Les mesures financières annoncées dans le cadre du plan de soutien à l’export ont pour principal objectif de permettre aux PME et ETI françaises de ne pas perdre pied, voir de maintenir leur ambition sur les marchés export. « Une partie des réponses apportées dans ce plan sont le fruit des remontées du terrain » explique Pedro Novo, directeur exécutif de l’export chez Bpifrance.
Les demandes affluent
Une partie de leur besoins immédiats pour maintenir l’activité ou tenir financièrement pendant la phase de fermeture partielle ou totale de l’activité ont été apportées par les mesures du plan massif de soutien aux entreprises mis en œuvre par le gouvernement : chômage partiel, report des échéances fiscales et sociales, prêts bancaires garantis par l’Etat, Fonds de solidarité pour les indépendants et artisans.
« Nous adressons les clients sans chapeau », souligne Pedro Novo qui, depuis le 17 mars, comme 80 % des effectifs de la banque publique, à Paris et en région, s’est réorganisé en télétravail. « Les entreprises qui exportent en ont bénéficié aussi ».
Et les demandes affluent : « à date, ce 31 mars, 55000 demandes en ligne nous sont parvenues, qu’il s’agisse du chômage partiel, des prêts garantis, des aides du fonds de solidarité », égrène Pedro Novo. Et les montants mobilisés en moins de deux semaines sont vertigineux : près de 2 milliards d’euros de prêts directs de trésorerie, près de 4,8 milliards de prêts garantis instruits par les banques privées pour 30 000 demandes…
Défendre les positions et rétablir la confiance
Mais dans cette urgence, il faut aussi penser à ne pas abandonner des clients chèrement acquis à l’étranger. « Les banques, comme les exportateurs, sont face à une crise de confiance qui ne dit pas son nom, analyse Pedro Novo. Il faut leur permettre de défendre leurs positions et de rétablir la confiance ».
Certains dirigeants d’entreprises consultés dans le cadre du réseau Excellence semblent à cet égard décidés à ne pas lâcher prise : « beaucoup sont obligés de prendre des mesures drastiques mais maintiennent leur usine en activité pour servir les commandes déjà engrangées » se réjouit Pedro novo. « Leur priorité est d’honorer leurs engagements alors qu’en Italie ou en Espagne, des entreprises ont lâché leurs clients ».
Les mesures spécifiques de soutien financier à l’export annoncées le 31 mars visent à leur permettre de tenir sur ce front-là. Elles sont gérées par Bpifrance assurance export.
L’année supplémentaire octroyée sur les contrats d’assurance prospection doit permettre aux bénéficiaires d’être assurés qu’ils auront le temps nécessaire pour adapter et reprendre leur programme d’exploration de nouveaux marchés interrompu par les mesures de fermeture des frontières et de restriction des déplacements une fois la pandémie endiguée.
Le renforcement des dispositifs de garanties de cautions et de préfinancement des exportateurs vise à rassurer les clients et préserver la confiance des banquiers. « En outre, nous les avons ouverts aux ETI » souligne Pedro Novo.
Les garanties de cautions, dont bénéficient les établissements de crédit qui fournissent des cautions de marché exigées des exportateurs dans les appels d’offres internationaux, ont vu leur quotité garantie portée de 80 à 90 % durant la pandémie.
Quant aux garanties de préfinancement d’exportateurs, elles bénéficient également à des banques pour les financements des besoins en fonds de roulement des entreprises doivent lancer les fabrications de leurs commandes. Les entreprises demandeuses d’un tel préfinancement bénéficieront désormais de 6 mois au lieu de 4 pour mettre en place le crédit.
Enfin, le dispositif de réassurance Cap Francexport, qui vient d’être renforcé (2 milliards d’euros de plafond) et élargi (sans restriction géographique, incluant les pays de l’OCDE), vise à « inciter les assureurs-crédits, à garder de l’appétit pour les risques export », souligne Pedro Novo.
Car c’est le moment où les risques d’incidents de paiement s’envolent et où les assureurs-crédits doivent procéder à des revues de portefeuilles drastiques, passant par des baisses de couverture ou des retrait purs et simples sur certains secteurs. Le tourisme, les voyages, et par ricochet l’aéronautique, sont actuellement durement touchés.
Le traité de réassurance avec les quatre assureurs-crédits (Euler Hermes, Coface, Atradius, Groupama) est en cours d’installation, les premiers dossiers pourraient être traités dès le début de la semaine prochaine.
Des réflexions engagées sur un plan de relance pour l’export
Passées les urgences, il faudra sans tarder se projeter dans l’après-crise, commencer à réfléchir aux stratégies à mettre en œuvre pour reprendre le fil interrompu par la crise sanitaire, voire lutter contre le sentiment « anti-mondialisation » qui a refait surface avec ce nouveau coronavirus venu de Chine et le constat désastreux qu’une partie des moyens de défense contre lui dépendait de fournisseurs étrangers eux-mêmes paralysés par la pandémie.
Chez les opérateurs chargés par le gouvernement de booster les PME à l’international, Bpifrance, Business France, les Chambres de commerce et d’industrie (CCI), les agences régionales, tous réunis au sein des dispositifs Team France Export (TFE), il y a la crainte sourde que ces entreprises lâchent l’export pour se recentrer sur leur marché domestique ou européen.
« Il y aura un combat collectif à mener pour monter que la mondialisation, c’est aussi la coopération internationale avec des pays comme l’Allemagne ou la Chine qui jouent le jeu de la solidarité internationale, qu’elle a permis à la France, à travers son ingénierie, de s’exprimer à travers le monde », souligne encore Pedro Novo.
Au contraire, le directeur exécutif Export de Bpifrance, « il faut profiter de ce moment de sidération pour réfléchir à la relance, et avec quelle stratégie ». « Après le pont de cash, il faudra construire un pont d’ambition », résume-t-il.
Ce sera tout le rôle du pilier de l’accompagnement du plan de soutien à l’export du gouvernement, avec en première ligne, les TFE dans les régions, dont les CCI sont les piliers. « Les équipes TFE traitent actuellement des dizaines de milliers d’appels quotidiens des entreprises, souligne Pedro Novo. Ce nouveau dispositif est arrivé au bon moment ».
Mais « l’après » mérite aussi son plan. Le plan de relance qui doit succéder au plan de soutien à l’export fait d’ores et déjà l’objet de réflexions chez les différents opérateurs, associant également les Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), qui ont œuvré à la définition des premières mesures soutien.
Il s’appuiera sur de nouveaux outils – digitaux, notamment, qui ont montré leur efficacité durant la période de confinement-, des simplifications d’outils existants, de nouveaux moyens budgétaires aussi. « La phase 2 devra être plus offensive, plus forte » conclut Pedro Novo.
Christine Gilguy