Malgré les tensions qui les éloignent, ils ont décidé d’être unis sur certains dossiers qui les fâchent, en particulier par rapport à la Chine, pour faire avancer la réforme de l’OMC. Dans une déclaration commune adoptée le 14 janvier, le jour même où se signait la trêve commerciale sino-américaine, les États-Unis, le Japon et l’Union européenne (UE) demandent ainsi à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) de limiter davantage les subventions dont bénéficient certaines entreprises.
Visant explicitement la Chine, sans jamais la nommer, les représentants des trois blocs ont également condamné les transferts de technologies forcés, une pratique depuis longtemps dénoncée par les entreprises étrangères opérant dans le pays.
« La liste actuelle interdisant les subventions (…) est insuffisante pour s’attaquer aux subventions qui entraînent des distorsions commerciales dans certaines juridictions », souligne le communiqué conjoint des trois pays, qui travaillent depuis plusieurs mois dans la discrétion sur la réforme de l’OMC. C’était aussi un des temps forts de l’agenda de Phil Hogan pour sa première visite à Washington en tant que commissaire au Commerce.
Difficile de dire à ce stade quelle est la portée exacte de cette initiative trilatérale en particulier à Washington, où l’administration Trump impose depuis deux ans au reste du monde une politique commerciale unilatérale agressive, dont la trêve signée le 14 janvier avec la Chine, mettant fin à plusieurs mois d’escalade tarifaire, est la plus vivante illustration. De fait, ni la question des subventions ni celle des transfert de technologies forcés ne sont traité dans l’accord dit ‘de phase 1’ signé par Washington et Pékin.
Mais pour Bruxelles comme pour Tokyo, c’est l’une des options possibles pour sauver le multilatéralisme dans le commerce international et son principal organe de gouvernance, l’OMC.
De nouvelles subventions à interdire
Finalisée à l’issue d’une rencontre à Washington entre Robert Lighthizer, le représentant américain au Commerce, Hiroshi Kajiyama et Phil Hogan – ses homologues japonais et européen –, la déclaration propose d’ajouter quatre types de subventions interdites aux deux déjà inscrites dans l’accord de l’OMC relatif aux subventions et mesures compensatoires.
Parmi celles-ci figure notamment les aides accordées aux entreprises insolvables n’ayant pas présenté de plan de restructuration crédible. Même chose pour les subventions accordées aux firmes « incapables d’obtenir un financement à long terme ou un investissement émanant de sources commerciales indépendantes opérant dans les secteurs ou industries en surcapacité », soulignent-ils.
Autre grief soulevé par les trois responsables : les transferts de technologie forcés, un vieux contentieux entre la Chine et ses principaux partenaires. Car lorsqu’un pays impose cette pratique « il prive les autres de l’opportunité de tirer un avantage des flux (…) d’innovation et de technologie », déplorent les trois signataires.
Une étape importante dans l’apaisement des relations transatlantiques
« Cette déclaration conjointe est une étape importante vers la résolution de certains problèmes fondamentaux qui faussent le commerce mondial », s’est félicité Phil Hogan à l’issue de la rencontre. Cet accord, qu’il décrit comme « le symbole d’une collaboration stratégique constructive entre trois acteurs majeurs du commerce mondial », devrait aussi contribuer à un apaisement des relations transatlantiques qu’il appelle de ses vœux.
Car c’est bien là tout l’enjeu de sa première visite officielle à Washington en tant que commissaire au Commerce : « remettre les compteurs à zéro » avec les États-Unis, et encourager « le dialogue, la coopération, plutôt que de s’enfermer dans une logique de confrontation », avait-il indiqué, au site politico.eu quelques jours avant son départ.
Souvent décrit comme un négociateur intraitable – une réputation qu’il s’est taillé alors qu’il était en charge de l’Agriculture dans la précédente Commission – ce conservateur irlandais « peut aussi se révéler très fin diplomate », nuance un de ses anciens collaborateurs. Sa stratégie ? « Aborder les sujets sur lesquels Américains et Européens partagent une vision commune, avant de discuter des dossiers qui fâchent », confiait au Moci ce même responsable à Bruxelles.
L’adoption d’une déclaration commune avec le Japon et les États-Unis, le premier jour de sa visite à Washington, tend à démontrer que la tactique fonctionne. « Il faut envisager la réforme de l’OMC d’une façon globale », a insisté le commissaire au Commerce.
C’est la seule façon, pour ce tacticien, d’obtenir des avancées sur un autre dossier connexe : le blocage par les États-Unis du système de règlement des différends (ORD), organe central de l’OMC, paralysé depuis le 10 décembre par les États-Unis qui refusent de renouveler le mandat des juges siégeant en son sein.
L’UE a certes proposé d’instituer une procédure d’appel provisoire mais « nous continuons à plaider pour une solution permanente en concertation avec les États-Unis », rappelle un porte-parole à la Commission.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
avec Le Moci à Paris