Pour l’écosystème du commerce extérieur rhônalpin, l’année 2015 sera marquée d’une pierre blanche : bouleversement de l’organisation de la Région avec la fin d’Erai*, dont la liquidation a été prononcée le 30 juin dernier, rapprochement annoncé avec l’Auvergne. Un chantier qui va s’ouvrir dès après les élections régionales de décembre, quels que soient leurs résultats. C’est ce contexte propice aux brassages d’idées que le Comité Rhône-Alpes des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) a choisi pour se mobiliser et rédiger un livre blanc rassemblant idées et recommandations en matière de politique d’internationalisation des entreprises, destiné tout autant au nouveau préfet de Région, Michel Delpuech, arrivé en mars 2015, qu’aux têtes de listes en compétition pour le scrutin régionale, dont Jean-Jack Queyranne, le président socialiste sortant du conseil régional de Rhône-Alpes, et Laurent Wauquiez, son principal rival du camps des Républicains, mais aussi les chefs de fil des écologistes, du FN, etc.
» J’ai été élu le 25 juin 2015 à la tête du Comité Rhône-Alpes des CCE, pour moi, Erai c’est du passé, je veux regarder l’avenir ». D’entrée, Hervé de Malliard veut clarifier l’état d’esprit dans lequel s’est faite la démarche de ce livre blanc intitulé : « L’international : levier du développement économique ». Et de rappeler la neutralité politique des CCE : » nous sommes nommés par le gouvernement, bénévoles, sans parti pris politique, nous sommes absolument indépendants « ; de même que leur absolue légitimité pour parler d’internationalisation, les CCE étant aux manettes d’entreprises souvent fortement exportatrices : ils représentent « 70 % de l’export en Rhône-Alpes » assure leur président. » J’ai passé 5 ans en Chine, 2 ans en Angleterre, et ma société travaille avec 85 pays » expose, à titre d’exemple, celui qui préside également la société MGA Technologies, une PMI spécialisée dans les machines spéciales pour l’industrie.
Malgré cette légitimité, ils sont malheureusement « largement sous utilisés » par les pouvoirs publics, alors que leur première mission est justement de les « conseiller » : d’où l’envie de prendre les devants, après une rencontre avec le nouveau Préfet de Région peu avant l’été. Fait important dans la perspective du rapprochement avec l’Auvergne : les CCEF auvergats ont été tenus au courant de la démarche, et ont même pu faire passer quelques messages.
« Si l’on a une politique volontariste ciblée vers les 2000 entreprises rhônalpines qui font plus d’un millions d’euros à l’export, il y aura des gains rapides en termes de points de PIB et d’emplois»
Voici pour l’état d’esprit général. A présent le contenu. Il y a d’abord deux convictions : la première est que le soutien à l’industrie doit être prioritaire dans la future politique de développement économique, la seconde est que c’est le levier de l’internationalisation qui doit être actionné en priorité pour « nous sortir du marasme économique ».
« Avec l’Auvergne, nous allons constituer la première région industrielle de France et la dixième d’Europe » justifie Hervé de Malliard. Or, après les politiques publiques centées sur le soutien à l’innovation et à l’investissement, l’international est le troisième levier de croissance des entreprises industrielles qui n’a pas encore été utilisé pleinement. « Si l’on a une politique volontariste ciblée vers les 2000 entreprises rhônalpines qui font plus d’un millions d’euros à l’export, il y aura des gains rapide en termes de points de PIB» explique Hervé de Malliard.
Les chiffres qu’il cite sont issus d’une étude réalisée à partir des bilans des entreprises de la région (base de données Diane, de Bureau Van Dijk), dont le livre blanc détaille les chiffres. Le document présente par ailleurs toute une série de témoignages de CCE rhônalpins qui proposent leurs idées sur ce que devraient être les orientations de la politique de la future Région dans ce domaine. S’en dégagent quelques axes forts mais très opérationnels.
Pas besoin de « recréer un organisme régional »
D’abord, il n’y a pas besoin de « recréer un organisme régional » pour mettre en oeuvre la politique publique de soutien à l’internationalisation des entreprises car « un benchmark international démontre que le partenariat public-privé est le fonctionnement le plus performant, le plus souple et le plus efficace » lit-on dans la synthèse opérationnelle du livre blanc. « Nous ne sommes plus dans les années 80/90 : aujourd’hui, nous avons un tissu économique structuré, avec des acteurs publics et privés, justifie Hervé de Malliard. C’est pourquoi nous préconisons de s’appuyer sur l’existant ».
Pour s’assurer que les aides publiques seront correctement utilisées, le livre blanc propose ensuite de créer « un passeport de suivi de l’entreprise et de ses actions à l’international« .
La création, dans la future Région Auvergne Rhône-Alpes, d’une « commission consultative du développement économique internationale », sous l’égide des CCE pour garantir son indépendance, mais chargée d’être « le ferment d’une concertation régionale efficace avec l’ensemble des acteurs concernés » est un autre axe intéressant pour peser sur les choix stratégiques de la future Région. Initialement faite au Préfet, qui se serait montré très intéressé, cette idée a également été soumise à l’ensemble des candidats aux élections régionales rencontrés. « Notre souhait est que le Préfet prenne l’initiative de constituer une telle commission » précise Hervé de Malliard.
Un autre axe important est que la future Région se dote d’une politique pour « favoriser l’embauche ainsi que la création de postes en France, comme à l’étranger« . Il revêt une signification particulière dans le cadre du rapprochement entre l’Auvergne et Rhône-Alpes : alors que la première finance l’embauche de volontaires internationaux en entreprises (VIE) (l’Auvergne finance 50 % du coût des VIE à temps partagé), ce n’est pas le cas de Rhône-Alpes, « qui a investi beaucoup dans les bourses des étudiants qui vont à l’étranger » mais reste la seule région qui ne finance pas du tout le VIE. « Nous pensons qu’un petit rééquilibrage entre les bourses d’études et le VIE serait opportun » détaille Hervé de Malliard.
Enfin, dernière proposition importante dans la perspective de la future grande Région : le développement des infrastructures clés que sont l’aéroport et la liaison Lyon-Turin, « essentielles au développement de nos échanges et à l’attractivité de notre région ».
Rendez-vous début 2016 pour savoir lesquelles de ces idées auront été entendues et… retenues par le futur exécutif régional.
Christine Gilguy
*Erai/Rhône-Alpes : après la liquidation, reste à assurer la continuité de service
Pour en savoir plus :
Contacts du comité Rhône-Alpes des CCEF : Tél. 04 26 73 46 16, site Internet : www.cce-rhonealpes.org/