« La France a maintenu sa place de sixième exportateur mondial de biens et services ». C’est, avec une « stabilisation » de la part de marché mondiale de la France à 3,1 %, l’un des lots de consolation proposés à la presse par le secrétaire d’État au Commerce extérieur, le 7 février, pour relativiser les mauvais résultats du commerce extérieur pour 2016, et en particulier la hausse du déficit commercial à -48,1 milliards d’euros (Mds EUR) après quatre ans de baisse*. Le Moci a voulu vérifier. Voici les résultats de son enquête en exclusivité pour les lecteurs de la Lettre confidentielle.
Même si tous les pays n’ont pas encore publié leurs chiffres pour l’année complète, des tendances se dégagent, qui pour le moment, ne confirment pas les dires de Matthias Fekl en ce qui concerne les seules exportations de biens. Partenaire du Moci, la base de données statistiques GTA (groupe IHS) livre, à jour, les statistiques d’exportation officielles de marchandises sur onze mois (janvier-novembre 2016), en valeur, des dix premiers pays exportateurs mondiaux de biens, à l’exception des Pays-Bas et de l’Italie (respectivement 5ème et 10ème fournisseurs mondiaux en 2015), pour lesquels les chiffres ne sont pas encore disponibles.
France et Corée du Sud au coude à coude à la… septième place
La réponse n’est pas encore certaine : sur la période janvier-novembre 2016, la Corée du Sud, avec 405 milliards d’euros (Mds EUR) d’exportations cumulées, devance la France à la 6ème place du Top 10, avec 401 Mds EUR, l’Hexagone étant donc 7ème.
Toutefois, à fin décembre 2016, donc sur douze mois, il semble que la France soit repassée devant. En effet, toujours d’après les données GTA, la Corée du Sud termine l’année avec 448 Mds EUR (en baisse de -5,65 % sur un an). Or, Matthias Fekl a annoncé pour l’Hexagone en 2016 453 Mds EUR d’exportations, en léger recul de- 0,6 %.
Si l’on n’intègre pas les Pays-Bas dans le classement, faute de disposer des données complètes, la France est donc le 6ème exportateur mondial de biens. Toutefois, comme il est probable que ce voisin du nord de l’Europe, formidable plateforme de réexportation, conservera sa cinquième place, on peut avec raison penser qu’elle n’occupera que le 7ème rang.
Certes, on peut discuter sur la légitimité de Hong Kong, province spéciale de la Chine, à figurer de façon distincte dans ce Top 10 (voir ci après) : si en effet ses chiffres étaient réintégrés dans le total chinois, la 6ème place serait à nouveau libre pour les compétiteurs que sont Paris et Séoul. Mais pour l’heure, le commerce extérieur de Hong Kong est traité séparément de celui de la République populaire de Chine par la plupart des institutions internationales incluant l’OMC, il faut donc faire avec…
Décembre déterminant pour départager les États-Unis et l’Allemagne
L’incertitude règne aussi pour le Top 3 des exportateurs mondiaux de biens. Car si le podium par rapport à l’année 2015 ne devrait pas changer et si la Chine domine toujours largement, la deuxième place, elle, n’est pas assurée.
En effet, à fin novembre 2016, soit sur onze mois, si la Chine a exporté pour 1 734 Mds EUR de marchandises, demeurant numéro 1, les États-Unis 2ème, avec 1 194 Mds EUR, sont talonnés par l’Allemagne, 3ème avec 1 110 Mds EUR.
Donc, le mois de décembre sera déterminant pour départager ces trois géants de l’export. Sur l’année 2016 complète, seuls sont disponibles, à l’heure où nous écrivons ces lignes, les chiffres de la Chine et des États-Unis, respectivement de 1 932 Mds EUR (- 5,97 % par rapport à 2015) et 1 314 Mds (- 2,97 %).
Le Royaume-Uni, une chute de plus de 10 %
Dans le reste du Top 10, sur 11 mois, le Japon est 4ème bien loin des précédents, avec à peine 474 Mds EUR, soit 42,7 % des ventes internationales de l’Allemagne… Dans un mouchoir de poche, se trouvent ensuite Hong Kong, 5ème avec 422 Mds EUR, puis la Corée du Sud 6ème et la France, 7ème, déjà citées.
Le Royaume-Uni arrive en dernière position, avec 341,5 Mds EUR. Il affiche aussi, malgré la baisse de la livre qui aurait pu favoriser ses exportations, la plus forte baisse sur les onze premiers mois de 2016, soit – 11,1 %, correspondant à un recul généralisé sur ses grands marchés : États-Unis (- 10,06 %), Allemagne (- 6,04 %), Pays-Bas (- 0,95 %), France (- 4,04 %), Irlande (- 9,13 %), Chine (- 33,31 %), Belgique (- 9,77 %), Suisse (- 50,14 %), etc.
Par exemple, avec les États-Unis, c’est la dégringolade dans les principaux postes d’exportation : mécanique, pharmacie, objets d’art, chimie organique. Avec la Chine, la baisse est plus globale : automobile, mécanique, pharmacie, entre autres.
Le Canada et le Mexique avant l’effet Trump
Enregistrent également des diminutions d’exportations, la Corée du Sud (- 7,03 %), la Chine (- 6,25 % ), les États-Unis (-4,04 %) et la France (- 1,77 %). S’agissant de l’Hexagone, on constate des reculs importants aux Pays-Bas, en Chine, en Algérie et en Corée du Sud.
Au-delà du Top 10 (comprenant les Pays-Bas et l’Italie), on trouve le Canada et le Mexique, respectivement en 11e et 12e positions. Comme ces deux pays sont les partenaires des États-Unis dans l’Accord de libre échange nord-américain (Alena) que veut renégocier le président Trump, on peut s’interroger sur leur classement dans un an. Cible de Donald Trump, le Mexique qui exporte 80 % de ses marchandises vers les États-Unis serait le plus en danger.
François Pargny et Christine Gilguy
*Lire : Commerce extérieur / France : contre-performance confirmée pour l’export tricolore en 2016
Pour prolonger :
– Commerce extérieur / France : un panorama sectoriel inquiétant
– Commerce extérieur / France : un léger mieux à l’export dans l’UE, une baisse supérieure dans les pays tiers