La mise en œuvre concrète de la convention de partenariat signée le 11 mars par les dirigeants de Business France, CCI International et CCI France international, respectivement Muriel Pénicaud, Jean-François Gendron et Arnaud Vaissié, pour construire « un parcours unifié » d’accompagnement à l’export pour les PME et ETI françaises ne s’annonce pas de tout repos, notamment à l’étranger. Obtenue à l’arraché par les structures centrales en France, cette convention cadre a d’abord suscité la grogne des dirigeants de certaines Chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international (CCIFI). A Paris, on mise sur la bonne volonté des acteurs impliqués et la capacité des ambassadeurs à favoriser des compromis, au niveau local, incluant les privés et OSCI (Opérateurs spécialisés du commerce international), qui craignent d’être exclus du « deal »*.
Dans le réseau des CCIFI, qui sont toutes des structures de type privé et autofinancées par les prestations de services qu’elles offrent à leurs membres et aux entreprises françaises et locales, méfiance, voire défiance, ont dominé les premières réactions. Avec en tête les chambres d’Asie : Hong Kong, Singapour, Malaisie, Corée du Sud, Japon, etc. Mais elles ne sont pas les seules.
« L’Etat n’a pas laissé le choix au réseau consulaire »
Ainsi, dans la zone Afrique-Moyen-Orient, le dirigeant d’une CCIFI parlait encore récemment de « nationalisation » du dispositif français du soutien au commerce extérieur. « L’État n’a pas laissé le choix au réseau consulaire et a agi en douce sous couvert de simplification, confiait-il à la Lettre confidentielle il y a quinze jours, pour « écarter les chambres de l’accompagnement au profit de Business France ». Or, défendait-il, « l’entreprise doit disposer du choix entre la chambre ou un autre acteur « .
Et de relater que l’accord cadre, après avoir été retoqué une fois fin 2014, a été conclu en catimini quelques jours avant le 11 mars sans que toutes les chambres aient été consultées, certaines d’entre elles, selon notre interlocuteur, ne recevant le texte que « la veille en fin de journée, en raison du décalage horaire ». Et de conclure : » Qu’Arnaud Vaissié assume maintenant ses responsabilités « . Ambiance…
En Asie, la grogne semble avoir perdu en intensité depuis que l’on sait que l’accord sera appliqué en fonction du contexte de chaque pays et que la pression s’est un peu relâchée. En Malaisie, la signature d’une telle convention n’était d’ailleurs pas au programme du déplacement du secrétaire d’État au Commerce extérieur, Matthias Fekl, les 13 et 14 avril : » l’idée n’ a même pas été évoquée, ce qui nous a surpris « , a confié à la LC un opérateur économique basé à Kuala Lumpur.
Depuis deux mois, le sujet est au centre des réunions de zones des dirigeants des CCIFI, comme celle, début avril à Singapour, des directeurs des chambres dans l’Asean. L’un des participants à expliqué à la LC que » toutes ne se sentent pas spécialement inquiètes », car ce sont « des structures qui s’autofinancent » et qui ont » l’indépendance et la capacité » de discuter sur un pied d’égalité avec Business France, au moment où l’agence publique voit son budget limité et est priée de rationaliser son dispositif, notamment en le régionalisant.
Faut-il y voir la prise de conscience de tous les partenaires concernés qu’il faut à présent affiner le concept et bien l’adapter à chaque pays ? A Paris, on joue l’apaisement, le mot d’ordre est « complémentarité », tant chez CCI France que chez Business France.
« Ça va être du pays par pays »
« Comment on applique cette convention ? C’est à la fois la lettre et l’esprit, confiait ainsi à la LC Dominique Brunin, de retour fin mars d’une réunion avec les directeurs des CCIFI d’Asie Pacifique à Sydney. Il faut jouer sur les complémentarités entre les différents acteurs locaux ». Et le directeur délégué du réseau CCI International-CCI France International de préciser : « Il s’agit de travailler à la mise en œuvre intelligente de cet accord, en respectant le modèle économique de chaque acteur. Ça va être du pays par pays ». Une nouvelle cartographie des CCIFI en fonction de l’étendue de leur offre de services a été récemment élaborée. Mais localement, chacun devra faire son propre diagnostic.
Chez Business France, on rappelle volontiers que tout est parti « du besoin des entreprises » en terme d’accompagnement à l’international, et de ce que pouvait faire les différents acteurs pour elles le long de cette « chaîne de valeur ». « Les chambres de commerce en France sont incontournables sur la détection des entreprises et la structuration de leur projet, Business France est efficace sur tout ce qui concerne la prospection et la mise en relation d’affaires à l’international, les CCIFI et les privés sont eux présents sur toute la palette de services qui permettent une implantation dans la durée sur un marché étranger : hébergement, conseil, représentation commerciale, etc. » rappelle Lorenzo Cornuault, directeur en charge, notamment, des relations avec les régions et de la communication.
Avec les CCIFI, dont ont reconnaît les spécificités, il s’agira de trouver le moyen de concrétiser « une ambition commune de recentrer chaque opérateur sur ses compétences les plus légitimes ». Ce qui passera par des « accords locaux pragmatiques » et ouverts à d’autres acteurs comme les OSCI, dont beaucoup sont membres des chambres. « Les trois grands opérateurs se sont rapprochés pour donner une impulsion », souligne encore Lorenzo Cornuault. « Si Business France et les CCI en France parviennent à emmener de façon durable plus d’entreprises à l’étranger, ce sera aussi leur intérêt », conclut-il, en rappelant que l’objectif fixé par le gouvernement au nouveau dispositif est 3000 entreprises accompagnées d’ici 2017.
Dans ce contexte, les ambassadeurs, qui sont depuis 2014 les chefs de files incontestés des équipes de France à l’export locales, auront fort à faire, d’autant plus que tant les ministres du Quai d’Orsay que ceux de Bercy veulent des résultats concrets. Dans plusieurs dizaines de pays où les deux réseaux sont déjà sur des services complémentaires, la situation pourrait être réglée d’ici l’été. Dans d’autres, où les marchés sont matures et où les chambres sont très structurées, en concurrence plus frontales avec Business France, elles seront sans doute plus laborieuses…
Christine Gilguy et François Pargny
*Coup de gueule des OSCI face à l’alliance Business France/CCI International/CCIFI