Les discussions peuvent désormais entrer « dans le vif du sujet ». C’est en ces termes que Michel Barnier, le négociateur en chef côté européen, a reçu lundi matin à Bruxelles son homologue David Davis, le ministre chargé du Brexit. Après un premier round en juin, décrit comme « un tour de chauffe », car essentiellement destiné à se mettre d’accord sur la méthode et le calendrier, cette deuxième session de pourparlers prévoit d’aborder tous les sujets prioritaires, liés à la séparation proprement dite.
Au menu des ces quatre jours de discussions : les droits des citoyens européens résidant au Royaume-Uni ; le règlement financier ; la question irlandaise ; et les dossiers connexes comme l’appartenance à la communauté européenne de l’énergie atomique Euratom, l’autorité de la Cour de justice de l’UE (CJUE) ou le statut des biens placés sur le marché unique après la date du Brexit. Mais la question financière, soit le chèque que les Britanniques devront payer pour solder leur compte avec l’UE, est déjà vu comme l’une des principales pierres d’achoppement dans ces négociations à peine entamées. Et du côté des Européens l’impatience gronde. Car si les 27 ont dévoilé, dès le mois de mai, leurs orientations sur chacun de ces dossiers, les Britanniques traînent des pieds.
Seule la position de Theresa May sur le futur statut des citoyens de l’UE installés au Royaume-Uni et ceux des Britanniques résidant sur le continent a été présentée au mois de juin lors du sommet des 28 à Bruxelles. « Nous jugeons leur proposition largement insuffisante, mais elle a le mérite d’exister pour servir de base aux discussions », indiquait un négociateur de la Commission. Les documents relatifs aux autres dossiers inscrits au menu de ce round de pourparlers « nous ont été transmis jeudi passé et rien, pas un mot, sur le règlement financier », déplorait cette même source. L’équipe de Theresa May a néanmoins transmis à Bruxelles d’autres textes sur la nécessité de s’entendre sur une période transitoire et de commencer au plus vite à discuter du statut de la future relation entre les deux parties. Une conversation que les 27 ont pourtant déjà conditionnée à des « avancées significatives » sur les premiers sujets clés. « On ne parlera pas de la relation future tant que les modalités du divorce n’auront pas été définies », n’a cessé de répéter Michel Barnier au cours de ces dernières semaines.
L’Allemagne inquiète, la filière européenne des vins aussi
Pas encore d’actualité dans les couloirs du Berlaymont, le cœur du pouvoir exécutif à Bruxelles, l’idée de prévoir une période de transition, pour éviter un divorce brutal, est également défendu par la communauté des affaires, des deux côtés de la Manche. Les représentants de l’industrie britannique qui milite activement en ce sens – afin d’éviter un retour aux normes et tarifs de l’OMC en mars 2019, faute d’accord entre Londres et Bruxelles – ont en effet trouvé de nombreux soutiens sur le continent. En Allemagne en particulier, dont l’économie, très tournée vers l’exportation, risque d’être l’une des plus affectées par les conséquences du Brexit. « La sortie du Royaume-Uni du marché unique et de l’union douanière aura des conséquences très négatives et très précises », a averti, dans une interview accordée au site Euractiv, Karl Haeusgen, vice-président de l’Association de l’industrie mécanique allemande (VDMA), qui représente plus de 3 000 fabricants dans son pays. Selon lui, ses membres s’interrogent sur le futur des normes communes, qui ont mis des dizaines d’années à être mises en place. « Je pense vraiment que les deux parties sous-estiment les conséquences de la sortie d’une si grande économie de l’UE, et de la construction de nouvelles frontières protectionnistes entre le Royaume-Uni et le reste de l’UE ».
Mêmes préoccupations au sein des associations européennes du secteur des vins et spiritueux. Depuis le référendum sur le Brexit et la dévaluation de la livre qui s’ensuivit, le prix du vin a en effet augmenté : plus 3 % rien qu’au premier trimestre 2017 contre 1 % les deux années précédentes. Et cette tendance n’est pas prête de s’arrêter, surtout avec une hausse des taxes sur les alcools de 3,9 %, prédit l’Association britannique des distributeurs de vins et spiritueux (WSTA). Lors d’une conférence sur « l’impact du Brexit pour la filière », organisée en marge du salon Vinexpo à Bordeaux en juin, les professionnels du secteur, européens et britanniques, ont parlé d’une même voix. Après le divorce, ils souhaitent un nouvel accord de libre-échange au moins au même niveau que celui déjà existant, en maintenant des droits de douane nuls. Selon eux, chaque partie a tout à y gagner : le Royaume-Uni importe chaque année 2,5 milliards d’euros de vin depuis l’Europe et exporte vers le continent 2,1 milliards de spiritueux. Sur le marché britannique, les vins européens représentent 42 % en volume et 55 % en valeur. « Au niveau de la filière européenne, notre objectif est que le Brexit soit un non-évènement, lance Jean-Marie Barillère, président du Comité européen des entreprises vins (CEEV). Qu’il y ait le moins de changements dans les flux commerciaux entre l’Europe et nos amis anglais ».
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
– Royaume-Uni / UE : les incertitudes du ‘Brexit’ pèsent sur les économies des deux blocs
– Douanes / Réglementations : le ‘Brexit’, futur casse-tête pour les administrations et les opérateurs
– UE / Finances : G. Oettinger s’attaque au casse-tête du budget ‘post-Brexit’
– Royaume-Uni / Attractivité : l’investissement risque d’être la première victime du Brexit, selon Coface