Si les mesures du volet export du plan de relance sont bien accueillies par les entreprises, la prolongation des incertitudes sanitaires rebat les cartes du calendrier. La situation pourrait conduire le groupe de réflexion Solex, qui a inspiré en 2020 la plupart de ces mesures, à reprendre du service. Alain Bentéjac, tout comme Christophe Lecourtier, y sont favorables : ils l’ont dit au Moci lors d’un entretien croisé exclusif, en visioconférence, le 15 février.
Solex signifie Solutions pour l’export. Acronyme qui reprend une célèbre marque de vélomoteur aujourd’hui « vintage », c’est le nom que s’étaient choisis les membres d’un groupe de réflexion informel constitué au printemps 2020 autour d’Alain Bentéjac, le président du comité national des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), pour réfléchir aux mesures à mettre en œuvre en toute urgence pour soutenir les entreprises exportatrices sidérées par le premier confinement et préparer celles les plus opportunes pour l’après-crise.
Ses propositions ont été « beaucoup reprises dans le plan de relance »
Composé de représentants des acteurs publics et privés de l’écosystème français de soutien au commerce extérieur (CCEF, Business France, Bpifrance, Chambres de commerce, OSCI, Medef, etc…), ce groupe s’était réuni chaque semaine en avril et mai, en visioconférence et hors champ institutionnel, jusqu’à l’élaboration de recommandations remises en mai 2020 au gouvernement et qui l’ont inspiré pour son plan d’action sur l’export.
« La réflexion de fond sur les mesures à prendre pour inciter les entreprises à ne pas abandonner l’export face à la crise a été menée au printemps par le groupe de réflexion Solex et a abouti à une série de propositions que nous avons remises aux autorités en mai, confirme Alain Bentéjac. Elles ont été beaucoup reprises dans le plan de relance annoncé par le ministre du Commerce extérieur Franck Riester en septembre et nous en sommes très satisfaits ».
Des mesures simples à appliquer, et ciblées pour que les entreprises s’en servent à bon escient : telles sont les recettes de base des chèques Relance export et V.I.E ou de l’assurance prospection accompagnement. Solex est devenu au passage le symbole de la nouvelle ambiance de coopération qui règne au sein de cet écosystème longtemps traversé par des querelles intestines, née du souhait de se rassembler face à une crise inédite tout autant par sa forme que par son ampleur.
Mission accomplie : le plan de relance, avec son volet export, a été lancé en septembre 2020. L’accueil fait à ces mesures est largement positif. Leur déploiement bat son plein.
Alors pourquoi réactiver Solex ?
Incertitude sur le calendrier de sortie de crise
« Il serait opportun de faire un point, dans le cadre du groupe Solex, sur la mise en application des mesures, d’autant que nous les avions imaginées dans l’optique d’une crise sanitaire courte, avec la fin des mesures de restriction sanitaire et un rebond fin 2020, dévoile Alain Bentéjac. Cela ne s’est pas passé comme ça. Les restrictions sanitaires perdurent en raison de l’arrivée des variants du coronavirus, le rebond n’est pas aussi rapide que l’on espérait, et la question se pose de savoir si les dispositifs du plan de relance sont adaptés à cette nouvelle situation. »
Christophe Lecourtier abonde dans son sens : « Il est clair que le calendrier n’est pas exactement celui que l’on avait anticipé et nous y verrons plus clair au printemps ». « Le mot clé actuellement, c’est l’incertitude », complète le président des CCEF.
De fait, les espoirs nés de la poursuite du rebond des exportations au quatrième trimestre de l’année 2020, avec une progression de 5 % alors que l’économie française était en recul de -1,4 %, ont été douchés. La forte reprise des exportations constatée au troisième trimestre (+ 22 %, après un effondrement de 30 % au deuxième trimestre) est un lointain souvenir aujourd’hui.
Seul motif d’espoir : les mesures de relance à l’exportation sont tombées à point nommées pour stimuler les efforts des PME et PMI en quête de relais de croissance face à un marché domestique atone : chez Business France, la machine tourne à 100 %.
Réfléchir à la météo du commerce extérieur
Solex pourrait donc être réactivé pour relancer la réflexion face à l’incertitude ambiante. « On pourrait envisager une réunion au printemps, lorsqu’on y verra plus clair dans le calendrier de cette crise » estime Alain Bentéjac. Le directeur-général de Business France en imagine les axes principaux : « Solex a été au cœur des axes de coopération entre les différents acteurs de l’accompagnement export. Une nouvelle étape de réflexion permettrait de réfléchir à nouveau tous ensemble aux enjeux et à la météo du commerce extérieur ».
Le monde de la Covid-19, du point de vue du commerce international, est devenu bien plus illisible qu’avant. « Pendant 20 ans, on a été habitués à une mondialisation un peu uniforme, analyse Christophe Lecourtier. La crise sanitaire a rompu cette uniformité : on assiste à d’énormes segmentations géographiques entre les zones et les pays qui repartent, clairement en Asie, et ceux qui sont encore au ralenti, comme en Europe. Cette asymétrie touche aussi les secteurs, entre ceux qui sont arrêtés comme le tourisme et les voyages, et ceux qui sont repartis ».
« La lecture de ce monde est très complexe pour les entreprises, même les plus grandes, conclut le directeur général de Business France. Mais attention, cela ne doit pas être une raison pour ne pas bouger. D’autant que nous faisons un effort sans précédent pour offrir une information personnalisée et opérationnelle aux entreprises ».
La Version 2 de Solex est sur les rails depuis ce 15 février, la date n’est pas arrêtée, mais ça ne saurait trop tarder.
Christine Gilguy