Resserrer les rangs tout en s’adaptant à cette crise mondiale inédite liée au coronavirus : lorsqu’ils nous reçoivent au siège de l’OSCI, dans les locaux de Medef International à Paris, Chloé Berndt et Hervé Druart (notre photo), les deux nouveaux co-présidents de l’OSCI, semblent anticiper déjà les futures mesures de confinement général qui seront annoncées quelques jours plus tard par le président de la République Emmanuel Macron, le 16 mars.
Mais cela ne les empêche pas de se projeter dans l’après-crise, et d’appliquer leur feuille de route.
Impact de la pandémie : les SAI et SCI aux premières loges
C’est que parmi les 150 membres de cette fédération, sociétés d’accompagnement à l’international (SAI), sociétés de gestion déléguée à l’export ou sociétés de commerce international (SCI), beaucoup ont été aux premières loges pour suivre en temps réel l’évolution des conséquences économiques et commerciales de la pandémie au niveau mondial, avec l’avalanche d’annulations et de reports de salons, missions de prospection, rendez-vous d’affaires ou formations, et la suspension des contrats.
« Il y a eu d’abord la Chine, et à présent l’Europe », souligne Hervé Druart. « Tous les projets sont en stand-by ». « Ce qui est nouveau dans cette crise, c’est qu’elle vient de l’économie réelle » : rien à voir avec les crises financières d’antan, régionales ou internationales. Difficile de faire des prévisions, la situation est inédite.
En Chine même, le retour à la normale prendra du temps, les entreprises françaises sont encore attentistes. « Nous sommes en télétravail depuis janvier », relate Chloé Bernd, dont la SAI, VVR, est spécialisée sur la Chine où elle est fortement implantée. Les Centres commerciaux réouvrent progressivement, 70 à 80 % des usines ont repris leurs activités, le désengorgement des ports a commencé.
Mais, du fait du maintien de certaines restrictions aux déplacements, l’accès aux informations de terrain reste difficile, et le maintien des contacts est handicapé par la distance : « Skype, ce n’est pas pareil que les rencontres physiques », souligne la co-présidente de l’OSCI.
Les mesures de fermeture des frontières ou de mise en quatorzaine obligatoire des étrangers que prennent de nombreux pays depuis début mars en rajoutent désormais à la complication : Chloé Bernd a dû renoncer à faire un déplacement en Chine, car elle aurait été mise d’office en quatorzaine à son arrivée.
Pour autant, il faut déjà préparer l’après-crise : « Il faudra y être rapidement lorsque la Chine reprendra », estime Hervé Druart. Pour l’OSCI, la feuille de route est tracée .
Resserrer les rangs et la cohésion
L’OSCI a resserré les rangs et favorisé les remontées d’informations et les échanges entre ses membres, plus solidaires que jamais, notamment sur le terrain. Elle s’appuie sur les nouveaux délégués par continent mis en place depuis le début de l’année, qui coordonnent les délégués pays.
Tous membres du conseil d’administration de la fédération, ils lui permettent « d’avoir les voix du monde » au sein de cette instance, précise Chloé Bernd. « Cela permet de raccourcir la distance entre Paris et nos 40 délégués pays » ajoute-t-elle. Utile dans le contexte actuel.
L’Europe est ainsi suivi par Dominique Cherpin (VillaFrance le Dom), basé en Allemagne, l’Asie par Thierry Mermet (Source of Asia) basé au Vietnam, l’Amérique par Laura Naville (Salvéo), basée au Canada, l’Afrique par Philippe Cordier (Ceemo), basé à Dakar et le Moyen-Orient et la CEI par Ilker Onur (Advantis), basé en Turquie.
A eux d’animer le réseau sur le terrain et faire remonter les informations. Depuis février, alors que la pandémie de Covid-19 n’a cessé de se propager et avec elle le bouleversement des activités, les occasions n’ont pas manqué de faire jouer la solidarité.
Développer les collaborations
La collaboration avec d’autres acteurs de l’écosystème de l’export est un autre axe de la feuille de route d’Hervé Druart et Chloé Bernd. A commencer par le dispositif public Team France export (TFE), qui s’impose comme une nécessité. Mais il suivra des chemins de traverse et ne se traduira pas par un accord institutionnel global.
Jusqu’à présent, l’OSCI, en tant que fédération, a en effet suivi de près cette réforme mais à l’écart, considérant que la création de ces « guichets uniques » de l’accompagnement export était d’abord l’affaire des acteurs publics, Business France, CCI, Bpifrance et les agences régionales. La nouvelle présidence de l’OSCI est, à cet égard, dans la continuité de son prédécesseur Étienne Vauchez.
