La nouvelle opération « Ports morts » lancée par la Fédération nationale des ports et docks (FNPD, affiliée à la CGT) le 29 janvier, pour demander le retrait de la réforme des retraites, maintient les incertitudes sur les acteurs de la logistique française, durement touchés depuis le début des mouvements de contestations le 5 décembre dernier. Au total, 13 jours de blocage complet des ports ont été enregistrés durant cette période, sans compter les effets négatifs des grèves perlées dans divers métiers (remorquage, manutention, etc…).
Alors que le gouvernement s’est jusqu’à présent refusé à employer la force pour débloquer les ports, au grand dam des organisations professionnelles de la filière, celles-ci multiplient les appels à l’aide face aux pertes qui s’accumulent.
L’Union maritime et portuaire de France (UMPF) a estimé le 27 janvier à 500 millions d’euros les pertes financière déjà encaissées par les ports français, liées notamment aux pertes de trafics.
Pour le seul port du Havre -premier port pour les conteneurs de France-, selon des chiffres communiqués par ce dernier le 22 janvier, quelque 227 escales de navires ont été perdues ou perturbées depuis le début de ces opérations, occasionnant la perte de 100 000 EVP (63 000 conteneurs) au profit d’autres ports, et 300 emplois.
Au-delà des ports, ce sont tous les acteurs de la logistique et du transport et leurs clients qui sont impactés par les blocages et les retards, fragilisant la compétitivité des plateformes portuaires françaises au profit des voisins du nord (Anvers, Rotterdam…) ou du Sud (Gêne, Barcelone…).
Le 23 janvier, dans un communiqué commun, plusieurs organisations représentatives des acteurs de la chaîne logistique du froid*, cruciale pour l’agroalimentaire, ont ainsi lancé un cri d’alarme face aux grèves qui « impactent déjà sévèrement de très nombreux acteurs et clients » : report d’expéditions à l’export, qui saturent les entrepôts frigorifiques, surcoût à l’import liés aux frais supplémentaires de stationnement et de branchement de conteneurs frigorifiques… « Mais, plus grave encore, les impacts économiques ne s’arrêteront pas lorsque les grèves auront cessé », estiment ces organisations, estimant que « les grands ports maritimes français voient, à nouveau, leur image écornée ».
Le gouvernement refuse de débloquer les ports
« Cela se chiffre en dizaines de millions d’euros de pertes sèches par port depuis le 5 décembre » tonnait dès le 21 janvier les organisations de transitaires et transporteurs Union TLF / TLF Overseas et FNTR dans un communiqué commun, à l’issue d’une réunion à Bercy entre les représentants de la filière logistique et les deux secrétaires d’Etat Agnès Pannier-Runacher (Economie et finances) et Jean-Baptiste Djebarri (Transition écologique et solidaire).
Pour l’heure, le gouvernement a répondu aux appels à l’aide des entreprises du secteur par des mesures de soutiens de type administratives et fiscales : accélération du remboursement de la TVA et de la TICPE, report d’échéances sociales et fiscales, facilités de crédit auprès de Bpifrance, assouplissement temporaire de certains contrôles… (voir sur le site de la Direction générale des Entreprises à Bercy). Mais sans doute soucieux de ne pas envenimer le climat social autour de la réforme des retraites, il s’est refusé à souscrire aux demandes de déblocage émanant des organisations professionnelles.
Les incertitudes sont donc appelées à durer. Ce qui ne devrait pas faciliter la tache d’Anne-Marie Idrac, qui a pris la tête de la nouvelle plateforme France Logistique, chargée d’organiser le dialogue entre le gouvernement et les acteurs de la filière en vue de redresser sa compétitivité, et qui avait appelé le gouvernement à prendre des mesures de soutien face à la situation. Elle aussi a appelé, notamment dans un tweet posté le 16 janvier, le gouvernement à débloquer la situation et à soutenir la filière.
Son diagnostic ? A comprendre peut-être à travers un tweet posté par cette ancienne secrétaire d’Etat aux Transports et du Commerce extérieur venue du centre-droit, le 24 janvier, dans lequel elle partage une tribune du libéral directeur de Radio Classique Jean-Francis Pécresse, publiée dans Les Echos et intitulée : « Sortir la CGT des ports ». Ambiance….
Christine Gilguy
*Les organisations signataires de ce communiqué sont : Adepale, La Chaîne logistique du froid, Fedalis, Fipa, SNCE, CSIF, Les Entreprises des glaces et surgelés.