« Enfin un peu de clarté sur la stratégie britannique », s’est félicité Franz-Walter Steinmeier dans un communiqué. Le ministre allemand des Affaires étrangères était le premier des responsables européens, ce mardi 17 janvier, à réagir au discours de Theresa May dans lequel elle a dévoilé sa feuille de route pour sortir son pays de l’Union européenne (UE).
A Bruxelles, les réactions officielles se sont limitées à quelques tweets du président du Conseil, Donald Tusk, ou du ‘Mr Brexit’ de la Commission, Michel Barnier. Car ici la consigne reste la même : « no comment », pas de commentaires tant que la procédure n’aura pas été officiellement déclenchée par Londres. « On entrevoit au moins l’esquisse d’une stratégie », a ironisé un haut fonctionnaire déplorant néanmoins le choix d’un « hard Brexit », un « Brexit dur », par la Première ministre britannique.
Theresa May prône cependant une sortie en douceur, par étapes
A l’issue de longs mois de tergiversations, la locataire du 10 Downing street a donc finalement penché pour la ligne dure, privilégiant le contrôle de l’immigration – préoccupation principale des électeurs du référendum du 23 juin 2016 sur la sortie du pays de l’UE – sur l’adhésion au marché unique. Pour les partisans de cette stratégie, le Royaume-Uni peut prospérer en négociant, seul, des traités de libre-échange avec les pays du Commonwealth et les grandes puissances américaines et asiatiques.
Un choix contesté par la communauté des affaires qui, elle, favorise le maintien dans ce marché de 500 millions de personnes – le plus grand du monde – quitte à accepter la libre circulation des personnes. Mais pour cette première clarification, ils n’ont pas été suivis. « Nous ne cherchons pas à adopter un modèle dont bénéficient déjà d’autres pays », a précisé la Première ministre britannique. Pas question donc d’avoir « un pied dedans et un pied dehors », avec un statut de membre partiel ou associé.
Theresa May prône cependant une sortie en douceur, par étapes, afin d’éviter « un changement trop brutal et déstabilisant ». Alors que 44 % des exportations britanniques étaient destinées au continent européen en 2015, Londres ambitionne désormais de conclure un accord de libre-échange « global, audacieux et ambitieux » avec les 27 ainsi qu’un nouvel accord douanier.
Pas sûr que cette stratégie soit bien accueillie par ses partenaires.
« Elle veut le beurre et l’argent du beurre »
« Elle veut le beurre et l’argent du beurre », a estimé Jeremy Corbyn, le leader du parti travailliste pointant sa volonté de sortir du marché unique tout en préservant « un accès le plus large possible ». « C’est bien le point qui demeure ambigu », concède aussi Agnès Alexandre-Collier, professeur de civilisation britannique à l’Université de Bourgogne et docteur en science politique. « L’UE a pourtant dit et redit qu’elle ne voulait pas d’un marché unique à la carte, mais on comprend que Theresa May manœuvre pour préparer les négociations ; entre fermeté et souplesse », précise-t-elle dans une interview accordée au quotidien belge Le Soir.
Les pourparlers entre Londres et Bruxelles devraient pouvoir formellement débuter en avril, la Première ministre ayant confirmé, lors de son discours, sa volonté d’activer l’article 50 du traité avant la fin mars. Ces discussions viseront d’abord à définir les modalités du ‘Brexit’. Comme dans un divorce classique, il s’agira donc de dénouer les liens tissés pendant plus de 40 ans d’adhésion. Et pour le Royaume-Uni, la tâche s’annonce colossale, car toutes les législations européennes devront être remplacées par des lois nationales.
La seconde étape consistera à négocier un nouveau ‘contrat de mariage’ entre les 27 et la Grande-Bretagne, c’est à dire à fixer les bases d’un futur partenariat commercial et douanier. Un processus qui pourrait prendre entre 5 et 10 ans selon les experts interrogés à Bruxelles.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles