Depuis plusieurs années, le sport, avec tout de qui l’entoure (santé, sécurité…), constitue un business très lucratif. Sa pratique se développe sur tous les continents et les rendez-vous à l’échelle planétaire se multiplient. La France veut y prendre sa part, poussant ses acteurs à s’organiser en filière, marchant ainsi dans les traces de l’industrie*.
Lors des 6e Rencontres internationales des grands évènements sportifs (Riges), le 27 novembre à Paris, la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, était venue annoncer la volonté de l’État de rapprocher les filières entre elles et de « travailler en équipe avec le secteur privé ».
Devant les professionnels rassemblés par Business France, l’ancienne championne du monde de natation (200 mètres dos) a indiqué la nécessité d’une « réflexion structurée » pour « mieux identifier les marchés » et annoncé la création en 2019 d’une « entité juridique pour travailler sur les marchés national et international » et de deux nouveaux Clubs sports à l’étranger, « en Amérique et en Afrique ».
Ces structures, dont il n’existe à ce jour qu’un exemple, le Club sport Chine lancé en 2017, doivent rassembler les acteurs, coordonner la présentation de l’offre tricolore, mutualiser également la veille de marché et promouvoir cette offre, avec le soutien de Business France. Cette dernière a d’ailleurs saisi l’occasion de ces Rencontres pour lancer la troisième édition du catalogue Team France Sport, présentant l’offre de 80 entreprises et leurs références à l’international.
L’exemple du contrat décroché pour le stade de Yamoussoukro
L’Hexagone, qui va accueillir la Coupe du monde de football féminin en 2019, la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques en 2024, sera ainsi plus forte pour accrocher des marchés dans des pays où la pratique du sport se développe et de grands évènements sont organisés, en Afrique notamment (Algérie, Côte d’Ivoire, Égypte, Maroc, Sénégal…), mais aussi en Asie (Chine, Inde, Japon..) et au Proche et Moyen-Orient (Arabie saoudite, Qatar…).
Roxana Maracineanu s’est ainsi félicité du succès du groupement français, composé par Sogea-Satom avec Scau Architectes, Egis, Baudin- Châteauneuf et Alcor, pour la conception-construction du stade de Yamoussoukro, capitale politique et administrative de la Côte d’Ivoire, dans la perspective de la Coupe d’Afrique des nations (Can) de 2021. Un contrat remporté suite à une mission de la Task Force Ville Durable (TFVD) de Medef International, en juillet 2017 lors des jeux de la Francophonie.
D’un montant de 72 millions d’euros, ce contrat porte sur la construction d’un stade de 2 000 places auquel s’ajoute la rénovation de quatre stades d’entraînement, à proximité de la ville. « Nous avons contré l’offre chinoise en recrutant de la main d’œuvre locale et en fournissant dès l’appel d’offre la liste des sous-traitants locaux pressentis », a divulgué Eric Leport, président d’Alcor Équipements, spécialiste des tribunes modulaires sans vis et boulon.
Un succès qu’il faudrait reproduire sur d’autres marchés.
D’autres opportunités en Côte d’Ivoire
La Côte d’Ivoire, dont le ministre des Sports, Claude Paulin Danho, était présent aux Riges, est aussi un exemple emblématique des opportunités pour le secteur. « Pour la Can, a détaillé le ministre ivoirien des Sports, nous avons mobilisé 300 millions d’euros pour quatre stades de grande envergure et un centre d’hébergement. A cela, s’ajoutent notre programme national pour un plateau technologique de santé et des infrastructures routières ».
Aujourd’hui, tous les marchés seraient attribués et les travaux lancés. Pour autant, l’État ivoirien continuerait à dérouler son Programme de réhabilitation, d’équipements et de construction d’infrastructures sportives (Precis), avec un montant de 100 millions d’euros dévolu à l’acquisition d’une série d’équipements et à la réalisation de stades de proximité dans des villes moyennes. S’y ajouteraient des investissements dans les établissements scolaires et universitaires, de façon « à cadrer la jeunesse et parce que le sport est vecteur de valeurs », a expliqué Claude Paulin Danho.
