Les exportateurs français bien positionnés sur des projets contribuant à la lutte contre le changement climatique peuvent se réjouir. Après avoir exclu en 2020 des garanties publiques à l’exportation les projets de production charbonnière et la fracturation hydraulique, le gouvernement veut mettre en place un calendrier de retrait complet des filières pétrole et gaz et lancer dès 2021 des « bonus climat » pour l’octroi de certaines aides financières , avec une priorité aux PME et ETI.
Ce projet, baptisé « Plan climat pour les financements export », a été présenté le 9 octobre à l’Assemblée nationale par le ministre de l’Économie et des finances Bruno Le Maire, lors d’une conférence de presse en présence de députés, en même temps qu’était transmis à ces derniers le rapport du même nom, promis l’an dernier par le gouvernement au Parlement (voir le document attaché à cet article). Il fait de la France le premier pays à se doter d’un tel arsenal « climat » pour ses financements export publics.
Décarboner le portefeuille et donner un coup de pouce aux industriels des filières « vertes »
Fruit d’une concertation entre l’État, les parlementaires et les industriels concernés, portées également par les deux ministres de la Transition écologique et du Commerce extérieur, Barbara Pompili et Franck Riester, certaines de ses mesures doivent en effet être intégrées via des amendements à la Loi de Finance pour 2021 en cours de discussion au Parlement, dont le calendrier de retrait et le dispositif de « bonus ».
Il vise à « décarboner » davantage un portefeuille d’encours de financements export d’environ 70 milliards d’euros, dont 4 % dans le secteur du pétrole et du gaz, 27 % dans la construction navale et 18 % dans l’aéronautique. L’objectif est aussi de donner un coup de pouce aux projets des industriels opérant dans les secteurs d’avenir comme les énergies renouvelables ou le traitement des déchets.
Concrètement, le « Plan climat pour les financements export » comprend trois axes : 1/ Un calendrier de sortie des financements export publics du secteur de l’exploration/production d’hydrocarbures et de la pétrochimie ; 2/ De nouvelle contraintes pour les projets de production d’électricité basés sur le gaz ; 3/ Une série de « bonus climat » introduite dans l’octroi des garanties export publique.
1/ Un calendrier de sortie totale d’ici 2035
Le calendrier de sortie progressive des garanties export des projets liés aux hydrocarbures s’échelonne de 2021 à 3035 avec les grandes étapes suivantes :
–1er janvier 2021 : fin du soutien aux projets de pétroles extra-lourds, schistes et sables bitumineux.
–1er janvier 2025 : fin du soutien aux projets d’exploitation de nouveaux gisements pétroliers (qui concerne aussi les fournisseurs de biens et services à ces projets) ;
– D’ici 2035 : fin du soutien aux projets d’exploitation de nouveaux gisements gaziers (qui concerne aussi les fournisseurs de biens et services à ces projets). Bercy propose toutefois de s’engager à laisser 4 ans aux industriels pour s’adapter, entre le moment où la décision sera prise par la France et le moment de la mise en œuvre effective de cette mesure.
Ce calendrier doit être validé par le Parlement et intégré à la Loi de finance pour 2021.
2/ La production d’électricité n’aggravera pas le mix énergétique
Concernant les projets de production d’électricité, ce sont les centrales électrothermique au gaz qui sont expressément visées.
Le gouvernement propose que dès le 1er janvier 2021, soit mis fin au soutien public du financement de centrales électriques au gaz s’il est démontré qu’elles aggravent le mix énergétique des pays concernés. En revanche, les projets pourront bénéficier de ces soutiens si le projet améliore au contraire le mix énergétique du pays concerné.
Le document du Plan fournit quelques détails sur la méthodologie qui sera utilisée.
3/ Des « bonus climats »
Ces « bonus climat » se matérialisent par des incitations et des accompagnements financiers fournis par Bpifrance Assurance export ou le Trésor, qui seront spécifiquement réservés aux projets « verts », notamment ceux portés par les PME et ETI, et pourront intervenir en amont des projets, dans les phases de prospection et d’étude.
L’examen des projets, pour déterminer ceux qui sont « verts » et ceux qui ne le sont pas, s’appuiera sur les critères de la taxonomie mise au point par l’Union européenne. Le document du « Plan climat » détaille les caractéristiques de cette méthodologie (p.32).
Dans le détail, plusieurs mesures « bonus » sont proposées :
–Assurance prospection
Il est proposé d’élargir l’assiette des dépenses éligibles à l’assurance prospection afin de mieux financer le développement d’un projet ; en outre, dans la Loi de Finance pour 2021, le montant de l’enveloppe disponible sera augmenté de 10 % et réservé aux entreprises développant des projets « verts ».
-Fasep
L’enveloppe du Fonds d’aide et d’étude au secteur privé (Fasep), de 25 millions d’euros actuellement, doit être porté à 50 millions d’euros dans le cadre du plan de relance. Ce fonds géré par la DG Trésor permet de financer via des dons les études de faisabilité et démonstrateurs pour des projets à l’export pour des montants allant de 100 000 à 800 000 euros.
Le « plan climat » propose de l’utiliser plus systématiquement pour aider les entreprises à « préparer les documents d’appel d’offre de projets en insistant sur des exigences environnementales strictes, qui pourraient permettre de valoriser l’offre française ».
-Accroître et bonifier les financements export pour les « projets verts »
Le « Plan climat » propose en premier lieu d’élargir l’assiette de financement en abandonnant, pour ces projets, la règle nationale de détermination de la part française. Celle-ci, qui fait appel à des calculs complexes, est en effet plus contraignante que celle recommandée par l’OCDE : il s’agirait d’aligner la méthode de calcul sur celle de l’OCDE en appliquant systématiquement le plafond maximum autorisé par l’Arrangement OCDE. De cette manière, certains projets sollicitant un crédit acheteur pourrait ainsi voir la part de financement garantie par la France quasiment doubler.
Concernant les prêts du Trésor, le plan propose d’augmenter l’enveloppe dédiée aux projets « verts » et de recourir plus systématiquement à des prêts mixés (crédit-acheteurs de Bpifrance/prêts directs du Trésor), avec une plus forte part de prêts directs du Trésor pour ces projets. Dans le détail, le « Plan climat » propose d’augmenter l’enveloppe de prêts concessionnels de 100 millions d’euros (pour la porter de 200 à 300 millions) pour ces projets et de réduire les exigences de part française dans les projets « verts » de 50 à 35 % pour les prêts directs et à 60 % pour les prêts concessionnels.
Les mesures de ce « Plan climat pour les financements export » devraient être soumis au vote du Parlement dans les prochaines semaines, via des amendements au projet de Loi de finance pour 2021. Il s’accompagnera d’un regain d’efforts diplomatiques de la France pour convaincre d’autres pays d’accélérer dans ce domaine, notamment via une réforme de l’Arrangement de l’OCDE sur les soutiens publics aux exportations mise en stand-by à la suite de la crise sanitaire. A suivre…
Christine Gilguy