Après les filières mode et mines et métallurgie, respectivement les 8 et 18 janvier, la filière nucléaire vient à son tour de signer, le 28 janvier, un contrat stratégique avec l’État. Ce contrat « fixe un cap, une feuille de route pour les dix ans qui viennent », a déclaré à cette occasion François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire. En prenant des engagements réciproques, les opérateurs de la filière et la puissance publique vont pouvoir aborder les grands enjeux auxquels ils sont confrontés : proposer des solutions pérennes pour les déchets, promouvoir les solutions d’économie circulaire, donner de la visibilité sur l’avenir du secteur afin que les entreprises de la filière puissent continuer à investir et innover, etc.
L’international, un défi
Parmi les atouts à la disposition des opérateurs, « le nucléaire est une technologie de pointe et une énergie décarbonée à bas coût », a pointé Bruno Le Maire, également présent. Parmi les nombreux défis à relever, a encore regretté le ministre de l’Économie et des finances, « le manque de compétence et le manque de qualification ». La filière pâtit en effet d’un déficit d’image des métiers de l’industrie auprès des jeunes et d’une dégradation de son image auprès du public.
« Le dernier défi, c’est celui de l’international », a complété Bruno Le Maire. Pour cette filière fortement exportatrice –plus de la moitié des entreprises du nucléaire ont des activités à l’export– l’enjeu est de promouvoir à l’international les solutions techniques françaises pour l’ensemble du cycle de vie des installations (nouveau nucléaire, services aux exploitants, cycle du combustible, composants et déconstruction).
Les 4 axes du plan d’action
Conformément à l’orientation donnée par le Conseil national de l’industrie (CNI), le Comité stratégique de la filière (CSF) nucléaire présidé par Dominique Minière a élaboré un plan d’actions portant sur des projets structurants à forts enjeux. Au total, six actions ont été définies, répondant aux quatre axes stratégiques suivants :
– Axe 1. Emploi, compétences et formation
Il s’agit de garantir les compétences et l’expertise nécessaires pour une filière nucléaire « attractive, sûre et compétitive ». Le maintien et le renouvellement des compétences du secteur constituent en effet une condition essentielle de sa pérennité, de sa capacité à exploiter l’outil industriel dans de bonnes conditions (notamment de sûreté), de sa capacité d’innovation et de développement futur.
– Axe 2. Transformation numérique
L’objectif poursuivi est de structurer, grâce au numérique, la supply chain et la démarche d’innovation au sein de la filière.
– Axe 3. R&D et transformation écologique
Deux enjeux structurants fondent cet axe. D’une part, promouvoir une économie circulaire au sein de la filière en particulier dans le domaine du cycle combustible et du recyclage des métaux de très faible activité. Et d’autre part, définir les réacteurs et outils du futur et développer un modèle de SMR (small modular reactor) de technologie française.
– Axe 4. L’international
« Il est fondamental que la filière se dote d’une stratégie globale dans ce domaine », estime le CSF. La stratégie portera notamment sur l’amélioration du positionnement de la filière vis-à-vis du marché et des organisations internationales et la mise en place d’un portefeuille d’offres qui répond aux besoins du marché international dans les prochaines années.
Outre ces quatre axes de travail, la filière va se lancer cette année dans la démarche « Accélérateur de PME » avec Bpifrance pour accompagner les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) dans la mise en œuvre des transformations nécessaires à sa pérennité.
Les six actions du comité stratégique de filière
Répondant aux quatre axes stratégiques, les six actions structurantes sont les suivantes :
Action 1. Garantir les compétences et l’expertise nécessaires pour une filière nucléaire attractive, sûre et compétitive
Objectifs : améliorer l’attractivité de l’industrie, de la filière nucléaire et de ses métiers par des actions en régions ; disposer des offres de formations initiales et continues pour permettre de maintenir des compétences et des recrutements de qualité dans la filière.
Action 2. Structurer, avec l’aide du numérique, la supply chain et la démarche d’innovation au sein de la filière
À ce jour, des entreprises du nucléaire ont commencé à intégrer l’apport des nouvelles technologies dans leurs modes de fonctionnement. L’objectif sera de structurer, grâce au numérique, la supply chain et la démarche d’innovation au sein de la filière.
Action 3. Promouvoir une économie circulaire au sein de la filière
Le recyclage des combustibles usés est un élément majeur de la stratégie : il permet d’économiser les matières premières et de minimiser le volume des déchets. L’objectif consiste à promouvoir une économie circulaire au sein de la filière notamment dans le domaine du cycle du combustible et de la valorisation des métaux de très faible activité (TFA).
Action 4. Définir les réacteurs nucléaires de demain et les outils du futur
Plusieurs démarches d’optimisation des coûts de l’EPR (réacteur pressurisé européen) ont été engagées dès les années 2000 et ont conduit en 2014 au lancement du projet EPR2. À travers cette quatrième action, le premier objectif consiste à définir les réacteurs et outils du futur, en vue notamment d’accélérer l’initiative « Usine nucléaire du futur », lancée par EDF, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et l’entreprise française Framatome, spécialisée dans la conception de centrales nucléaires et fournisseur d’équipements pour les chaudières nucléaires et de services de maintenance des réacteurs. L’autre ambition est de développer un modèle de SMR (Small Modular Reactor) de technologie française.
Dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie, le gouvernement a annoncé qu’il conduirait, avec la filière nucléaire, un programme de travail qui devra rendre ses conclusions mi-2021, afin de prendre une décision sur le lancement éventuel d’un programme de construction de nouveaux réacteurs en France.
Action 5. Disposer d’une stratégie globale à l’international
Il y a une forte demande à l’international, ce qui constitue une opportunité pour les grands acteurs français (EDF, Framatome, Orano), ainsi que pour l’ensemble des entreprises. En l’occurrence, les objectifs du contrat de filière sont de doter le secteur nucléaire d’une stratégie globale à l’international. Il s’agit à la fois d’améliorer le positionnement de la filière et de constituer un portefeuille d’offres qui répond aux besoins du marché.
À travers cette action, la filière ambitionne de promouvoir à l’export les technologies (nouveau nucléaire, usines du cycle, autres outils industriels…) ainsi que les prestations et services sur tout le cycle de vie de l’industrie nucléaire. En effet, l’offre française s’accompagne d’un faisceau de prestations et de coopérations scientifiques et techniques à destination des pays souhaitant développer un programme électronucléaire.
Action 6. Lancer une démarche filière pour accélérer la transformation du tissu industriel vers l’industrie du futur
Il s’agit d’accompagner les entreprises pour mettre en œuvre les transformations numériques et technologiques nécessaires dans les années à venir. Parmi les principaux engagements de l’État et de la filière, lancer la première promotion de l’accélérateur PME conjointement avec Bpifrance. Pour construire une stratégique à l’export et promouvoir les offres, l’État et la filière s’engagent également à mettre en place des outils d’information, de communication et de prospection.
Export, poursuite des discussions avec l’Inde et la Chine
S’agissant des marchés d’exportation, Bruno Le Maire a rappelé que la France continue les discussions et les négociations de contrat de réacteurs avec l’Inde et avec la Chine. Le ministre a d’ailleurs eu l’occasion de s’entretenir sur le sujet du nucléaire avec le vice-Premier ministre chinois Hu Chunhua, avec lequel il a présidé le 7 décembre à Paris la 6ème édition du dialogue annuel entre la Chine et la France sur les questions économiques et financières.
Les deux parties avaient alors réaffirmé leur engagement à soutenir le développement des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire et à garantir des normes élevées en matière de sûreté, de sécurité et de non-prolifération nucléaires.
Venice Affre