Pour la Chine et le Pakistan, les nouvelles Routes de la Soie ou Initiative BRI (Belt Road Initiative) doivent permettre de tisser des liens de développement dans les deux pays. Nul doute ainsi que le Corridor économique Chine-Pakistan (CECP) était au menu des discussions bilatérales qui se se sont tenues, les 8 et 9 octobre à Pékin, en présence du Premier ministre pakistanais, Imran Khan.
Si les tensions au Cachemire avec l’Inde, rival régional de la Chine, étaient la raison principale du déplacement du chef du gouvernement d’Islamabad, le CECP n’en demeure pas moins crucial, vu du côté d’Islamabad comme de Pékin, pour le développement du Pakistan et du Xinjiang, territoire autonome du nord-ouest de la Chine, comptant de nombreuses minorités ethniques, comme les Ouïghours.
Le CECP est un des six corridors de l’initiative BRI, connue aussi sous le nom d’Obor : « One belt pour une ceinture de développement économique terrestre, One road pour une route maritime du XXIe siècle », expliquait Karel Vereycken, conseiller de l’Institut Schiller sur les questions économiques, lors d’une conférence que la Fondation Viseo organisait avec la revue Nations émergentes à la mairie du 5e arrondissement de Paris, le 4 octobre,.
A cette occasion, Karel Vereycken rappelait l’importance stratégique du port en eau profonde de Gwadar dans le Balouchistan (sud Pakistan). « C’est dans cette cité, en bordure de la mer d’Arabie, que la ceinture terrestre de la Soie et la route maritime du XXIe siècle se rejoignent ». Selon lui, l’intérêt des Chinois pour le CECP est triple :
- Raccourcir la durée d’acheminement des marchandises. Ainsi, le trajet serait trois à quatre moins long entre la préfecture de Kachgar dans le Xinjiang à Gwadar qu’entre cette ville chinoise et Shanghai.
- Se sauver de l’épée de Damoclès du détroit de Malacca par où transitent 85 % du commerce de la Chine. L’approvisionnement pétrolier, notamment, de ce pays se fait par ce long corridor maritime au sud de l’Asie. La crainte de Pékin est un blocage de ce passage étroit, déjà saturé. L’hostilité de certains pays à l’expansionnisme de la puissance régionale pourrait, en outre, déclencher une réaction en chaîne, les États-Unis s’efforçant déjà de contrôler la totalité des détroits par où transite le commerce vers l’ensemble des ports chinois. Pour éliminer ce risque, Pékin serait prêt à financer le creusement d’une nouvelle voie maritime traversant la Thaïlande: sous son contrôle, le canal de Kra relierait l’océan Indien et l’océan Pacifique. Or, la Thaïlande, pour des raisons politiques et de souveraineté, tergiverse et Singapour et la Malaisie sont vent debout contre ce projet. La cité Etat perdrait la position géostratégique entre l’océan Indien et la Mer de Chine méridionale lui assurant d’être un centre logistique et financier de renommée mondiale. Quant à Kuala Lumpur, son opposition tient aux avantages que tire aussi du détroit de Malacca la cité de Port Klang, principal port et porte d’entrée en Malaisie. Compte tenu de la méfiance que suscite le canal de Kra, Pékin veut pousser d’autres alternatives au détroit de Malacca.
- Renforcer la sécurité. Le nord du Pakistan est traversé par des courants salafistes qui risquent de déborder de l’autre côté de la frontière. Pour Pékin, il est donc essentiel de stabiliser la patrie d’Imran Khan.
Le coût du CECP est évalué à 45 milliards de dollars, dont 33 milliards pour l’énergie (stations solaires, barrages, éoliennes, centrales thermiques au charbon…) et donc 12 milliards pour des projets divers : routes, zones industrielles, etc.
« Il faut saisir les occasions. Or, la France est dramatiquement absente », selon Karel Vereycken, qui a plaidé pour « l’émergence de partenariats sino-français pour développer l’énergie nucléaire au Pakistan ». Le voisin de l’Inde a inauguré son cinquième réacteur en septembre 2017.
La faible présence de la France au Pakistan avait auparavant été pointée par le député Modem de Moselle Brahim Hamrouche, vice-président du groupe d’amitié France-Pakistan, qui remarquait que « la place de la France se faisait en fait via l’Europe ».
Le 25 juin dernier, Bruxelles a renouvelé le Plan d’engagement stratégique UE-Pakistan 2012-2017. L’UE est le premier partenaire commercial du Pakistan, qui bénéficie par ailleurs du Système de préférences généralisées (SPG+), octroyé par l’UE en 2014.
Reste que la France n’est que le cinquième partenaire commercial européen du Pakistan. Composées notamment des produits pharmaceutiques, de mécanique et d’équipement électrique, ses exportations y ont atteint 224 millions d’euros de janvier à juillet 2019. Une trentaine d’entreprises de l’Hexagone serait également implantée sur place. Trop peu, alors que ce pays d’Asie devrait passer de 207 millions d’habitants à 240 millions d’ici 2030.
François Pargny