En matière de risques sectoriels à l’export, Coface a réalisé treize changements d’évaluation dans son dernier baromètre pays et secteurs au 3e trimestre 2019 (voir ci-dessous en pdf). Toutes les grandes régions du monde sont concernées, à l’exception de l’Europe centrale et orientale.
En présentant le baromètre à la presse, le 17 octobre à Paris, l’économiste en chef de Coface, Julien Marcilly, était attendu au tournant sur l’automobile. « Dans cette industrie, nous avions déjà opéré, il y a trois mois, des déclassements dans beaucoup de pays. C’est pourquoi, cette fois-ci, seuls des petits pays sont concernés », a-t-il expliqué, lors cette conférence sur « les risques mondiaux à six mois et les enjeux du protectionnisme pour l’agroalimentaire ».
Automobile : Chili, Israël, Suisse, Canada, rétrogradés
Ainsi, dans l’automobile, Coface vient de déclasser quatre nouveaux pays – Chili, Israël, Suisse, passés tous trois de risque faible à moyen, et Canada, rétrogradé de moyen à élevé – ainsi que des filières qui en dépendent de ce secteur, comme la chimie en Allemagne, déclassé d’un cran, de risque moyen à élevé.
Au Chili, la dégradation des comportements de paiement est surtout liée à la détérioration de l’économie générale, victime elle-même de la baisse des cours internationaux du cuivre et de l’impact d’une sécheresse historique sur les activités minières et agricoles.
En Israël, les modifications de règlementations environnementales (taxe verte) ont influé sur la demande, qui est devenue volatile.
Au Canada, production et ventes sont en recul, affectées notamment par l’augmentation des taux d’intérêt et du coût du crédit.
Enfin, en Suisse, les immatriculations sont en chute et les exportations de composants seront ainsi freinées.
De façon générale, l’automobile mondiale est sous tension, avec les menaces de protectionnisme des États-Unis. Le président Trump menace régulièrement l’Union européenne (UE), plus particulièrement l’industrie haut de gamme allemande, de droits de douane supplémentaires. Pèse aussi comme une épée de Damoclès sur la tête des industriels l’instauration de normes antipollution toujours plus strictes dans l’Union européenne (UE) et la montée de la voiture électrique, notamment en Chine.
Chimie et bois en Allemagne, en risque élevé
S’agissant de la chimie en Allemagne, très liée à l’automobile pour la pétrochimie, les intrants dans les plastiques et les composants, l’activité s’est essoufflée et les signes de reprise sont nuls. Coface a rétrogradé le secteur de risque moyen à élevé.
La demande étrangère est pratiquement à l’arrêt, le commerce mondial est fortement ralenti et le coût des intrants a bondi après l’attaque de la première usine mondiale de production de pétrole en Arabie saoudite.
Dans le bois, le risque d’impayés s’aggrave aussi, avec trois pays – Israël, Mexique et Allemagne – passés des catégories Moyen à Élevé.
A cet égard, en Israël, le secteur du bois est très émietté, nombre de petits fabricants ont fait faillite, d’autant qu’ils subissent la concurrence des produits importés.
Au Mexique, toute une série d’évènements pèse : le ralentissement général de l’activité ; la baisse de la demande intérieure ; et le recul de la production de bois et d’ameublement, alors que les incendies déclarés et les importations se sont accrues.
En Allemagne, tous les signaux sont négatifs. La forêt souffre du changement climatique (chaleur, sécheresse), la production faiblit, l’insolvabilité augmente, le climat des affaires est notoirement détérioré.
Le papier : risque élevé en Amérique du Nord
Quand ce n’est pas le bois, c’est le papier qui est touché. En Amérique du Nord, ce secteur est rétrogradé de risque moyen à risque élevé.
Au Canada, explique Coface, « l’industrie du bois est affectée par les droits de douane américains sur le bois d’œuvre (21 %) et par le ralentissement du secteur de la construction ». La production de bois, de papier et les cours de la pâte à papier diminuent.
Aux États-Unis, la conjoncture n’est pas plus florissante. Non seulement le ralentissement de l’économie de la Chine, qui achète 35 % de la pâte à papier vendue dans le monde, entraine une baisse des cours. Mais le géant asiatique menace la première puissance économique de la planète de lui imposer des taxes à l’entrée sur son territoire, alors qu’il absorbe 30 % de ses exportations de bois, de papier et pâte à bois.
Les TIC coréens sanctionnés par le Japon
Si le bras de fer entre Washington et Pékin attire toute la lumière, dans la pratique, il n’est pas le seul entre grandes puissances commerciales. Ainsi, la guerre commerciale entre Séoul et Tokyo a un impact direct sur les fabricants coréens de produits des technologies de l’information et de la communication (TIC), dépendant des fournitures en provenance du Japon.
Coface a ainsi dégradé les TIC, passés de risque moyen à élevé, en Corée du Sud. Comme cette nation approvisionne elle-même le monde en composants, elle pourrait faire les frais de la bataille entre les deux géants mondiaux.
Non seulement de nouvelles routes d’approvisionnement peuvent émerger, mais la Chine pourrait réduire sa demande « à mesure que le pays s’efforce d’atteindre ses objectifs d’autosuffisance dans le secteur des TIC », prévient Coface.
Risque élevé dans la construction en Argentine et le textile au Chili
Enfin, l’assureur-crédit a dégradé de risque moyen à risque élevé deux autres secteurs en Amérique latine : la construction en Argentine et le textile-habillement au Chili.
En Argentine, le péroniste Alberto Fernandez, qui vient de remporter l’élection présidentielle dès le premier tour, le 27 octobre, va devoir relancer une économie en récession. Investissements publics et activité dans la construction ont plongé. La forte dépréciation du taux de change (33 % depuis le début de l’année jusqu’au 6 septembre dernier) a renchéri le coût des importations de biens d’équipement et le crédit est cher.
Au Chili, la production de textile-habillement et le commerce de gros et de détail s’effilochent dans un contexte de faible compétitivité et de confrontation aux importations chinoises.
Des risques très élevés aux quatre coins du monde
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que toute une série de secteurs demeure en risque élevé, voire très élevé, comme la construction en Asie-Pacifique (Chine, Corée du Sud) et dans la zone Moyen-Orient-Turquie (Arabie saoudite, Turquie), la métallurgie également dans cette dernière région (Arabie saoudite, Turquie) et le textile habillement en Amérique du Nord (États-Unis).
D’après Coface, le risque d’impayés est jugé très élevé dans certains pays dont la santé économique vacille. C’est d’abord le cas de l’Argentine, notamment dans l’automobile, la construction, les TIC, la distribution et le textile-habillement. Mais c’est aussi le cas de la Turquie, où le risque d’impayé est considéré comme très élevé dans l’automobile, la construction, l’énergie, les TIC, la métallurgie et la distribution.
François Pargny