de nouvelles failles de marché ; c’est le cas de la garantie des projets stratégiques, mise en œuvre en décembre 2018, et de la garantie aux filiales locales ». La garantie de changes, notamment, serait sous-utilisée et on espère, au Quai d’Orsay comme à Bercy, que « le réseau décentralisé de Bpifrance » permettra à la banque publique de convaincre les PME de l’intérêt de ce produit.
Penser aux financements européens
En matière de financement, Thierry Tingaud, président du Comité stratégique de la filière (CSF) Industrie électronique et P-dg du fabricant de semi-conducteurs STMicroelectronics, a souligné l’importance des partenariats et des financements européens.
Au demeurant, les possibilités offertes par Bruxelles pourraient être mieux utilisées, y compris en matière commerciale. La Commission européenne s’est émue de la sous utilisation par le secteur privé des avantages accordés dans le cadre des accords de libre-échange. L’emploi des préférences tarifaires serait faible. L’Accord global Union européenne-Mexique aurait été évoqué, Jean-Yves Le Drian devant se rendre dans ce pays d’Amérique latine avant la fin de l’année. Bpifrance s’y renforce.
Enfin, troisième volet de la réforme du commerce extérieur, la formation. La première priorité était les langues, avec, à partir de 2023, plus de 400 000 jeunes recevant chaque année une certification en anglais.
Autre axe majeur, la formation des cadres dirigeants, grâce, en particulier aux programmes conjoints d’accélération de Bpifrance et de Business France qui ont bénéficié à 400 entreprises en 2018. Un effort qui devra être poursuivi. Il est jugé crucial, avec de très bons résultats et des accélérateurs sectoriels (aéronautique…). Un accélérateur International vient même d’être lancé avec 18 PME et ETI.
A suivre…
François Pargny