Lancer une plateforme d’ exportation collaborative à destination des PME en s’appuyant à la fois sur un site Internet interactif et sur des rencontres d’affaires sectorielles bien réelles ? C’est un pari que viennent de prendre le Medef et l’OSCI (Opérateurs spécialisés du commerce international), avec exportation-collaborative.fr, site qui est opérationnel depuis début mai. La démarche est originale en France mais si le premier essai sectoriel à taille réelle, prévu le 28 juin prochain dans les locaux parisiens du Medef, fonctionne, cela pourrait rafraîchir l’approche tricolore du « exporter en meute » pour les PME et, surtout, stimuler le développement de démarches groupées dans ce domaine.
C’est pourquoi il va falloir suivre attentivement l’événement en question, « Meet Up Agri Agro », une matinée de conférences et d’ateliers rencontres axés sur les métiers et produits agricoles et agroalimentaires et les agroéquipements, et dont les chevilles ouvrières sont l’Adepta (Association pour le développement des échanges internationaux des produits et techniques agroalimentaires), avec le concours des fédérations Ania (Association nationale des industries alimentaires) et CF2A (Fédération du commerce agricole et agroalimentaire).
« L’idée est simple : il s’agit d’explorer et de stimuler la collaboration entre exportateurs lorsqu’ils sont complémentaires sur un marché afin de maximiser leurs chances de succès : cela peut prendre la forme d’un partage d’informations commerciales, mais aussi d’une mutualisation de dépenses marketing, voire d’une force de vente », explique Etienne Vauchez, président de l’OSCI. « Si vous êtes dans l’épicerie fine, par exemple, il sera plus facile d’aller à 4 ou 5 producteurs complémentaires sur un marché comme l’Indonésie et ce sera d’autant plus facile de promouvoir une offre Made in France, que tout seul, poursuit-il. Même pour le donneur d’ordre local, ce sera plus facile car il aura une offre plus complète ». Ces groupements de producteurs qui se forment ponctuellement autour d’un projet de marché précis, on les appelle « tracks » dans le jargon collaboratif.
La plateforme à l’avantage de faciliter l’identification et la mise en relation
Mais en face de ces producteurs –et c’est tout l’intérêt de la plateforme Internet–, il y a un porteur de projet : négociant, consultant, expert, quel que soit sont métier, il connait bien un marché ou segment de marché très précisément défini, dans un pays ou une zone, par exemple la viande bovine en Afrique centrale, les produits d’épicerie au Mexique, ou encore les systèmes d’irrigation en Australie. Et il sait comment faire pour entrer ou tenter d’entrer sur ce marché. C’est autour de ces porteurs de projets que doivent donc se regrouper les producteurs intéressés. La plateforme a l’avantage de faciliter l’identification et la mise en relation des uns et des autres.
Pour l’anecdote, si l’exportation collaborative est quasiment inconnue en France sous cette forme, sa pratique serait répandue en Scandinavie et en Australie. On en trouverait une forme proche en Italie, où les PME et TPE ont l’habitude de travailler dans le cadre de « consortiums » lorsqu’elles vont à la conquête de marchés étrangers. Un doctorant français, Jean-Christophe Gessler, professeur d’économie et de gestion à l’Université d’Evry Val d’Essonne, a vulgarisé cette technique d’exportation en en faisant le sujet de sa thèse à l’IAE de Lyon. Il en a justement présenté quelques bonnes feuilles aux membres du think-tank la Fabrique de l’exportation, dont Etienne Vauchez est un pilier, pas plus tard que le 18 mars dernier.
Une trentaine de projets face à une centaine d’entreprises
Pour la première opération Meet Up Agri Agro, le recrutement des porteurs de projets est en cours via la plateforme. « On en a déjà une quinzaine de validés, nous espérons en avoir une trentaine pour le 28 juin », précise Etienne Vauchez, qui a mobilisé les membres de son organisation pour cela, tant du côté du négoce que des sociétés d’accompagnement à l’international. « Ensuite, nous irons chercher les exportateurs track par track » ajoute-t-il. Pour réunir ces producteurs et autres exportateurs potentiels, ce sont les fédérations partenaires –Ania, CF2A- qui mobiliseront parmi leurs membres, sans oublier l’Adepta, qui a elle-même proposé des « tracks ». L’objectif est de mobiliser ainsi une centaine d’entreprises et de producteurs.
Si le Medef et l’OSCI sont cofondateurs de la plateforme, « elle est ouverte à tout le monde » tient à préciser Etienne Vauchez, qui rappelle que sa création correspond à une des orientations soutenues par Matthias Fekl lorsqu’il avait annoncé son plan d’action pour l’export, le 11 mars 2015. « Une des mesures était de favoriser le développement de groupements export, elle a été confiée à l’OSCI », rappelle son président, qui est membre du Conseil stratégique de l’export créé par le secrétaire d’État en charge du Commerce extérieur. Jusqu’à présent, les groupements de PME peineraient à se développer en raison des contraintes que la démarche engendre lorsqu’on suit les voies classiques, de type associatif ou GIE : « cela oblige à créer une structures, c’est lourd et rigide ». Monter des « tracks » autour de projets précis proposés par des professionnels à l’avantage d’être plus souple et concret.
Et si l’initiative donne de bons résultats, elle pourrait très vite constituer un cadre d’action pour d’autres fédérations professionnelles. C’est du moins ce qu’espèrent ses promoteurs. « Le Medef a conscience que les fédérations ont besoin de se renforcer sur l’export, estime Etienne Vauchez. Elles constituaient jusqu’à présent le maillon faible du dispositif français de soutien à l’export car elles avaient tendance à proposer des actions qui existent déjà, via des organismes comme Business France ou les chambres de commerce, par exemple. La démarche que nous leur proposons, elle, est originale et elle permet de proposer à une PME d’amorcer une démarche export et de l’accompagner ».
D’ores et déjà des opérations similaires sont annoncées en octobre prochain pour les entreprises du secteur de la santé et de celui du numérique, et, en décembre, pour celles de l’environnement et de la construction/BTP.
Christine Gilguy
Pour en savoir plus :
Le programme de Meet Up Agri Agro : www.exportation-collaborative.fr/meetup-agri-agro