En Côte d’Ivoire, la formation est un secteur porteur, comme l’a confié au Moci Olivier Monna, directeur du département de Formation du Centre de droit et d’économie du sport (CDES), basé à Limoges. Depuis trois ans, le CDES y développe un programme selon trois axes : reconversion des sportifs, formation de responsables administratifs et financiers et de gestionnaires d’évènements.
Lors des Riges, Claude Paulin Danho a plaidé auprès de responsables de l’Agence française de développement (AFD) pour que le Contrat de désendettement et de développement (C2D) que gère l’AFD pour le compte de la France en Côte d’Ivoire soit plus orienté vers le domaine scolaire et universitaire.
Parmi les autres opportunités qui se présenteraient aux entreprises françaises, l’organisation d’évènements et la création d’un village olympique en PPP (partenariat public-privé) pour la Can, mais aussi toute une série d’infrastructures sportives et économiques indispensables à Abidjan, la métropole économique de plus de 5 millions d’habitants.
L’ambition du Maroc : organiser le Mondial de football
L’Occident n’a plus l’apanage des grands évènements sportifs. Tant mieux, car pour des pays qui veulent être performants sportivement et favoriser leur développement économique et social, ce sont des aimants puissants pour attirer les investisseurs étrangers. En Afrique, s’il est un pays ambitieux, c’est bien le Maroc. Malgré ses nombreux échecs de candidat à l’organisation du Mondial de foot en 1994, 1998, 2006, 2010 et 2026, Rabat a annoncé qu’il serait candidat en 2030. D’après Business France, « la filière football a fait l’objet d’une mise à niveau d’infrastructures sportives depuis 2017, avec, entre autres, l’aménagement et l’équipement de 107 terrains en gazon synthétique aux normes internationales ».
« Depuis 2004, le Maroc a investi 400 millions d’euros dans des terrains, leurs pelouses ou leur éclairage, et aujourd’hui nous avons quatre à cinq stades complets prêts pour des compétitions internationales », a indiqué Hamza El Hajoui, le premier vice-président de la Fédération royale marocaine de football, qui veut croire dans les chances de succès de son pays à l’avenir.
Mais il a déploré la quasi absence d’entreprises françaises, à quelques exceptions près comme Gregori International. Entrée sur le marché avec la réalisation de parcours de golf, cette entreprise familiale construit depuis des terrains de football au Maroc. « Avec un procédé spécifique déjà utilisé au Moyen-Orient, nous pouvons proposer des types de pelouse tenant compte des aléas climatiques, ce qui est le cas au Maroc où entre Tanger et Marrakech, le temps et l’environnement diffèrent », a témoigné Daniel Cotta, le directeur du Développement export de cette PME.
Algérie : la concurrence chinoise
Au Maghreb, l’Algérie offre aussi de nombreuses opportunités. « Malheureusement, si la France y est très présente dans les aéroports, le métro, l’eau ou la pharmacie, elle y est, en revanche, relativement absente dans le sport, à l’exception d’Egis, alors que nous avons investi pour plus de cinq milliards d’euros depuis 2000 dans des infrastructures pour le sport et la jeunesse », a regretté Mohamed Lamine Bakhti, le directeur général des Sports à Alger.
« A l’exception du grand stade de Tizi-Ouzou, gagné par deux partenaires algérien et turc, les trois autres grands ouvrages ont été raflés par la Chine qui était moins disant », a expliqué le haut fonctionnaire algérien. Pour autant, il y aurait de la place, selon lui, pour l’exploitation d’évènements et la réalisation de pelouses naturelles. Dans cette niche, seul le spécialiste des surfaces végétales innovantes, Natural Grass, à Paris, serait présent, alors que le pays a fait le plein de pelouses synthétiques.
Dans l’optique des Jeux méditerranéens de 2021, à Oran, un stade de 40 000 places est prévu, ainsi que divers complexes nautiques (bassins, avirons-kayaks et voile), et une salle omnisports. S’y ajouterait la réhabilitation de l’ancienne salle de sport, d’un complexe de tennis et d’un centre équestre. De nouveaux marchés à gagner.
François Pargny
*Lire au sommaire de la LC d’aujourd’hui : Filières / Export : l’industrie prépare ses feuilles de route à l’international