Du côté des chambres de commerce et d’industrie (CCI) en France comme des CCI françaises à l’international (CCIFI), on affiche sa satisfaction, depuis les annonces du Premier ministre Édouard Philippe, le 23 février, dans le grand auditorium de l’Edhec Business School à Roubaix. Le volet Accompagnement de la nouvelle Stratégie du gouvernement en matière de commerce extérieur (qui en compte trois, avec la formation et le financement) prévoit, en effet, la constitution d’un guichet unique à l’export « autour des opérateurs publics, CCI et Business France » dans chaque région de l’Hexagone, comme le préconisait le rapport « Team France Export» * de Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, approuvé par le gouvernement en décembre.
Si c’est une satisfaction, ce n’est, en revanche, pas une surprise. « Les propositions de Christophe Lecourtier ont été réalisées en partie avec nous », confie ainsi au Moci Pierre Goguet, qui préside CCI France, la structure nationale qui fédère les CCI dans l’Hexagone.
Changer les comportements
« Nous avons travaillé ensemble », confirme Arnaud Vaissié, le président de CCI France International, l’association nationale des CCIFI, qui se réjouit de la mise en place par Business France de concessions de service public à l’étranger via des appels d’offres auxquels pourront être candidates les chambres à l’étranger. Selon lui, « c’est la fin de la guerre déraisonnable qui opposait les chambres de commerce à Business France ».
« J’ai le sentiment, livre-t-il encore, qu’un mécanisme pour travailler ensemble est enclenché et que maintenant 1 + 1 peut faire 2,5 et non pas 1,5 ». Pour autant, Arnaud Vaissié est conscient que « beaucoup de travail reste à faire pour changer les comportements » et que « si c’est déjà fait au niveau des responsables, il faudra encore montrer l’exemple et faire de la pédagogie ».
« On assiste à une mise en ordre, se réjouit de son côté Pierre Goguet. Il faut maintenant que, de façon volontariste, on établisse des objectifs ambitieux par rapport aux populations qu’on peut adresser ». Pour Arnaud Vaissié, la nouvelle organisation, « ordonnée et complémentaire », va permettre d’accroître le nombre de primo-exportateurs et d’entreprises à l’international. Du coup, le nombre d’opportunités pour les chambres à l’étranger et les opérateurs privés va augmenter et, au final, la présence française sera renforcée hors de l’Hexagone. Ainsi, tout le monde sera gagnant.
Création d’un outil CRM
La mise en ordre doit, néanmoins, s’accompagner d’une mise en réseau. Lors de son intervention à Roubaix, le chef du gouvernement a indiqué que la création des guichets uniques en région « s’accompagnera de la mise en commun de toutes les informations par l’intermédiaire d’un système d’information partagé et par la création d’une plateforme digitale ». Il a même indiqué que ce système de partage d’informations allait être financé par le Fonds de transformation de l’action publique « à hauteur d’une dizaine de millions d’euros ».
Il s’agira, en fait, d’un outil de CRM (Customer Relationship Management ou gestion de la relation client) commun à tous les opérateurs, qui facilitera le traitement des dossiers des entreprises, en fluidifiant notamment le processus. « On va partager la data, tout en maintenant la complémentarité de nos expertises, et il y aura unité de lieu », complète Pierre Goguet.
Reste à créer le CRM. Aucune date, aucun délai n’est aujourd’hui avancé. En outre, un certain nombre de compagnies consulaires sur le territoire national et à l’extérieur disposent de leur propre outil de gestion de la relation client, ce qui ne va pas faciliter les choses. « Il faudra s’assurer que le CRM chapeau envisagé puisse communiquer avec les CRM locaux pour avoir un outil commun performant », prévient le président de CCI France.
Un comité de pilotage de la réforme de l’accompagnement déjà opérationnel auquel contribuent Business France et les CCI en France et à l’étranger devraient se réunir sous peu. « On va faire l’inventaire. Il faut emboîter l’offre de Business France en matière d’informations et de missions collectives avec celle des CCI composée de missions plutôt individuelles, en commençant par le diagnostic, qui est le déclencheur pour aller à l’international », souligne Pierre Goguet.
