Cet article a fait l’objet d’une alerte diffusée dès le 9 octobre auprès des abonnés de la Lettre confidentielle du Moci.
Tout aux réformes de son pays, le nouveau président de l’Ouzbékistan Shavkat Mirzioïev est en visite en France ces 8 et 9 octobre, en quête d’investissements. Une visite historique : c’est la première visite du chef de l’État de l’ex-république soviétique d’Asie centrale en France depuis 1996… La relation était en effet au plus bas pendant les années où Islam Karimov était au pouvoir, la dictature, le protectionnisme et les prédations des proches du pouvoir n’étant guère attractifs. Elle est demeurée à 127 millions d’euros d’échanges commerciaux en 2017. Mais voilà, avec la mort en septembre 2016 de celui qui a régné un quart de siècle sur l’Ouzbékistan, la donne a changé. Son successeur, Chavkat Mirzioïev, 61 ans, qui fut son Premier ministre pendant treize ans, réforme aujourd’hui le pays à tout va.
Un enjeu de 5 milliards de projets pour la France
Tout y passe : de la politique à l’égard de l’Islam à la restauration de la convertibilité du soum, des droits de l’homme au code des impôts, de la presse au démantèlement des monopoles d’un marché de 31 millions d’Ouzbeks. Mais les résistances sont multiples dans l’administration et la nébuleuse où se mêlent intérêts politiques et économiques. « Un des principaux moteurs de cette frénésie réformatrice est l’extrême urgence que Mirzioïev voit dans la nécessité de relancer l’économie en attirant des investissements. Pour cela, il doit changer l’image du pays », commente avec un brin de prudence un diplomate à Tachkent.
Ces derniers mois, beaucoup en Ouzbékistan s’impatientaient de voir Russes, Chinois ou Turcs s’engager tandis que les sociétés occidentales hésitaient à franchir l’Amou Daria, légendaire fleuve de l’ouest du pays. « Nos entreprises souhaitent une vraie coopération industrielle. Nous avons besoin de temps », explique un connaisseur des dossiers en cours de négociation. Des signatures de projets pour 5 milliards d’euros pourraient intervenir à l’occasion de la visite de M. Mirzioïev en France. Beaucoup ne sont que des protocoles d’accord.
Orano (ex-Areva) doit signer un accord pour extraire de l’uranium, après que le gouvernement ouzbek a proposé de confier des gisements à des étrangers. Veolia serait prête à poursuivre sa percée dans le pays, après avoir signé en début d’année des protocoles d’accord pour la rénovation des systèmes d’approvisionnement en eau et en chauffage.
Côté défense, Thalès et Airbus espèrent placer satellites ou hélicoptères. Quant aux banques Natixis et Crédit Agricole, elles auraient signé le 5 octobre dernier des accords de prêt respectivement pour 500 et 300 millions d’euros pour le financement de grands projets d’investissement ainsi que pour les PME.
L’AFD a un programme de 600 millions d’euros jusqu’en 2021
« L’Ouzbékistan engage actuellement une nouvelle transition, il doit rénover et développer nombre de ses infrastructures, réformer et diversifier son économie, transformer la gouvernance publique. Active en Ouzbékistan depuis 2012, l’Agence française de développement (AFD) va signer à l’occasion de cette visite un Accord de partenariat de 600 millions d’euros de financements octroyés jusqu’en 2021, et d’expertise technique, pour soutenir la dynamique de réformes dans des secteurs comme les services communaux, l’énergie, l’agriculture », explique Raphaël Jozan, le chef du bureau de l’AFD à Tachkent.
L’agriculture est en effet un secteur important, l’Ouzbékistan approvisionnant aussi bien les voisins centrasiatiques que les marchés russes. « Notre agriculture est restée traditionnelle. Le gouvernement essaie de l’organiser en encourageant la création d’associations de producteurs ou l’ouverture de clusters de production. C’est là que les Français pourraient s’investir, pour vendre leurs technologies et produits tout en apportant leur expérience de l’organisation des filières », témoigne en parfait français Akhmed Rahmanov, directeur de Ransif Group, société qui accompagne les investisseurs en Ouzbékistan.
Signe de bonne volonté de la part d’un pays qui a été l’un des plus fermés au monde ces vingt dernières années : l’abolition du régime de visa pour les citoyens français.
Reste à confirmer nombre des initiatives annoncées. « On nous parle de l’abolition de la taxe sur le chiffre d’affaires, au profit d’une taxe sur les bénéfices. On nous parle aussi d’assouplissements des droits de douanes. Ce serait un gros encouragement pour les entreprises étrangères, mais nous attendons confirmation. Mais il y a lieu d’espérer puisque par exemple, nous venons de faire entrer LC Waikiki dans le pays, projet que nous avions dû abandonner il y a quatre ans », témoigne Pascale Pouyet, directrice d’Eurasia, réseau de commerce de détail sous franchise qui représente des marques comme Celio ou Pimkie.
Régis Genté, à Tbilissi