Avec la mise en quarantaine de l’Italie, décidée le 9 mars par Rome, l’Europe, et en particulier la France, doit faire face à un nouveau choc économique, pour ses exportations, mais aussi pour ses approvisionnements, peut être plus sévère que celui provoqué par la paralysie de la Chine.
Avec 80,8 milliards d’euros (Md EUR) d’échanges import-export, l’Italie est en effet, derrière l’Allemagne mais devant les États-Unis, le deuxième partenaire commercial de la France, loin devant la Chine, au 5ème rang (73,4 Md EUR).
Depuis le 10 mars, parmi les mesures de confinement instaurées par les autorités italiennes dans tout le pays, outre l’annulation de tous les événements pour trois semaines, les déplacements dans tous le pays sont strictement limités. Elles étaient déjà en application dans le nord de l’Italie, épicentre de l’épidémie, depuis le 8 mars, après avoir été imposées dans les trois régions du nord les plus touchées que sont la Lombardie (Milan, sur notre photo), la Vénétie et l’Emilie-Romagne, des poumons de l’industrie italienne.
« Les entreprises ne sont pas empêchées à ce stade de produire ni d’acheminer leur production. Il est toutefois probable que celle-ci sera ralentie, ce qui vient menacer la continuité des chaînes de valeur des économies qui se fournissent auprès de l’Italie pour leur propre production », souligne Denis Ferrand, directeur général de l’Institut d’étude économique Rexecode, dans une note publiée le 9 mars sur « quelle imbrication de l’économie italienne dans les chaînes de valeur en Europe ».
Le troisième partenaire commercial de la France
Les imbrications industrielles et commerciales entre les entreprises des deux côtés des Alpes sont multiples, impliquant de grandes entreprises mais aussi de nombreuses PME, dans les biens d’équipements, le biens intermédiaires et les produits de grande consommation. Du seul point de vue du commerce extérieur bilatéral, les chiffres sont éloquents, selon la base de données IHS Markit Global Trade Atlas.
En 2019, l’Italie a été le troisième pays fournisseur de la France avec 43,2 milliards d’euros (Md EUR), derrière l’Allemagne et la Chine. Il a été également le troisième débouché pour ses exportations, avec 37,5 Md EUR, derrière l’Allemagne et les États-Unis.
Dans le top 10 des produits fournis par l’Italie, viennent largement en tête les machines et équipements mécaniques (14,9 %), suivis des véhicules automobiles (12 %) et des matériels électriques (5,4 %). Les produits plastiques viennent en 4ème position (5 %), devant les produits en fonte, fer et acier (4,3 %). Les produits de grande consommation sont également bien placés avec les produits pharmaceutiques (3,3 %), les meubles (3,2 %) et les chaussures (3,1 %).
Dans le top 10 des produits exportés vers l’Italie par les Français, l’automobile est en tête avec 12,2 % du total, suivi des machines (7,8 %) et des produits pharmaceutiques (7,5 %). Les matériels électriques sont en 4ème position (5,8 %), devant les produits en plastique (5,4 %). Les parfums et huiles essentielles sont en 8ème position (3,1 %), devant les animaux vivants (2,8 %) et les appareils optiques (2,5 %).
Un rouage important des chaînes de valeurs en Europe
Plus largement, outre la chute de la demande, le lock-down de l’Italie, qui rappelle celui d’une partie de la Chine début février pour endiguer l’épidémie liée au coronavirus Covid-19, fait peser un nouveau risque sur les supply chain européennes.
A elles seules, les régions du nord de l’Italie déjà confinées pèsent lourd dans l’industrie et l’économie italiennes : elle représentent 38 % du PIB italien et 55 % de la valeur ajoutée de la péninsule, rappelle Denis Ferrand dans sa note.
Et selon lui, les fournisseurs italiens pèsent encore aujourd’hui plus lourd dans les approvisionnements industriels des pays européens que la Chine. Citant des chiffres de la base de données WIOD remontant à 2014, les Italiens représentaient 1,7 % de la valeur des achats intermédiaires de la France, pratiquement le double de la Chine (0,9 %) et 3,1 % des achats intermédiaires de la seule industrie française, contre 1,4 % pour les fournisseurs chinois.
Mais la Suisse, l’Autriche et certains pays d’Europe de l’Est (Croatie, Slovénie, Roumanie, Hongrie) sont encore plus dépendants des fournisseurs italiens.
En France, c’est l’industrie textile qui est la plus dépendante des fournisseurs italiens : ils pèsent 10,6 % des intrants intermédiaires, selon Rexecode. Mais l’industrie automobile est également relativement dépendante des Italiens (5,8 %), de même que la production de machines et équipements mécaniques (5,3 %) et de matériels électriques (5,2 %). Le taux tombe à 2,5 % pour la chimie et la construction et à 1,9 % pour l’industrie pharmaceutique.
Toute la question est de savoir à présent quelle va être l’ampleur de l’impact de cette mise en quarantaine de l’Italie sur ces chaînes de valeurs européennes, en particulier françaises.
A suivre…
Christine Gilguy