Le contexte électoral est propice aux revendications et prises de positions émanant des opérateurs économiques. L’industrie navale n’échappe pas à la règle. Aux lendemains du premier tour de l’élection présidentielle, le Groupement des industries de construction et activités navales (Gican) a publié, le 27 avril, un communiqué de presse, visant à alerter les deux candidats en lice pour le second tour sur la nécessité de préserver « l’excellence et la créativité de l’industrie navale de défense française ». Une démarche, qui, dans les faits, avait été commencée auparavant, puisque le Gican avait déjà rencontré les équipes de campagne des cinq principaux candidats : Emmanuel Macron, Marine Le Pen, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon.
Un grand ministre : Jean-Louis Le Drian
Alors que la presse s’est largement fait l’écho de l’affaire remportée en Australie par DCNS – un méga contrat de 34 milliards d’euros pour douze sous-marins – qualifiée de contrat du siècle, le Gican entend préparer le futur d’une filière très dépendante de la commande publique, surtout pour ce qui concerne la défense, qui emploie 20 000 personnes, réalise chaque 4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 30 % à l’export en moyenne.
Dans le contrat australien de la DCNS comme dans d’autres, Jean-Louis Le Drian a mouillé sa chemise. Et au Gican où on n’hésite pas à affirmer qu’on a eu « le meilleur ministre de la Défense depuis longtemps », on cherche à prévenir le prochain hôte de l’Élysée sur le rôle essentiel d’un ministre – et de l’État en général – qui accompagne les industriels dans le succès d’affaires qui répondent, certes, à des considérations financières et technologiques, mais aussi politiques. En outre, « l’actuelle loi de programmation militaire (LPM) s’est maintenue à un bon niveau et nous souhaitons évidemment que cette tendance soit maintenue pour la prochaine LPM qui sera présentée par le prochain gouvernement et votée par le prochain Parlement », a livré à la Lettre confidentielle du Moci Hervé Croce, responsable des Relations institutionnelles et du comité Défense du Gican.
Contraction des budgets militaires en Europe, croissance en Asie et aux États-Unis
Plus encore, le Gican milite pour un renforcement des liens avec la Marine nationale et le ministère de la Défense pour parvenir « à un véritable partenariat public-privé et à une Equipe de France à l’export, capable d’établir des relations de confiance avec les partenaires étrangers, en écoutant leurs besoins et en leur proposant une offre globale France, doublée d’un partenariat stratégique », précise Charles Bouquet des Chaux, responsable de son club des Exportateurs et de son comité des Équipementiers.
Une demande d’autant plus forte que les Etats-Unis, d’après les annonces du président Trump, vont continuer à s’armer, que les pays asiatiques font de même depuis des années, la Chine évidemment, mais aussi ses voisins inquiets de ses ambitions régionales. En comparaison, les budgets européens se contracteraient, même si certains pays, inquiets des menées de la Russie, entendent s’équiper, à l’image des pays de l’Est et de la Suède. L’Allemagne a aussi indiqué son désir d’investir dans la filière, et le Royaume-Uni d’y accroître ses dépenses.
Aider à intégrer la supply chain des champions français et étrangers
Cette diminution des budgets européens, face aux menaces externes, rend d’autant plus indispensable la commande publique, laquelle « est essentielle, car elle sert de référence à l’export et permet d’avoir des produits innovants ». La mission du Gican, souligne encore Hervé Croce, est « d’accompagner, de soutenir le développement des entreprises adhérentes à l’export, en particulier les PME et ETI, afin de mieux répondre aux exigences du marché international, et de leur permettre d’intégrer la supply chain d’un compétiteur français ou celle d’un autre maitre d’œuvre local ou étranger ».
De fait, si la DCNS ou d’autres groupes n’ont pas réellement besoin de recourir aux services du Gican, ce n’est pas forcément le cas des PME et même des ETI, surtout lorsqu’un marché n’est pas remporté par un champion français. « D’où l’importance pour nos équipementiers d’avoir leur matériel labellisé et référencé », affirme à la LC Charles Bouquet des Chaux. Soit leurs matériels ont été testés en opérations par la Marine nationale, explique-t-il, soit s’ils ne figurent pas parmi les équipements des forces armées françaises, il est nécessaire qu’ils puissent disposer du label « testés par la Marine, ou la Direction générale de l’armement (DGA) » de façon à rassurer les Marines clientes étrangères ». Aujourd’hui, rien ne doit être laissé au hasard. La concurrence est mondiale. Or, sur les 170 adhérents du Gican, 80 % sont des ETI, des PME et même des TPE.
Défense : les candidats d’accord pour des dépenses à hauteur 2 % du PIB
Pour conserver à l’industrie navale française son excellence, le Gican demande que le budget de la Défense soit sanctuarisé à hauteur de 2 % du produit intérieur brut (PIB), hors pensions, un niveau qui serait accepté par les deux candidats encore en lice pour les présidentielles. Au sein de la DGA, c’est le service de la direction du Développement international qui confie au Gican l’organisation de Pavillons France sur quatre à cinq salons de la Défense tous les ans et des rencontres B to B (en 2016, au Brésil, au Canada et en France avec des sociétés norvégiennes et australiennes).
Lors des escales de ses navires, la Marine nationale a aussi l’occasion de présenter le matériel qu’elle a déjà utilisé en opération. Des évènements organisés également par le Groupement (en 2016, en Asie du Sud-est avec un BPC – bâtiment de projection et commandement – et en Norvège et au Canada avec une frégate Fremm – frégate multi-mission) et concourent également à maintenir un fort courant d’emplois sur le territoire national. Ainsi, sur les 20 000 emplois directs dans la défense, 90 % sont localisés dans l’Hexagone.
François Pargny
Pour prolonger :
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-Guide 2017 des aides à l’export pour les PME & ETI