« C’est un guichet unique qui met surtout en avant l’offre publique d’accompagnement », résume Hervé Druart. « Nous n’envisageons pas de convention nationale avec la TFE, car cela n’apporterait pas grand-chose, d’autant plus que le dispositif se focalise sur les primo-exportateurs, alors que nos membres travaillent avec beaucoup d’autres catégories d’entreprises, et qu’il se décline région par région », poursuit le co-président de ‘OSCI.
« Nous avons donc pris le parti de regarder région par région, quel accord équilibré pouvait être mis en place, mettant en avant l’offre publique et privée ». Les choses seraient bien engagées dans certaines Régions, un accord est même prêt à être signé en Auvergne-Rhône-Alpes.
Des rapprochements avec d’autres acteurs
En attendant, l’OSCI a multiplié les rapprochements avec certains des acteurs membres ou à la périphérie de la TFE, signe que l’heure est à la collaboration. « C’est l’association des acteurs qui va permettre de booster les exportateurs », souligne Chloé Bernd.
Un accord cadre de partenariat a ainsi été signé avec Bpifrance, en mai 2019. La banque publique est un partenaire naturel : les membres de l’OSCI génèrent environ un tiers des dossiers d’assurance prospection, ce dispositif d’aide financière géré par Bpifrance Assurance Export qui permet à des PME et ETI de financer leurs efforts d’approche de nouveaux marchés étranger.
« Nous leur fournissons la garantie d’un accompagnement des entreprises bénéficiaires dans la durée », souligne Chloé Bernd. En outre, les membres de l’OSCI interviennent en expert dans ses programmes accélérateurs de PME et ETI de la banque publique.
Plus récemment le 21 février dernier, l’OSCI a paraphé sa première convention cadre avec CCI France International, un autre acteur incontournable à la périphérie de la TFE, la tête de pont des CCI françaises à l’étranger (CCIFI).
Cet accord doit permettre d’enterrer de vieilles rivalités et d’ouvrir la voie à des collaborations plus systématiques, localement. « C’est un accord global qui pose les grandes orientations, ensuite on regarde au cas par cas ce qui peut être fait dans chaque pays », précise Hervé Druart.
Référencement TFE à l’étranger : en attente de promotion
Concernant l’étranger, l’une des priorités de la nouvelle présidence est aussi de pousser Business France à faire davantage la promotion des référencements, symboles de la nouvelle collaboration public-privé que brandissent volontiers les dirigeants de l’agence publique.
Lancés l’an dernier par appels d’offres, ils ont permis à Business France de mettre en place dans 63 pays tout un réseau d’experts privés labellisés « solution Team France Export » ou « partenaire Team France Export »-CCIFI, SAI, consultants, avocats…- pour différentes prestations de service aux entreprises liées à des problématiques d’implantation. Mais en toute discrétion. Business France n’a pas communiqué sur le sujet…
« Au Moyen-Orient, par exemple, les acteurs privés référencés n’apparaissent nulle part, sur aucun site officiel », déplore Hervé Druart. Aucun kit de communication n’a été diffusé auprès des intéressés, de sorte qu’eux-mêmes peuvent difficilement communiquer. « Il est temps d’accélérer », estime le co-président de l’OSCI, « il faut faire quelque chose de ce nouveau dispositif ».
Les deux co-présidents avaient prévu de rencontrer Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, avant la fin du mois de mars pour un « point d’étape ». Avec bon espoir que ce chantier avance. Ils espèrent aussi que leurs membres référencés seront davantage mis en avant lors des événements pays organisés sous le label de la TFE.
Se faire mieux connaître et assurer la relève
Cette question de mise en valeur des expertises du secteur privé en matière d’accompagnement à l’export n’est pas anodine pour l’OSCI : « développer notre notoriété auprès des entreprises » est une autre priorité haute du nouveau binôme à la tête de l’organisation, de même que l’attraction de nouveaux talents via des actions auprès des établissements d’enseignement supérieur.
Elle va avec un renforcement de ses efforts de professionnalisation déjà engagés par leur prédécesseur. « Nous devons améliorer nos compétences pour augmenter notre niveau de jeu », souligne Hervé Druart.
C’est tout le sens de l’incubateur mis en place il y a deux ans et que le nouveau binôme compte bien conserver et développer. Ce programme vise les nouveaux membres qui démarrent dans le métier : ils se voient désigner un parrain et doivent suivre une formation. Cette démarche est payante : sur les 150 membres que compte l’organisation, une quarantaine proviennent de cet incubateur. « On aimerait atteindre à terme 200 membres, et les garder », souligne Hervé Druart.
Muscler les compétences passera aussi par davantage de collaboration entre les métiers de l’accompagnement et du commerce international, tout deux représentés dans des collèges différents au sein de la fédération. « On souhaite renforcer les collaborations entre les SAI et les SCI », souligne Chloé Bernd.
La feuille de route de la nouvelle présidence de l’OSCI est chargée. La crise liée à la pandémie Covid-19 en perturbera sans doute l’agenda, mais pas les objectifs.
Christine Gilguy