Lancé en toute discrétion il y a un an, en octobre 2018, le programme « Francia – Obras por Impuesto (FROXI) » a pour objectif de promouvoir au Pérou une offre française groupée en matière de construction et d’ingénierie répondant aux besoins des projets d’infrastructures locaux. Il s’agit, notamment, de saisir les opportunités du mécanisme péruvien d’incitation fiscale « Obras por Impuestos (OXI) », qui accorde des allègements fiscaux contre des travaux d’infrastructures. Explications.
À l’initiative du Service économique de l’ambassade de France au Pérou et du comité Pérou des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), le programme FROXI est opéré par la Chambre de commerce et d’industrie France Pérou (CCIFP).
Douze entreprises participent à FROXI
À ce jour, douze entreprises déjà présentes pour la majorité sur le marché péruvien sont bénéficiaires du programme. Cinq d’entre elles sont membres du directoire de FROXI à savoir Colvias (nom sous lequel opèrent les activités de travaux d’infrastructures minières de Colas au Pérou); Engie; Société Générale; Suez; Vinci Highways.
Les sept autres sont : Gertrude-Saem; Legrand (via sa marque Bticino); Nexans Indeco; Poma; Sade (filiale de Veolia); Saint-Gobain PAM; Schneider Electric.
Leur point commun est d’être toutes des spécialistes au niveau mondial dans leurs domaines d’expertise tels que l’énergie, la construction-BTP, l’assainissement de l’eau, l’environnement ou encore le financement de projets d’infrastructure pour Société Générale.
« Les trois-quarts de ces entreprises étaient déjà membres de la Chambre », confie au Moci Gaelle Dupuis, responsable commerciale et administrative de la CCIFP et coordinatrice du programme FROXI. Quant à celles qui ne l’étaient pas, elles le sont devenues pour adhérer au programme.
De la mise en relation avec des décideurs de haut niveau
Ce discret programme s’adresse aux entreprises françaises qui sont ou non implantées au Pérou. FROXI permet à ses membres de se créer un réseau de contacts de qualité, voire de nouer des partenariats avec des acteurs péruviens. Cet aspect de « mise en relation » est l’un des points forts du programme.
Concrètement, les sociétés membres participent à dix réunions dans l’année organisées par la CCIFP. Au cours de ces réunions, elles ont l’opportunité de présenter leur savoir-faire à des décideurs de haut niveau au Pérou : gouverneurs régionaux, institutionnels, ministres du gouvernement, acteurs privés (groupes miniers etc.).
Exemples : le géant minier Antamina, la société minière Souther Copper ou encore l’opérateur espagnol de télécommunications présent au Pérou Telefónica, mais aussi le maire de la ville de Piura, troisième agglomération péruvienne, ou le gouverneur régional de Piura.
Au planning 2020, FROXI a prévu une rencontre avec le gouverneur régional de La Libertad –région recouvrant les trois types de géographie du pays : côte, montagne et forêt amazonienne– ainsi que le ministre du Logement, de la construction et de l’assainissement.
Présenter une offre « France » collective
L’objectif pour la CCIFP est de présenter ensemble les entreprises françaises. « Nous sommes plus attractifs et plus forts à plusieurs », estime Gaelle Dupuis. « Les entreprises du programme ont des savoir-faire complémentaires », souligne-t-elle. Le coût d’adhésion au programme varie. « Le coût va dépendre de la participation aux réunions », explique la coordinatrice de FROXI.
L’enjeu est de faciliter la promotion des savoir-faire français et présenter aux interlocuteurs péruviens « un vaste panel de compétences », assure Gaelle Dupuis. Libre ensuite à chaque entreprise de développer la relation initiée dans le cadre du groupe de manière individuelle et confidentielle en dehors du programme.
Les entreprises sont appuyées par l’ambassade de France dont le Service économique est à l’initiative du programme FROXI. « L’ambassadeur de France au Pérou Antoine Grassin est présent à chaque réunion qu’il introduit », relate la coordinatrice de FROXI. « Sa présence ouvre des portes », confie-t-elle. Et, elle permet aux entreprises de se réunir sous la bannière « France » et d’être davantage crédibles aux yeux de leurs interlocuteurs gouverneurs régionaux, ministres…
Bénéficier du mécanisme d’incitation « OXI »
Un an après le lancement de FROXI, le bilan est prometteur selon sa coordinatrice. Certaines sociétés ont profité du rôle de facilitateur du programme pour créer et développer de nouveaux contacts « difficiles à atteindre individuellement », assure-t-elle.
