Panama a le vent en poupe. Et ce, en dépit de l’affaire des « Panama Papers », qui a agité l’an dernier cette nation de plus de quatre millions d’habitants, coincée entre la Colombie au sud et le Costa Rica au nord. Dans son dernier classement sur la facilitation des affaires Doing Business, la Banque mondiale lui attribue ainsi un score en matière douanière proche de celui de la France (3,34 points contre 3,9). « Ce petit pays d’Amérique centrale étant déjà bien classé en matière de facilitation, il sera aussi bien placé pour profiter de l’Accord de facilitation des affaires (AFE) dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), entré en vigueur le 22 février dernier », déclarait Jean-Marie Salva, vice-président de la section européenne de la Fédération internationale des opérateurs économiques agréés (OEA) et associé du cabinet français DS Avocats, lors d’un atelier, le 28 mars, sur le thème « Panama : hub aérien et logistique pour les Amériques ».
D’après la Banque mondiale, alors que, pour dédouaner des marchandises, il faut compter en moyenne en Amérique latine 63 heures à l’export et 65 heures à l’import, au Panama le temps d’attente est de 24 heures dans les deux sens. Après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, le pays a ajouté à la facilitation des échanges un volet sécurité, en adhérant à l’accord Safe de 2005 établi sous l’égide de l’Organisation mondiale des douanes (OMD). Et le 2 cotobre, 2013, un statut d’opérateur économique agréé (OEA) « assez semblable à celui d’OEA en Europe », selon Jean-Marie Salva, a fait l’objet d’un décret. La législation offre la possibilité pour une durée de trois ans renouvelable d’alléger les contrôles et d’accélérer les octrois de documents et de procédures à certaines conditions : que l’entreprise maîtrise le processus et la règlementation douanières et présente une solvabilité financière.
Air France KLM en pole position entre l’Europe et Panama
L’AFE est entré en vigueur quelques mois après l’inauguration du nouveau canal de Panama qui, entre le Pacifique et l’Atlantique, distants de 80 kilomètres, a ouvert une nouvelle voie à des porte-conteneurs de nouvelle génération. Ce hub logistique permettrait à la zone littorale de développer les services financiers, logistiques et touristiques, qui constituaient 19 % du PIB en 2016. Pour autant, la compétition est acharnée et des projets concurrents existent, reconnaissait Pilar de Aleman, ambassadrice de Panama en France, notamment des projets de canal par la Chine au Nicaragua, nation plus proche des États-Unis que son pays, et de canal sec au Nicaragua et en Colombie. Sans compter l’étude de faisabilité lancée par Siemens avec le Brésil, la Bolivie et le Pérou pour une voie ferrée de 3 700 km entre l’Atlantique et le Pacifique.
Le Panama, parallèlement, s’est doté de tout un arsenal législatif pour attirer les investisseurs étrangers. A ce jour, 125 multinationales y ont installé un siège régional, générant au passage quelque 5 000 emplois directs. Elles ont bénéficié de l’appui du guichet unique créé par la loi et d’exonérations fiscales accordées aux entreprises apportant plus de 250 millions de dollars d’actifs et opérant dans la région à partir de Panama. Les investissements directs étrangers (IDE) contribueraient ainsi à 10 % du PIB (à comparer aux 1 % que représenteraient les activités offshore).
Air France KLM a clairement fait le choix d’installer son hub régional dans ce pays, en s’associant avec la compagnie Copa Airlines. « Nous avons été attirés par le climat d’affaires favorable, le fait que des sociétés européennes y sont installées avec des sièges régionaux, par la qualité des infrastructures et la sécurité qui est assurée », a ainsi exposé Daisy Dailloux, directrice Business Development d’Air France KLM.
KLM a été la première à s’envoler d’Amsterdam en 2008, Air France a suivi de Charles-de-Gaulle en 2013. « Le groupe a maintenant 13 lignes, Copa alimente les flux nord-sud et nous est-ouest », a précisé Daisy Dailloux. Entre l’Europe et Panama, l’alliance Air France KLM fournirait aujourd’hui 55 % des sièges, ce qui la situerait à la première position, devant Iberia, avec 26 %. Au total, 400 000 passagers auraient été enregistrés en 2016 et le trafic au départ de Paris aurait augmenté de 80 % depuis 2013.
De nouvelles infrastructures pour conforter le hub
Selon l’ambassadrice de Panama en France, 83 % du produit intérieur brut (PIB) de son pays proviendraient des services, dont 25 % liés aux activités autour du canal. C’est pourquoi Pilar de Aleman ne craint pas d’éventuelles mesures protectionnistes de la part des États-Unis. De 5 % en 2016, la croissance économique pourrait dépasser ce niveau cette année. En outre, de nouveaux investissements publics dans les infrastructures ont été programmés : deuxième ligne de métro en construction à Panama City, restructuration urbaine à Colón, quatrième pont surplombant le canal. Un appel d’offres pour un troisième port sur le Pacifique a été lancé. Panama possède aussi trois ports sur l’Atlantique. Une richesse qui a amené l’ambassadrice en France à visiter de nombreux ports de l’Hexagone.
Parmi les instruments dont dispose déjà le petit État d’Amérique centrale : un chemin de fer traversant l’isthme, des centres de stockage et de conteneurs, la plateforme d’affaires internationales Panama Pacifico, dédiée aux productions et services à valeur ajoutée, la Cité du savoir, complexe international pour l’éducation, la recherche et l’innovation, la zone franche de Colon et toute une série de call centers. Enfin, le gouvernement de coalition centre-droit qui soutient le président Juan Carlos Varela prévoit une nouvelle expansion du canal pour accueillir encore de plus gros navires.
Devenir membre de l’Alliance du Pacifique
Dans la stratégie d’ouverture à l’international de Panama, figure également toute une série d’accords commerciaux, notamment avec l’Union européenne (UE). Ainsi, en 2012, Bruxelles et Panama ont conclu un accord d’association global touchant aux marchandises, aux services, à l’investissement, aux marchés publics, lequel n’est, cependant, pas encore entré en vigueur faute d’avoir été encore approuvé par tous les États membres.
Par ailleurs, en 2011, le Chili, la Colombie, le Mexique et le Pérou avaient fondé l’Alliance du Pacifique, une initiative d’intégration régionale visant la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes et comptant aujourd’hui 49 pays observateurs, dont la France.
« Le Panama est candidat à rejoindre l’Alliance », a indiqué Pilar de Aleman. Mais il ne serait pas le seul. « Jusqu’aux pays asiatiques pourraient être intéressés après le retrait annoncé par le président américain Donald Trump du Partenariat trans-pacifique », a souligné Patricia Cuba-Sichler, responsable du Desk Amérique latine chez DS Avocats.
Ce sont le Costa Rica, la Nouvelle Zélande et le Canada qui semblent aujourd’hui les mieux placés pour rallier le club des Quatre. Le protectionnisme que pourrait appliquer l’Administration Trump dans les mois à venir a déjà poussé à un rapprochement entre l’Alliance Pacifique et les Etats membres du Marché commun du Sud (Mercosur), comprenant le Venezuela (suspendu à l’heure actuelle), l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Une raison de plus pour le Panama de participer à l’intégration régionale.
François Pargny
Pour prolonger :
– Amérique latine : l’impact positif de l’Alliance du Pacifique sur l’environnement des affaires
– Risques / Export : Coface « inquiète » pour l’Amérique latine, l’énergie et la métallurgie « sinistrogènes »
– France / Amérique latine : le partenariat économique à l’honneur lors de la visite présidentielle
– Amérique latine / Risques pays : une démocratie en force, une économie en crise