Le discours de Laurent Wauquiez, le patron de l’exécutif d’Auvergne Rhône-Alpes, était très attendu aux quatrième Forum des PME à l’international. D’autant plus que ce dernier était organisé à l’initiative du secrétaire d’État au Commerce extérieur Matthias Fekl et, en sa présence, dans les locaux de la préfecture de région à Lyon, le 31 mars, en clôture de la Quinzaine de l’international. Les représentants de l’écosystème régional du commerce extérieur attendaient notamment des clarifications concernant les orientations que suivrait le nouveau président de la Région, après le traumatisme de la faillite d’Erai (Entreprises Rhône-Alpes International), l’ancienne agence publique régionale chargée de l’accompagnement des entreprises à l’export, intervenue l’an dernier*.
Laurent Wauquiez, également député (Les Républicains) de la Haute Loire, n’a pas manqué l’occasion de critiquer vertement la politique et la gestion de son prédécesseur socialiste, Jean-Jack Queyranne : « On vient d’un champ de ruines, a-t-il notamment lancé. La stratégie internationale de la région Rhône-Alpes ça s’appelait Erai. Erai, ça s’est traduit par des abus dans tous les sens, une structure qui a accumulé en 3 ans 12 millions de déficit pour un budget de 3 millions, qui s’est lancée dans des organisations dispendieuses, dont un pavillon à Shanghai aujourd’hui complètement désert qui a couté une fortune au contribuable d’Auvergne et de Rhône-Alpes. En plus et surtout, une stratégie qui ne faisait pas de priorités ».
« L’objectif est de tout refonder, de repartir sur une stratégie très simple et très lisible »
Le président d’Auvergne Rhône-Alpes veut d’évidence incarner une rupture avec le précédent exécutif, s’adressant directement aux PME dont il veut faire sa priorité. « L’objectif est de tout refonder, de repartir sur une stratégie très simple et très lisible » dont les PME – « les seules qui créent des emplois »- seront les principales bénéficiaires, a-t-il notamment affirmé.
En premier lieu, Laurent Wauquiez a assuré faire de l’export une priorité de sa stratégie économique, en veillant à y associer nommément les deux vice-présidents qui auront la charge de la mettre en œuvre, présents dans l’assistance. «Dans un pays qui a beaucoup de mal avec sa consommation interne, les moteurs sont l’innovation et l’export (…). La stratégie export -et je me permets d’y associer Martial Saddier, vice-président à l’économie et Philippe Meunier, vice-président à l’international- est devenue décisive.»
Précisément, Martial Saddier est vice-président du Conseil régional délégué aux Entreprises, à l’emploi et au développement économique et Philippe Meunier délégué à la Sécurité, aux partenariats internationaux, à la chasse et à la pêche. Il s’agit d’une clarification**, même si certains observateurs dans la région s’interrogent sur l’avenir de ce binôme dans la gouvernance de l’export au sein du conseil régional, la politique d’internationalisation des entreprises étant généralement confiée à un seul élu : « il y a encore un peu de poussière … » nous confiait un bon connaisseur de l’écosystème régional.
« Ne pas recréer des usines à gaz » et constituer « un seul guichet » pour tous les services
Concernant les grandes orientations, la volonté de rupture transparaît à chaque priorité énoncée.
Première priorité, « choisir des zones géographiques sur lesquelles ont met le focus, sur lesquelles on met l’accent », avec pour objectif d’avoir « quelques pays à fort potentiel économique ». « On ne peut être partout », a encore estimé Laurent Wauquiez, critiquant certains choix d’Erai comme la création d’un bureau au Burkina Faso, « un pays très important » mais qu’il n’aurait peut être pas choisi, a-t-il dit, pour s’implanter dans cette zone..
Deuxième priorité, « ne pas recréer des usines à gaz », mais « travailler avec les réseaux existants et vous payer l’accès à ces réseaux ». Les représentants des partenaires du forum, dont les CCEF (Conseillers du commerce extérieur) – cités par Laurent Wauqiez car son père en faisait partie – mais aussi des réseaux consulaires –très présents à ce forum et cités nommément par l’élu-, on dû boire du petit lait…
Troisième priorité : recadrer la politique de voyage des élus à l’étranger pour privilégier des « déplacements construits », intégrant des entreprises. « Trop souvent, les élus confondent l’export et une agence de voyages à l’international », a asséné Laurent Wauquiez, précisant que le budget de voyage des élus avait atteint la coquette somme de 700 000 euros l’an dernier.
Quatrième priorité : « il faut qu’on chasse en meute », et notamment, que les grandes entreprises aident d’avantage les plus petites. « Dans les aides qu’on apportera aux entreprises, aux grands groupes, il y aura une condition qui sera de travailler avec des ETI et des PME régionales ». « Il faut qu’on ait une fierté Auvergne Rhône-Alpes », a-t-il martelé, citant en exemple la « vallée du décolletage » ou le groupe Seb.
Cinquième priorité : « un seul guichet pour l’export, mais pas seulement, pour l’innovation, la formation » aussi, « un seul guichet regroupant tous les services que l’on pourra offrir, une porte d’entrée » qui sera à Lyon et dans tous les territoires de la grande région. Les CCI seront un partenaire privilégié de cette action : « ce guichet, je souhaite qu’on le fasse avec les CCI… avec les réseaux qui existent, et qu’on mette tout ça ensemble, une seule bannière, un seul pavillon, un seul point d’accès…».
A quand le SRDII ?
Il n’aura pas échappé aux observateurs avertis que Laurent Wauquiez semble avoir pris soin de ne pas évoquer une seule fois ni le Plan régional d’internationalisation des entreprises (PRIE) élaboré sous l’ancienne majorité, ni le futur Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SDEII) dont les nouvelles Régions devront se doter selon la loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République).
Matthias Fekl, dans son intervention en clôture du forum, alors que le président de la région avait quitté les lieux depuis longtemps, a pour sa part répondu à quelques unes des critiques sans polémiquer. Il a surtout émis le souhait qu’un certain nombre d’orientations de sa feuille de route en faveur de la simplification des dispositifs publics et des PME soient perpétuées (lire à la Une de la Lettre confidentielle cette semaine)***.
Une chose est sûre : le patron de l’exécutif régional ne devra pas trop attendre. Certains des acteurs de l’équipe régionale de l’export n’attendent plus que son signal pour se mettre au travail : le préfet Michel Delpuech a indiqué que « les services de l’État, si la Région le souhaite, seront mobilisés pour contribuer à l’élaboration du SRDII». De son côté Jean Vaylet, président de la CCI de Grenoble et vice-président de la CCI Rhône-Alpes, qui remplaçait son président Jean-Paul Mauduy, a assuré que « nous sommes à votre disposition pour construire cette stratégie». Avant de leur répondre plus concrètement, le président de la Région a donc voulu poser les grands principes de sa propre stratégie.
Christine Gilguy
*La Lettre confidentielle a publié de nombreux articles sur le dossier Erai tout au long d’un feuilleton qui a duré moins de six mois, de fin janvier à début juillet 2015. Lire entre autre : Erai/Rhône-Alpes : après la liquidation, reste à assurer la continuité de service
**Régions : les « Monsieur » et « Madame » Export des nouvelles assemblées ?