Avec la crise du Covid-19, le niveau des défaillances d’entreprises dans le monde explose et le risque client à l’export n’a jamais aussi été élevé si l’on croit les assureurs-crédits Coface et Euler Hermes, qui viennent de livrer deux études complémentaires sur les perspectives des défaillances d’entreprises, la première sur le monde, la seconde sur l’eurozone.
Ainsi, dans son baromètre d’avril, intitulé « Covid-19: heading towards a sudden global surge in corporate insolvencies », Coface annonce une augmentation de 25 % des défaillances d’entreprises dans le monde en 2020 (contre seulement +2 % prévu en janvier dernier).
Certes, il s’agit d’une hausse considérable. Reste que les différentes régions du monde ne sont pas placées à la même enseigne. L’Union européenne, en particulier, n’est pas, de ce point de vue, la zone où la dégradation de la situation est la plus notable.
Zone euro : des hausses inférieures à la moyenne mondiale
En effet, c’est la première surprise, le niveau de défaillances dans la zone euro est inférieur à la moyenne mondiale en 2020, puisque si la progression est estimée à 22 % en Espagne, pays où la solvabilité des entreprises recule le plus, elle est relativement moindre en Italie, avec + 18 %, et encore plus en France et en Allemagne, avec + 15 % et + 11 %.
Les évaluations d’Euler Hermes dans la zone euro sont globalement les mêmes.
Dans son une étude, intitulée « Covid-19 crisis in Europe » (voir fichier ci-joint), la filiale du groupe Allianz parie sur « une augmentation significative des faillites, notamment en Italie (+ 18 %), en Espagne (+ 17 %) et aux Pays-Bas (+ 21 %) ». Pour leur part, « l’Allemagne (+ 7 %), la France (+ 8 %) et la Belgique (+ 8 %) » afficheraient des niveaux bien supérieurs aux anticipations pré-coronavirus.
D’après Euler Hermes, dans le contexte de la pandémie, les chiffres d’affaires des entreprises en glissement annuel à fin mars pourraient diminuer de 15 à 25 %. Cet assureur-crédit s’attend « à ce que le PIB de la zone euro se contracte de -1,8 % en 2020 si les blocages complets durent un mois, ou de -4,4 % s’ils durent deux mois ».
De plus, selon lui, 10 % du total des PME et des MidCaps [NDLR, sociétés dont la capitalisation boursière moyenne est comprise entre 2 et 10 milliards de dollars] en France sont à risque, près de 9 % en Allemagne, 8 % en Belgique, 6 % en Espagne, 5 % en Italie et environ 3 % aux Pays-Bas.
Enfin, Euler Hermes indique que les secteurs les plus à risque sont la construction, l’agroalimentaire et les services. Ainsi, en France et aux Pays-Bas, le secteur des services compte le plus grand nombre d’entreprises à risque. En Allemagne, en Italie et en Belgique, il s’agit de la construction.
États-Unis, Royaume-Uni : des hausses supérieures à la moyenne mondiale
Dans le monde, explique, de son côté, Coface, « le risque de crédit des entreprises sera en très forte hausse et ce même si l’on se place dans un scénario où l’activité économique redémarrerait graduellement dès le 3ème trimestre et en excluant l’hypothèse d’une deuxième vague d’épidémie au second semestre ».
Cet assureur-crédit prévoit une récession de – 1,3 % cette année et un recul du commerce mondial de 4,3 % en volume.
La deuxième surprise provient de l’extérieur de l’Union européenne. « Ce qui peut paraître paradoxal est que les États-Unis et le Royaume-Uni devraient connaître des taux de défaillance d’entreprises beaucoup plus élevés que dans la zone euro, + 39 % et + 33 % respectivement, alors que la récession économique y serait un peu moins marquée », faisait observer Julien Marcilly, chef économiste de Coface, lors d’une conférence téléphonique, le 6 avril.
En fait, certaines économies réagissent plus que d’autres aux variations de l’économie. C’est le cas des États-Unis et du Royaume-Uni pour deux raisons : d’une part, parce que les services y sont plus fragiles et moins profitables, et, d’autre part, les amortisseurs sociaux y sont moindres que dans l’UE.
Julien Marcilly notait encore que l’intervention dans la zone euro de la Banque centrale européenne (BCE) aura un impact considérable pour limiter les taux d’intérêt dans la zone euro. La BCE a en effet annoncé un programme de rachat d’actifs d’ampleur exceptionnelle (870 milliards d’euros au total). Une bonne nouvelle pour l’activité, car nombre d’entreprises sont sensibles au coût du crédit.
C’est le cas en Italie, pays sinistré à la suite de cette pandémie. « Même si depuis la crise de 2012, beaucoup de sociétés transalpines ont pris l’habitude de s’autofinancer, il y a encore un tissu d’entreprises très dépendantes de la montée des taux d’intérêt », pointait Julien Marcilly.
L’intervention de la BCE sera décisive pour maintenir à flot ce tissu économique, et endiguer l’enchaînement des faillites.
François Pargny