« Je suis très pragmatique ! », confie d’emblée à la Lettre confidentielle, le nouveau fédérateur de la famille prioritaire à l’export « Mieux se soigner », Jean-Patrick Lajonchère, 60 ans, actuel directeur général du groupe hospitalier privé Paris Saint-Joseph. Il a été nommé par Matthias Fekl, le secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger pour succéder à David Sourdive, qui a souhaité mettre un terme à sa mission pour se consacrer pleinement à la direction de l’entreprise biopharmaceutique Cellectis, dont il est cofondateur et qui connaît un rapide développement.
C’est donc avec pragmatisme que cet expert en ingénierie du bâtiment –entre 1979 et 1994, il a été ingénieur hospitalier à l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) à Cochin, Hôtel Dieu, Saint-Louis et à Vienne dans l’Isère– aborde son nouveau rôle de fédérateur de la filière française de la santé. Sa mission consistera à structurer, valoriser et promouvoir à l’international le savoir-faire français en matière hospitalière et plus largement l’expertise française dans le domaine de la santé, en s’inscrivant dans la continuité de l’action de son prédécesseur, David Sourdive dont le bilan après trois ans à cette fonction est unanimement salué.
D’abord écouter, essayer de comprendre, puis proposer des actions
Diplômé de l’école des Mines d’Alès et titulaire d’un MBA de l’École supérieure de commerce de Paris (ESCP), Jean-Patrick Lajonchère est certes un expert en ingénierie hospitalière mais il possède aussi une fine connaissance du domaine biomédical et des dispositifs médicaux. Il a développé des innovations technologiques en particulier dans l’imagerie médicale. C’est son expérience de 15 ans dans la sécurité des bâtiments hospitaliers au sein de plusieurs hôpitaux publics qui a fait de lui quelqu’un d’avant tout pragmatique.
« D’abord, j’écoute, j’essaie de comprendre, je vais participer à des réunions et ensuite, je proposerai des actions. Pour ce que j’ai déjà vu, les actions de mon prédécesseur sont tout à fait adaptées à la problématique », explique-t-il. « Si il y a de vrais blocages, je réfléchis à la façon de les débloquer, notamment en terme de concurrence d’équipes françaises sur un même projet. C’est très complexe », poursuit-il.
Sa nomination comme fédérateur de la famille « Mieux se soigner » n’est pas tout à fait une surprise. Celui qui dirige le groupe hospitalier Paris Saint-Joseph depuis janvier 2009 est un professionnel de la santé connu au ministère des Affaires étrangères et du développement international (Maedi). Il fait effectivement partie du groupe de travail du « rapport Jean de Kervasdoué » sur l’accueil des patients étrangers en France, commandé en juillet 2014 par Laurent Fabius, ex-patron du Quai d’Orsay, et Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé. L’économiste de la santé Jean de Kervasdoué avait été missionné pour dresser un diagnostic et élaborer des recommandations pour valoriser l’accueil des patients étrangers sur notre territoire.
« Des acteurs de domaines d’expertise différents qui arrivent en concurrence sur le même appel d’offres doivent partager des informations »
Très vite après sa nomination officielle en tant que fédérateur, le 19 février dernier, Jean-Patrick Lajonchère a fait son baptême du feu à l’international en se rendant au Maroc, à Casablanca, pour assister les 23 et 24 février à un forum franco-marocain de la santé organisé par Business France dans le cadre du programme annuel France Export, en partenariat avec la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc et le ministère de la Santé marocain.
L’événement a réuni des CHU marocains, des entreprises françaises et marocaines d’équipements et de dispositifs médicaux, des acteurs de l’ingénierie, de la construction et gestion hospitalière et du secteur pharmaceutique (laboratoires, fournisseurs). Le fédérateur en est rentré convaincu de la nécessité d’un jeu collectif dans cette filière : « les acteurs français ont partagé leur expertise avec les acteurs marocains », rapporte le fédérateur. « Il faudrait, estime-t-il, une plus grande mise en commun de ces expertises françaises. Ce congrès, ajoute-t-il, est un excellent galop d’essai ! »
L’univers de la santé est disparate et la filière réunit aussi bien des hôpitaux publics que des établissements de soin privés, des services de prise en charge de patients, des fabricants de dispositifs médicaux ou encore des laboratoires pharmaceutiques. « Les acteurs français de la filière de la santé ont besoin de se connaître », analyse Jean-Patrick Lajonchère. Certaines expertises apparemment très éloignées comme un traitement pour le diabète et la construction d’un hôpital peuvent pourtant s’avérer complémentaires. Ainsi, des entreprises issues de domaines d’expertise différents qui sont positionnées sur le même appel d’offres à l’étranger devraient partager des informations. De cette façon, « certains acteurs pourraient mieux s’entraider et compléter des offres qui deviendraient ainsi « clés en mains » », explique le fédérateur.
Poursuivre la mise en œuvre des « clubs santé » à l’étranger
Mais dans un premier temps, Jean-Patrick Lajonchère va s’atteler à poursuivre des travaux de son prédécesseur, en particulier dans les « clubs santé » à l’étranger, coordonnés par Business France, au sein desquels les acteurs de la filière échangent entre eux. « Les clubs santé sont d’excellents vecteurs pour partager l’expertise et l’information », estime le fédérateur. « David Sourdive a fait un travail excellent ».
« Je vais finir la mise en œuvre des travaux de mon prédécesseur dans les clubs santé à l’étranger avec l’aide des différents acteurs concernés », informe cet ingénieur de formation qui met un point d’honneur à achever le chantier commencé. Du pain sur la planche en perspective car il faut « conforter les clubs existants, organiser une évaluation de leurs actions, aider les entreprises non participantes à trouver un intérêt à y participer, et se poser la question de nouvelles créations». Mais pas question de casser les dynamiques déjà initiées : « priorité au fonctionnement de ce qui est lancé ! Une nouvelle fois, toutes ces actions n’ont de sens que si elles sont réalisées par les personnes, entreprises et institutions concernées », conclut-t-il.
Venice Affre
Pour prolonger :
Relire :
Filières prioritaires à l’export : la méthode Sourdive pour insuffler le virus de l’export aux acteurs de la santé