Quand on parle de l’Iran dans les milieux d’affaires tricolores, régulièrement on sourit d’abord, puis les regards s’assombrissent en repensant à la très grosse amende (8,97 milliards de dollars) infligée à BNP Paribas en juin 2014 par les tribunaux américains, conformément à la loi des États-Unis sur l’extraterritorialité. La banque française avait dû, pour que le marché américain lui reste ouvert, reconnaître avoir violé l’embargo contre l’Iran, Cuba et le Soudan. Depuis, Bercy s’efforce de rassurer les entreprises françaises intéressées par le marché prometteur de l’Iran.
Des discussions ont donc été engagées avec l’OFAC (Office of Foreign Assets Control), bureau du contrôle des avoirs étrangers du Trésor américain, chargé d’administrer et d’appliquer les sanctions économiques et commerciales fondées sur la politique étrangère et les objectifs de sécurité nationale des États-Unis. Aux journalistes invités, le 7 février, à la présentation du bilan 2016 du commerce extérieur de la France en 2016*, dont Le Moci, Matthias Fekl, le secrétaire d’État au Commerce extérieur, a précisé que ces échanges avaient pour but « de connaître précisément le cadre juridique américain pour pouvoir donner des documents écrits aux entreprises françaises sur les règles en vigueur ». Mais concernant le volet financier, « à part deux banques, elles manquent encore », a-t-il également reconnu.
« Des entreprises n’ont besoin de financements à ce stade »
Thomas Courbe, le directeur général adjoint du Trésor, qui était présent à cette conférence de presse au Quai d’Orsay, a confirmé ses propos tout en précisant certaines réalités. Certes, « les systèmes commerciaux et financiers doivent être remis en place », mais, pour autant, selon lui, « il y a une grande disparité d’entreprises et certaines qui sont présentes en Iran n’ont pas besoin de financements à ce stade ».
Le secrétaire d’État a d’ailleurs cité toute une série de sociétés de l’Hexagone actives en Iran – « Vinci pour le développement de l’aéroport de Machhad, Airbus pour des ventes en cours, ATR, Peugeot qui a fait son retour dans ce pays, Renault et Total pour le développement du champ gazier de gazier de South Pars » – et rappelé la présence récente d’une soixantaine d’entreprises fin janvier en Iran, parallèlement à la visite du ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault.
Les chiffres sont aussi là, selon lui, pour montrer l’intérêt de ce pays « aux perspectives encourageantes », et avec lequel « l’import et l’export ont cru de 237 % ».
Pas de négociations sur le TTIP sans « la fin de l’extraterritorialité »
« Un chantier à venir majeur » pour Matthias Fekl sera de trouver des réponses « aux décisions unilatérales » de Washington. Et, en l’occurrence, il estime que les négociations sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (en anglais, Transatlantic Trade and Investment Partnership/TTIP) « ne doivent pas reprendre en l’état », qu’au préalable il faut « la fin de l’extraterritorialité ».
Au passage, il a salué le travail des parlementaires Karine Berger (parti socialiste) et Pierre Lellouche (Les Républicains), auteurs d’un rapport bipartisan dénonçant l’extraterritorialité de la législation américaine**, qui « compte des recommandations réalistes ». Et de se féliciter encore des premières mesures prises ainsi dans le cadre de la loi Sapin II – du nom du ministre de l’Économie et des finances – pour lutter contre la corruption.
François Pargny
* A propos du bilan 2016 du commerce extérieur, lire sur notre site, en accès gratuit : Commerce extérieur / France : contre-performance confirmée pour l’export tricolore en 2016 ; Commerce extérieur / France : un panorama sectoriel inquiétant ; Commerce extérieur / France : un léger mieux à l’export dans l’UE, une baisse supérieure dans les pays tiers
** Lire dans une précédente édition de la LC : États-Unis / Extraterritorialité : P. Lellouche et K. Berger lancent un cri d’alarme contre les abus du système judiciaire américain
Pour prolonger :
–France / Iran : J-M. Ayrault et le Medef ont continué leur mission, malgré les pressions américaines
–Iran / Export : les escales de porte-conteneurs vers l’Iran vont reprendre depuis le port du Havre