Une force de frappe de 500 conseillers Business France-CCI en région
Globalement, une force de frappe de 500 conseillers sera déployée sur l’ensemble du territoire national, dont 450 par les CCI et 50 par Business France. Des opérations pilotes sont déjà lancées en Normandie et en Provence-Alpes Côte d’Azur, mais, selon Pierre Goguet, toutes les régions sont « sur la ligne de départ ». Pour autant, reconnaît-il, « il y a des régions où historiquement les opérateurs du commerce extérieur travaillent facilement et d’autres où on se regarde en chien de faïence ou il y a de la méfiance ». Ce serait alors au comité de pilotage « de régler les dysfonctionnements ».
Depuis la loi NOTRe (réforme territoriale créant les 13 régions métropolitaines), les Régions sont des partenaires incontournables. Pilotes de l’économie et de l’international sur leur territoire, elles devront monter dans la gouvernance de Business France, a annoncé le Premier ministre. L’institution qui les représente, Régions de France, signera au demeurant un accord de partenariat, le 6 mars, avec CCI France pour la bonne exécution des Schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII).
Mise en place d’une gouvernance croisée
Enfin, Pierre Goguet est particulièrement satisfait que le chef du gouvernement ait souligné à Roubaix le rôle des CCI et des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) dans la diffusion de formations clefs en main en matière de commerce international.
Preuve de la nouvelle entente voulue par Business France et les compagnies consulaires, la gouvernance croisée qui se met en place, Business France devant entrer dans les conseils d’administration de CCI France et CCI France International et vice-versa.
Nouvelle cartographie de la présence géographique
A l’étranger, comme le souhaitait Christophe Lecourtier, Business France va se renforcer en Allemagne, en Chine et en Afrique. En Allemagne, la chambre de commerce, basée à Sarrebruck, est puissante et a toujours mené une activité complémentaire à celle du bureau de l’agence publique à Düsseldorf. En Chine, compte tenu de la taille du pays, se renforcer est une nécessité. Quant à l’Afrique, une présence régalienne apparaît indispensable sur un continent difficile en terme, notamment, d’organisation, surtout pour des PME.
En revanche, Business France a accepté de réduire la voilure dans huit pays : Singapour, Japon, Philippines, Hong Kong, Russie, Norvège, Belgique, Espagne. Sur la base d’un cahier des charges que l’agence publique va établir, elle lancera des appels d’offres pour concéder son activité, hors attractivité, VIE (volontaires internationaux en entreprises) et salons qu’elle conserve. Les CCIFI de ces pays pourront candidater, mais aussi n’importe quel opérateur privé.
La plupart des huit pays choisis pour tester cette nouvelle approche correspondent à ceux proposés par CCI France International, mais « nous en avons parlé avec Business France », tient à préciser Arnaud Vaissié. Il y a « beaucoup d’Asie, parce que les chambres y sont puissantes, efficaces et coordonnées », raconte le président de CCI France International. C’est aussi le cas en Russie.
« Les pays choisis sont aussi ceux où il y avait le plus de doublons avec Business France », expose encore Arnaud Vaissié. Enfin, les huit États sont considérés comme des nations tests. En d’autres termes, l’agence publique devrait ouvrir d’autres territoires dans le futur.
François Pargny
* Accompagnement / Export : les propositions du rapport Lecourtier pour la refonte du dispositif
Pour prolonger :
Lire dans la Lettre confidentielle d’aujourd’hui :
–Commerce extérieur : 19 mesures pour réduire le millefeuille et doper les exportateurs
–Les Régions apportent leur soutien à la réforme
–Le président des CCE salut la réforme mais liste ses « points de vigilance »
–L’OSCI applaudit la « manière », reste prudente sur la mise en œuvre
–L’Etat veut aussi simplifier le millefeuille des filières sectorielles
Et aussi :
–Commerce extérieur : E. Philippe lance une nouvelle stratégie pour doper l’export
– Commerce extérieur : E. Philippe réunit l’écosystème à Roubaix pour présenter sa stratégie de soutien à l’export
– Commerce extérieur : en attendant de nouvelles « cathédrales industrielles »
– Commerce extérieur : le plongeon du déficit des biens plombe le bilan 2017
-Et notre dossier paru fin novembre 2017 dans un numéro spécial du Moci (2048-2049) : 200 000 exportateurs en 2022, enquête sur un défi français