Cet article a fait l’objet d’une Alerte diffusée le 24 octobre auprès des abonnés à la Lettre confidentielle.
Le 20 octobre à Bercy, le ministre de l’Économie et des finances Bruno Le Maire et son secrétaire d’État Benjamin Griveaux, ont donné le coup d’envoi, avec Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du Numérique, et Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, des consultations sur le « Pacte », acronyme du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises que veut mettre en place Bercy et dont l’internationalisation des PME et ETI est une des priorités. Ces consultations s’effectueront auprès des Régions, des groupes parlementaires, du Cese (Conseil économique, social et environnemental), des partenaires sociaux et des organisations professionnelles.
Le Pacte est décliné selon six chantiers : création, croissance, transmission et rebond ; partage de la valeur et engagement sociétal des entreprises ; financement ; numérisation et innovation ; simplification ; et conquête de l’international. Le pilotage de ces travaux est à chaque fois confié à un binôme ou un trinôme associant « des chefs d’entreprises issus de la société civile et des parlementaires expérimentés», a déclaré Benjamin Griveaux.
Pour la conquête de l’international, il s’agira de Richard Yung, sénateur LREM des Français de l’étranger, président du Comité national anti contrefaçon, et d’ Eric Kayser, fondateur de la Maison Kayser, propriétaire d’un réseau de boulangeries dans une vingtaine de pays (Sénégal, Russie, Japon, Corée, etc.)*.
B. Le Maire : « les entreprises sont trop petites »
Pour ce Pacte, dont la phase de consultation doit être clôturée le 10 décembre, le ministère de l’Économie et des finances a tenu à associer le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. « Le problème de la France, ce n’est pas qu’elle ne crée pas assez d’entreprises, c’est qu’elles sont trop petites, qu’elles n’ont pas la taille critique pour exporter, pour innover, se digitaliser », a ainsi pointé Bruno Le Maire. Une des raisons, selon Jean-Baptiste Lemoyne, est « l’appréhension de l’international ».
Rappelant que l’objectif de la France est 200 000 entreprises exportatrices, alors que leur nombre depuis dix ans oscille entre 110 000 et 130 000 par an, le secrétaire d’État en charge notamment du Commerce extérieur, qui voyage « 15 jours sur 30 dans le monde », s’est positionné comme le défenseur de « la marque France ».
Ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a demandé, d’une part, aux exécutifs régionaux de lui remettre en novembre des propositions pour un « guichet unique » à l’export sur leurs territoires et, d’autre part, à Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, de lui soumettre avant la fin de l’année un plan d’accompagnement national des entreprises à l’international afin d’en terminer avec le millefeuille des opérateurs composant l’écosystème du commerce extérieur tricolore. A Bercy, Jean-Baptiste Lemoyne a brandi la liste de ces acteurs publiée par Bpifrance. « Il y en a 13 qui sont indiqués et, sous cette liste, il est marqué qu’elle n’est pas exhaustive. Il faut en terminer avec cela », a-t-il martelé.
Une loi à « l’horizon avril »
Après la restitution par les binômes et le trinôme de leurs travaux, donc avant la fin de l’année, une deuxième phase de consultation, cette fois-ci publique et en ligne, sera lancée le 15 janvier 2018. Et en février, le Pacte et le projet de loi seront rédigés, de façon à ce qu’au printemps, les discussions au Parlement soient entamées.
Bruno Le Maire a évoqué « l’horizon avril ». Toutefois, toutes les dispositions qui seront décidées d’ici là n’auront pas vocation à entrer dans la loi. C’est le cas, notamment, de l’international, avec les différentes initiatives du Quai d’Orsay, dont, expliquait-on en interne à Bercy avant le lancement du 28 octobre, que ce serait « plutôt du non législatif ».
Au sein de Business France, on assure que les travaux confiés à Christophe Lecourtier avancent normalement, tout en reconnaissant une difficulté née du retrait des Régions de la dernière Conférence nationale des territoires, après l’annonce, à Orléans le 27 septembre, par le Premier ministre Édouard Philippe de la suppression d’une enveloppe de 450 millions d’euros promise aux régions. Minimisant les crispations entre le gouvernement et les Conseils régionaux, on estime encore chez Business France que certaines Régions devaient présenter leurs propositions à temps et qu’elles pourraient ainsi servir de « pilotes » pour créer des « plateformes » pour l’avenir.
Compétitivité coût : un rattrapage encore insuffisant
Pour le ministre de l’Économie et des finances, « le déficit commercial de la France n’est pas inéluctable », et « si on ne changera pas en un an ou en deux ans le fait que la balance commerciale reste structurellement déficitaire », la France a « rattrapé entre 2008 et 2016 de son retard en matière de compétitivité coût », grâce, notamment, au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice).
