Les membres de la commission « Affaires juridiques » (JURI) du Parlement européen (PE) ont donné, le 28 janvier, leur feu vert – à l’unanimité moins les deux voix des eurodéputés du groupe des Verts – à un nouveau texte de compromis relatif aux secrets des affaires.
La directive, plusieurs fois amendée depuis la proposition initiale de la Commission européenne, vise plusieurs objectifs. Il s’agit d’abord d’aboutir à une définition harmonisée au sein de l’Union européenne (UE) de la notion même du « secret des affaires ». Le PE a opté pour un champ d’application large comprenant les informations techniques d’abord, c’est à dire des savoir-faire, des procédés de fabrication, des recettes, des composés chimiques d’un produit ; et puis, des informations commerciales, comme par exemple les listes de client, les résultats d’études de marketing, etc…
Autre axe majeur de la directive : mieux protéger les entreprises européennes contre l’espionnage industriel et la concurrence déloyale. Le texte vise à améliorer la capacité des victimes à demander réparation. Les entreprises pourront donc se défendre en justice avec des voies de recours suffisantes et comparables dans toute l’UE.
Les témoignages des PME Nanocyl et Valbruna
Le compromis est le fruit d’une large consultation menée auprès de représentants de grandes firmes et de PME. Lors d’une audition au sein de la Commission JURI, Dimitri Stoffels, directeur de la PME belge innovante Nanocyl, a rappelé aux eurodéputés l’importance des informations confidentielles dans la sphère d’activité de son entreprise. « Nous avons créé depuis le début de la société un réseau de collaboration à travers toute l’Europe qui comprend des sociétés, des centres de recherche, des universités. Ce réseau nous permet de créer, de générer des technologies, de l’innovation, qui sont la clé du développement de notre business », a-t-il expliqué.
Mais faute de législations harmonisées à l’échelle de l’UE, les responsables de Nanocyl ont donc décidé de ne pas divulguer leurs secrets d’affaires à leurs collaborateurs « parce que ceux-ci ne sont protégés que par la confidentialité et qu’il n’existe à l’heure actuelle aucun cadre légal européen pour aider à nous défendre en cas d’appropriation ou d’usage illicite par un tiers de ces informations ».
Or, des enquêtes réalisées par la Commission à Bruxelles montrent qu’une entreprise sur quatre en Europe a déjà été victime de vols d’informations confidentielles. C’est le cas, par exemple, de la société italienne Valbruna, qui produit des barres et des fils en acier inoxydable. « En 2006, un de nos employés a été contacté par une entreprise indienne qui lui a offert un salaire trois fois supérieur à celui qu’il touchait chez Valbruna et une somme de 180 000 euros. En échange, ses interlocuteurs lui ont demandé de révéler les secrets d’affaires et toutes les informations confidentielles sur notre processus opérationnel pour réaliser la fusion de l’acier, qui est bien sûr le cœur de notre business », a témoigné Massimo Amenduni Gresle, directeur de l’entreprise, lors de l’audition organisée par la commission JURI du PE.
Conséquences ? La fermeture d’une ligne de production de fils en acier inoxydable et la disparition de 50 emplois. Les pertes globales ont été estimées à 235, 4 millions d’euros. La société indienne, à l’origine du vol d’informations, a, par ailleurs, poursuivi sa stratégie offensive en Europe et dans les pays où Valbruna est implanté « tout simplement en faisant usage de notre liste de clients et en utilisant notre technologie », détaille le chef d’entreprise.
Et pour répondre aux critiques craignant que la directive freine la mobilité des travailleurs au sein de l’UE, Luc Hendrickx, directeur en charge des Politiques d’entreprises et des relations extérieures au sein de l’Union européenne de l’artisanat et des PME (UEAPME), répond : « cette mobilité est bien sûr importante pour tout le monde; le texte vise juste à interdire les procédés malhonnêtes pour attirer ces employés ».
Kattalin Landaburu, à Bruxelles