La France, la mieux armée dans les négociations sur le Brexit ? C’est, en substance, ce qui ressort de deux articles mis en ligne début décembre par le site d’information politico.eu et la plateforme britannique express.co.uk. Selon les auteurs des articles, Paris a constitué son propre groupe de travail sur le ‘Brexit’ dès juillet 2016, soit un mois seulement après les résultats du référendum britannique, « à la même période Westminster mettait en place son département pour préparer la sortie du pays de l’UE », précise Chloe Kerr, pour le site express.co.
Une quarantaine de fonctionnaires triés sur le volet
Mission de cette task force constituée d’une quarantaine de fonctionnaires triés sur le volet : examiner les effets probables du divorce sur la France dans vingt domaines, en incluant les conséquences d’un ‘Brexit dur’. Deux thématiques, en particulier, auraient été au cœur de ses travaux, à savoir les risques du ‘Brexit’ sur la stabilité financière de l’UE et les menaces en termes de distorsions de concurrence si le Royaume-Uni décidait de modifier ses règles à l’issue de la séparation.
Créé sous le quinquennat de François Hollande, ce groupe de choc aurait bénéficié du rôle actif de deux proches de l’ancien président, Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur et grand spécialiste des relations franco-britanniques, et Philippe Léglise-Costa, ex-secrétaire général des Affaires européennes à Paris, qui vient d’être nommé, en novembre, représentant permanent de la France auprès de l’UE à Bruxelles.
Disposer d’une longueur d’avance
Sous leur impulsion, cette task force française a, dès le départ, disposé d’une longueur d’avance, notamment face à l’Allemagne qui a réagi plus tardivement. « Bernard Cazeneuve fut un réel moteur, sans doute le plus important (…). Il était en première ligne pour de nombreuses questions franco-britanniques et a pressenti ce qui allait arriver », souligne Jean-Paul Mulot, représentant officiel de la région des Hauts-de-France au Royaume-Uni, cité par Politico.
Dans le même article, un diplomate européen loue l’efficacité de l’Administration française qu’il juge « au dessus du lot ». Selon lui, elle aurait largement contribué à définir la position des Vingt-sept et à maintenir un front commun face au Royaume-Uni. « Contrairement à leurs attentes, les Britanniques doivent aujourd’hui composer avec une cohésion renouvelée au sein du bloc. L’Europe tient bien le cap et à l’instar des Français, les autres États membres sont aujourd’hui très bien préparés pour affronter le Brexit », analyse Enrique Calvet-Chambon, eurodéputé espagnol, membre du groupe des Libéraux et Démocrates (ALDE), au Parlement européen (PE).
Mais si la France se vante de jouer collectif sur ce dossier, « elle cherche avant tout à protéger ses propres intérêts », souligne quant à lui Philippe Lamberts, eurodéputé belge et coprésident du groupe des Verts au Parlement européen (PE). Car les futures relations bilatérales entre Paris et Londres sont, elles, aussi analysées au peigne fin par le groupe de travail et ce dans tous les secteurs susceptibles de subir directement les effets du ‘Brexit’. « Notre intérêt et l’option que nous privilégions est le statu quo », confie un diplomate français au site Politico.
Le ‘Brexit’ dur considéré comme le scénario du pire
Même s’il est envisagé, un ‘Brexit dur’, c’est-à-dire sans accord, reste donc considéré comme le scénario du pire. Pas question, néanmoins, de se soumettre aux volontés des Britanniques. Une position, d’ailleurs, soutenue par un autre Français, acteur clé dans ces négociations. S’il représente avant tout les intérêts de l’UE dans ces pourparlers délicats, Michel Barnier, négociateur en chef à la Commission européenne, est bien en phase avec la ligne défendue par Paris : ce sont les Vingt-sept et non le Royaume-Uni qui doivent donner le tempo à ces discussions, estime cet ancien commissaire.
Et la détermination des Européens semblent commencer à porter ses fruits. Après de longues semaines de tractations difficiles, un accord serait enfin en vue sur les trois dossiers clés du divorce : le règlement financier, le sort des résidents européens installés au Royaume-Uni, et la question irlandaise, où la réapparition d’une frontière physique fait craindre le retour des vieux démons.
Si la visite de Theresa May, lundi 4 décembre à Bruxelles, n’a pas permis de finaliser un compromis, les discussions se poursuivront en coulisses jusqu’au sommet européen prévu la semaine prochaine dans la capitale européenne. Lors de cette rencontre, les Vingt-sept devront donner leur feu vert, ou non, au lancement de la deuxième phase des discussions. Très attendue à Londres, elle visera, cette fois, à définir les contours de la future relation commerciale entre l’UE et le Royaume-Uni.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
– UE / Royaume-Uni : le Medef n’exclut pas un scénario catastrophe pour le ‘Brexit’
– UE / Royaume-Uni : les banques et les douanes face au scénario d’un ‘Brexit’ dur
– UE / Réglementations : les normes agricoles européennes menacées par le ‘Brexit’ ?