Ce n’est, toutefois, pas suffisant, selon Bruno Lemaire, en raison du retard pris précédemment entre 2000-2008, en particulier vis-à-vis de l’Allemagne. Ce qui a été bénéfique aussi, c’est que ce grand voisin a adopté le Smic et procédé à un rattrapage salarial. Cependant, « le salaire minimum n’y concerne pas tous les secteurs, le rattrapage salarial ne se fait presque plus et, sur les hauts salaires, un grand écart de compétitivité demeure », rappelait le ministre. En 2016, la part de marché de la France dans la zone euro s’est, d’ailleurs, rétrécie, tombant à 13,4 %, au lieu de 13,6 % un an plus tôt et 17 % en 2000.
La question du décrochage du commerce extérieur français, « ce n’est pas seulement avec l’Allemagne », a tenu à préciser Jean-Baptiste Lemoyne, qui a mis en valeur le rétablissement de la balance commerciale en Italie, passé de – 10 milliards d’euros en 2010 à plus de 50 milliards l’an dernier. D’où la volonté du gouvernement de transformer l’entreprise française en profondeur. « La numérisation, c’est aussi l’international, a ainsi insisté Mounir Mahjoubi. C’est l’e-export qui est une façon de démarrer avec moins de moyens et des capacités supérieures pour conquérir l’international ».
Financement, innovation : la dimension européenne urgente
Après « la transformation de la fiscalité française, visant à mieux rémunérer le capital et donc à mieux financer l’économie », « la transformation de l’entreprise est la deuxième étape » d’une politique économique qui doit en comporter une troisième, a indiqué Bruno Le Maire. Un chantier « beaucoup plus long », a-t-il reconnu, qui serait « la transformation de la zone euro », avec « l’union du marché des capitaux et des banques », qui « permettra de décupler nos capacités de financement », en cherchant des fonds en Allemagne ou dans d’autres pays.
De même, en matière d’innovation, le ministre citait le fonds pour l’innovation de rupture de 10 milliards d’euros que le gouvernement a annoncé pour début 2018. Selon lui, « cette innovation de rupture doit être réalisée au niveau européen », car, assurait-il, « aujourd’hui l’unité de compte c’est le milliard d’euros ». De quoi inciter à une intégration plus poussée.
François Pargny
*Les cinq autres binômes et trinôme chargés de mener les consultations sont :
-Pour « création, croissance, transmission et rebond », sont associés la députée La République en marche (LREM) de Paris Olivia Grégoire, ancien chef d’entreprise, et Clémentine Gallet, P-dg de Coriolis Composite (80 % à l’export).
-Pour « partage de la valeur et engagement sociétal des entreprises », Stanislas Guérini, député LREM de Paris, ancien créateur d’entreprise dans les énergies renouvelables, et Agnès Touraine, présidente de l’Institut français des administrateurs et ancienne dirigeante d’entreprises pendant 20 ans, notamment dans les jeux vidéo.
-Pour « financement », Jean-Noël Barrot, député Modem des Yvelines, ancien chercheur en économie à HEC puis au MIT aux Etats-Unis, et Alice Zagury, présidente de The Family qui a accompagné 50 jeunes pousses pour une levée de fonds de 300 millions d’euros.
-Pour « numérisation et innovation », un trinôme, constitué de Célia de Lavergne, députée LREM de la Drôme, ingénieur spécialiste de l’urbanisme et l’aménagement du territoire, Lionel Baud, P-dg de Baud Industries, parmi les leaders mondiaux du décolletage et de l’usinage de précision, et Philippe Arraou, président d’honneur de l’Ordre des experts comptables.
-Pour « simplification », à nouveau un binôme, avec Sophie Errante, députée LREM de Loire-Atlantique, vice-présidente de la commission des Affaires économiques et ancien chef d’entreprise, et Sylvain Orebi, P-dg d’Orientis (marques Kusmi Tea et Lov Organic).
Pour prolonger :
–Mondial CCE : l’Équipe de France de l’export en attente des instructions du « coach »
–Commerce extérieur / Aide : l’OSCI rêve d’un « fair broker » public des meilleures compétences
–Commerce extérieur / Aides : J.Y Le Drian précise sa vision des réformes aux milieux d’affaires
–Commerce extérieur / Aides : J-Y. Le Drian et Ph. Richert mettent les “guichets uniques” de l’export sur les rails
Et aussi :
Notre dernier dossier : Spécial Régions 2017 : 13 stratégies régionales à l’international
Et le dernier : Guide 2017 des aides à l’export pour les PME & ETI