Incitation fiscale contre infrastructures
Parallèlement, les entreprises peuvent identifier des projets d’infrastructures dans le cadre du mécanisme péruvien « Obras por Impuestos » ou « OXI », littéralement en français « ouvrages contre impôts ». Créé en 2008 par l’agence de promotion des investissements privés, Proinversión, ce mécanisme permet aux entreprises privées de développer des projets publics en échange d’une réduction de leurs impôts.
Ce mécanisme a été présenté par Patricia Cuba-Sichler, avocate aux barreaux de Paris et Lima du cabinet français DS Avocats, à l’occasion d’une conférence autour du thème « Le Pérou face aux défis climatiques : perspectives et opportunités » donnée le 14 octobre à Paris par le cercle France-Amériques. « Ce mécanisme vise à combler les carences en infrastructures du Pérou en faisant participer le secteur privé », a expliqué au Moci l’experte. De façon concrète, le mécanisme OXI permet aux entreprises privées redevables de l’impôt sur le revenu au Pérou, de financer et ou d’exécuter, individuellement ou en consortium, des chantiers définis comme prioritaire (construction de routes, autoroutes, ponts, infrastructures d’assainissement de l’eau…) par l’État.
« Les projets d’infrastructures prioritaires sont prédéterminés par le gouvernement central, régional et ou local, et les universités publiques », a précisé Patricia Cuba-Sichler. Concrètement, « l’entreprise effectue un chantier d’utilité publique en échange d’un crédit d’impôt », a résumé l’avocate.
Autrement dit, les entreprises françaises ont la possibilité d’intervenir en tant qu’exécutant d’un chantier ou bien en tant que financeur. En retour, elles bénéficient d’une réduction de leur impôt.
« Ce mécanisme ne fonctionne pas comme le partenariat public-privé (PPP) », explique Patricia Cuba-Sichler. Dans un PPP, la société privée est rémunérée soit par les redevances payées directement par les usagers, soit par des paiements de l’entité publique, conditionnés à l’atteinte de certains niveaux de performance du service.
Dans le cadre du mécanisme OXI, les entreprises privées avancent le paiement de l’ouvrage afin de financer et d’exécuter les projets d’infrastructures. Une fois l’exécution du projet terminé, le Trésor public péruvien va émettre des certificats (Regional and Local Public Investment – Public Treasury Certificate / CIPRL ou National Government Public Investment – Public Treasury Certificate / CIPGN) pouvant être utilisés pour payer l’impôt sur le revenu en fonction du montant investi par la société privée.
Des entreprises françaises intéressées
« À travers le mécanisme OXI, les entreprises françaises vont pouvoir positionner leur offre auprès des acteurs privés et faire connaître leur savoir-faire et expertise sur des projets d’infrastructure en intervenant en tant que maître d’ouvrage sur ces projets », développe Patricia Cuba-Schindler.
Selon les informations de la CCIFP, deux entreprises bénéficiaires du programme FROXI sont actuellement en train d’étudier la possibilité de financer des projets dans le cadre du mécanisme fiscal OXI tandis que d’autres sont en process de référencement auprès de financeurs pour pouvoir exécuter des projets OXI.
Constructions de ponts, routes, autoroutes, hôpitaux, systèmes d’accès à l’eau potable et de traitement des eaux usées des villes… À ce jour, 376 ouvrages bénéficiant à 15 millions de Péruviens ont utilisé ce mécanisme. Sur la période 2009-2019, 228 chantiers ont été achevés et 148 sont en cours d’exécution.
Le mécanisme OXI commence à intéresser d’autres pays de la région qui souhaitent le répliquer localement. La Colombie l’a mis en œuvre tandis qu’il est en cours de mise en œuvre au Paraguay et en Amérique centrale.
Venice Affre
Pour prolonger :
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