Après une rencontre plutôt glaciale avec Donald Trump à Washington le 17 mars, Angela Merkel recevait deux jours plus tard, à Hanovre, son homologue japonais. Si aucun des deux dirigeants n’a directement pointé du doigt la nouvelle administration américaine, ils ont profité de l’occasion pour se démarquer du discours protectionniste défendu par le locataire de la Maison Blanche. « Nous devons conclure prochainement un accord de partenariat économique entre le Japon et l’UE », a déclaré Shinzo Abe, message qu’il a ensuite porté à Paris puis à Bruxelles, autres étapes de sa tournée européenne. « A l’heure où nous devons défendre face à beaucoup d’autres le libre-échange, les frontières ouvertes et les valeurs démocratiques, il est de bon augure que le Japon et l’Allemagne ne se disputent pas sur ces thèmes mais cherchent plutôt à bâtir un avenir profitable à leurs peuples », a rétorqué la chancelière allemande.
Un pacte avec le Japon serait « la pierre angulaire de cette stratégie »
Conformément aux conclusions adoptées par les 28 lors du dernier sommet à Bruxelles, l’Union européenne (UE) multiplie les contacts et rencontres au sommet pour accélérer son agenda de libre-échange. « L’Europe doit démontrer qu’elle est un partenaire crédible pour occuper le rôle joué traditionnellement par les Etats-Unis avec divers partenaires allant du Mexique à l’Indonésie », a récemment commenté Cecilia Malmström, lors d’une table ronde dédiée aux nouvelles priorités commerciales de l’UE. Car pour la commissaire au Commerce, le retrait de Washington du Partenariat Trans-Pacifique (TPP), négocié avec onze autres Etats, constitue une opportunité à saisir pour renforcer l’influence européenne sur le continent asiatique qui représente, avec l’Europe, 60 % du PIB de la planète et plus de 60 % du commerce mondial.
A côté des accords déjà conclus avec la Corée du Sud, Singapour et le Vietnam, Bruxelles poursuit d’autres négociations avec l’Indonésie ou les Philippines. « La conclusion d’un pacte de nouvelle génération avec le Japon constitue néanmoins la pierre angulaire de cette stratégie », confirme un proche de la libérale suédoise. Mais la nécessité de créer de nouveaux partenariats ne suffira pas à lever les obstacles qui retardent depuis leur lancement, en 2013, les pourparlers entre les deux blocs.
Les deux camps seraient « plus engagés que jamais » à conclure avant la fin de l’année
L’an passé, les discussions avaient même été gelées, entraînant l’annulation du sommet bilatéral annuel, face au refus des autorités nippones de garantir une plus grande ouverture de leur marché agricole. « Beaucoup d’inconnues demeurent », reconnaît Fraser Cameron, directeur du Centre UE / Asie, un think tank basé à Bruxelles. « Les Japonais disent qu’ils veulent conclure cette année, mais ils l’ont déjà affirmé par le passé ; et désormais ils réclament quelques semaines en plus pour achever la réforme du secteur laitier », déplore cet expert.
« Nos responsables sont sérieux », a martelé, la semaine passée, Kazuo Kodama, l’ambassadeur japonais auprès de l’UE. Pour le diplomate, les deux camps « sont plus engagés que jamais » à conclure cette année un accord, « au moins de principe », a-t-il souligné. Ce scénario envisagé permettrait de sceller un accord politique, dans lequel 90 % des chapitres seraient bouclés. Les volets les plus complexes resteraient, dans ce cas de figure, sur la table des négociateurs techniques.
Du côté de la Commission européenne, l’échéance fixée à cette année est également jugée « crédible ». Outre le protectionnisme de Donald Trump, d’autres facteurs laissent envisager une conjoncture plus favorable. D’abord la volonté du gouvernement Shinzo de mener à terme la réforme du secteur agricole. « Les discussions autour du TPP au Japon ont permis de faire émerger un consensus sur la nécessité de moderniser notre agriculture », explique Yorizumi Watanabe – ancien négociateur commercial, aujourd’hui professeur à l’université de Keio – cité par le site politico.eu. Selon lui, la réforme devrait aboutir en juillet et permettre de lever les derniers blocages qui freinent la conclusion d’un accord.
Autre évolution favorable : le soutien croissant des constructeurs automobiles allemands – l’un des plus puissants lobbies industriels en Europe – pour un accord UE / Japon. Enfin, l’agenda international de ces prochains mois permettra plusieurs rencontres entre Shinzo Abe et ses homologues européens. « Et c’est souvent en marge des ces sommets que les impulsions politiques sont données », souligne un collaborateur de Cecilia Malmström. Après sa tournée européenne cette semaine, le premier ministre japonais retrouvera certains leaders européens en mai à la réunion du G7, puis en juillet lors du G20 organisé en Allemagne et présidé par Angela Merkel qui devrait profiter de cette tribune pour livrer, elle aussi, un vibrant plaidoyer en faveur du libre échange.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
UE / Japon : Bruxelles et Tokyo poussent à la conclusion d’un accord de libre-échange en mars